Anonyme [1652], LES SENTIMENS D’VN FIDELLE SVIET DV ROY, Contre l’Arrest du Parlement du vingt-neufiesme Decembre 1651. , français, latinRéférence RIM : M0_3648. Cote locale : B_11_22.
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chef, par le massacre, & par la mort de l’vn de ses membres
principaux, qui forment & composent selon les Canons, & le
sentiment commun des Docteurs, le Corps inuiolable du Vicaire
de Iesus-Christ en terre ? Dieu par sa saincte grace nous
veuille preseruer d’vn accident si horrible & si detestable.

 

Car est-il bien possible que le souuerain Pontife estant blessé
de ce coup fatal par le flanc d’vn Cardinal, oubliast tellement
la dignité suprême de la chaire des Apostres, que ce dessein
monstrueux auroit ébranlée iusqu’en ses fondemens, qu’il la
pûst trahir, qu’il demeurât insensible à ses iniures, & que pour
la venger il n’empoignast pas la foudre celeste, que le Fils de
Dieu luy a mise entre les mains pour écraser tous les contempteurs
de son Eglise, & de ceux qui la gouuernent ? Nous sçauõs
à quel poinct la mort du Cardinal de Guise émut sa Saincteté
contre vn grand Roy, qui n’en fut l’autheur, que par vne
absoluë & ineuitable necessité de sauuer sa courõne. Et quelle
donc pensons nous que seroit l’indignation de ce tres-heureux
Pape, si sous la seule & la simple authorité d’vne puissance
subalterne, l’on auoit entrepris vne violence, qui à peine
fut soufferte ou pardonné à vne puissance souueraine, & à
la redoutable Majesté du Prince, de qui les Magistrats tiennent
en hommage, tous les droits qu’ils ont de commander
aux peuples, & de leur rendre la iustice.

Ie n’ignore pas que l’on essayeroit de soustenir ou d’affoiblir
la cruauté de cette entreprise, sous le specieux pretexte de
l’vtilité publique ; mais pour ne pas m’arrester maintenant à
examiner ce poinct particulier, il n’est pas iusques aux Payens
qui n’ayent sçeu, & qui ne nous apprennent qu’vne action
pour aduantageuse qu’elle soit, à moins que d’estre honneste
est tousiours condamnable ; que l’interest mesmes public ne
doit iamais passer les bornes legitimes de l’honnesteté, & de
la bienseance ; & que dans la pensée des Sages, la seureté
commune de l’Estat n’est pas vne raison de nous dispenser des
Loix naturelles de l’humanité.

Cette maxime nous est enseignée par vn des grands hommes
que Rome ait iamais veus, & qu’elle n’a pas plus admiré
pour son eloquence, que pour son habileté, & sa suffisance
dans la conduite de ce grand Empire. Dans le gouuernemẽt de



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