Anonyme [1649], LE PROCEZ, L’ADIOVRNEMENT PERSONEL, L’INTERROGATOIRE, ET L’ARREST DE MORT DV ROY D’ANGLETERRE. Auec ce qu’il dit & fit deux iours auant sa mort: Et la Harangue qu’il prononça sur l’échaffaut. Selon le rapport de plusieurs Gentils-hommes Anglois qui y assisterent, & meirent le tout sur des tabletes. Fidelement traduit de l’Anglois, par le sieur DE MARCYS, Interprete & Maistre pour la langue Françoise du Roy d’Angleterre regnant à present, & de son Altesse Royale Mgr le Duc d’York son Frere. , françaisRéférence RIM : M0_2888. Cote locale : A_6_70.
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& diminuer les priuileges du Parlement ; Toutes les condescendances
que ie fis à leur ouuerture en font foy, qui allerent iusques à me dépoüiller
moy mesme de certaines prerogatiues qu’on n’auoit iamais disputé à
mes predecesseurs ; comme d’accorder qu’il s’assembleroit vn Parlement
de trois ans en trois ans, qui ne se pourroit rompre sans le consentement
des deux Chambres. Ie ne parleray point de la vie de mon premier Ministre
que ie sousmis à leur examen, & que ie sacrifiay, pour ainsi dire, à leur
rage & à leur ambition.

 

Vous estes tous tesmoins si ie commençay à leuer les armes, s'ils ne
se saisirent pas les premiers des Arsenaux & des fortes Places, & si l'on
considere les dattes de leurs Commissions & Declarations, l'on verra
que c'est eux, & non pas moy, qui a commencé la guerre.

Ie leur pardonne pourtant volontiers ma mort, & souhaitte que mon
sang serue à vne paix & tranquillité parfaitte dans ce Royaume. Si ie suis
innocent enuers les hommes, ie ne le suis pas enuers Dieu, que i'ay
offencé par mes pechez, & par mes negligences à le bien seruir &
adorer.

Ie prie Dieu que mon sang soit efficace pour vostre pardon, & qu'il
appaise les fleaux dont le Ciel menace l'Anglererre. Mais permettez que
fur ce sujet ie vous donne vn conseil, dont vous vous pourriez bien
trouuer.

Il est impossible d'asseurer des conquestes sans la Religion & l'amour
des subjets, le libertinage de la guerre a effacé l'vne, & ses violences vous
ont rauy l’autre. Faites maintenant respirer les peuples par vne bonne
paix; ce que vous ne pouuez faire asseurément sans restablir mon fils,
pour qui tous les Princes Chrestiens se declareront infailliblement. Courez
au deuant de la vengeance dont ils vous menacent, & pour ne pas tout
hazarder, relaschez vne partie de vostre bonne fortune à mon successeur
& à vostre Roy.

Et parce que Dieu recompense souuent les vertus Morales par les
Chrestiennes, & les bonnes actions temporelles par des dons surnaturels,
quand il verra que vous ferez cas de son Image, & de son Lieutenant,
sans doute qu'il se manifestera à vous, & vous inspirera les Loix que
vous deuez tenir, & les lumieres necessaires pour establir vne Religion
conforme à sa parole.

Pour les Loix vous n’auez qu’à suiure les anciennes, qui sont trespropres
aux hommes de cette nation, & font vn tres beau temperamment
contre l'insolence des peuples & le pouuoir Souuerain de la Monarchie.
Ayant fini ce discours il se tourna vers les bourreaux & leur dit :
Tenez traistres & rebelles assouuissez-vous de mon sang.

N'auez vous iamais oüy les termes de transport, que sainct André fit
à la veüe de la Croix où il alloit estre attaché; il semble que ce Prince estoit



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