Anonyme [1649], DISCOVRS ADDRESSÉ AVX SOLDATS FRANCOIS. DEDIÉ A MR DESLANDES-PAYEN, Conseiller en Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_1101. Cote locale : C_7_50.
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pour tromper ceux qui y vont à la bonne foy. Alors
qu’ils nous embrassent auec vn visage riant, c’est quand il s’en
faut plus donner de garde ; & sur tout jamais il ne faut traitter
qu’auec des cautions tres-asseurées, si leur perfidie à des-ja esté
manifesté en d’antres sujets. Celuy qui a des-ja fait vne fraude
en pourra bien faire encore vne autre. De soy-mesme, pour
ne se laisser pas prendre au vin & au sommeil, comme il aduient
à ceux qui hors de la guerre font caroux dans leurs maisons sans
en craindre ny l’incommodité ny l’excés. Or faire vn ordinaire
de ces excés (vne fois n’est pas coustume) dans la guerre &
dans ses perils, c’est viure non pas en Soldat, mais en vraye pecore
qui se doit casser à la premiere montre. Au reste les bons Capitaines
sçauent bien, comme nous auons des-ja propose mettre
le cœur au ventre des leurs, non par des longues harangues. Les
paroles sont trop foibles pour faire naistre la vertu dans ceux qui
ne l’ont pas des-ja toute acquise, mais par la remonstrance & par
l’explication d’vne bonne cause pour laquelle il faut combattre.
Que s’il est à propos de ne rien obmettre pour ce sujet, i’adjoute
encore que c’est vn excellent moyen pour bien reussir en guerre
que d’imiter la pieté de nos Chefs d’Armée, dont parle l’histoire
lesquels n’entroient jamais en combat que premierement prosternez
en terre, ils n’eussent fait leurs prieres à Dieu. C’estoit la
coustume de Henry le Grand, comme nous lisons dans sa vie, &
ce foudre de guerre, Monluc, tesmoigne aussi dans ses Commentaires,
Que tant de braues exploits heureusemẽt acheuez par luy
se deuoient referer à la mesme deuotion dont son cœur deuot &
craignant Dieu se sentoit touché. Mais d’autre part & tout au
contraire, pensez-vous que nos ennemis qui n’ont que le diable
en la bouche auec la rage & la cruauté dont ils sont remplis, puissent
faire des oraisons acceptables au Ciel, & agreables à la diuine
Majesté ? La saincte Escriture nous apprend que ceux qui bouchent
l’oreille pour ne pas entendre la loy de Dieu, s’ils luy font
des prieres, elles sont execrables & attirans l’ire du Ciel dessus
leurs personnes.

 

Vn ancien, Autheur Prophane, mais graue & moral, comme
S. Hierosme le recognoist, depeint si naїfuement leurs intentiõs
dans la priere qu’ils addressent au Ciel, que ie veux icy en rapporter



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