Anonyme [1649], L’ENFER, LE PVRGATOIRE, ET LE PARADIS temporel de la France. , françaisRéférence RIM : M0_1217. Cote locale : A_3_40.
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tellement abusé & trompé ? & vne terre si fertile, si remplie
de peuples, qui mourroient de faim ? Ie n’aurois
iamais fait si ie voulois depeindre toutes les miseres de
la France ; l’encre n’y est pas propre, il faudroit vn
crayon de sang. C’est pourquoy passons au Purgatoire,
& y demeurons le moins que nous pourrons.

 

Ie ne diray pas que Paris s’est purgé, & se doit purger
de beaucoup de meschantes gens. Nostre Purgatoire
n’est pas pour eux, il est bien juste, puis qu’ils ont basty
l’enfer, qu’il leur demeure en partage ; Ie parle des bons
François, & de la misere qu’il souffrent, pour se rendre
dignes d’vne meilleure fortune. Ie comprends dans ce
nombre là, tous les Marchands des autres Villes qui
trafiquoient auec Paris, mais particulierement la ville
de Paris, & les lieux circonuoisins, qui ont esté, & qui
sont encore rauagez des gens de guerre, qui perdent
beaucoup & ne gagnent rien. Pour la misere de Paris
chascun la ressent & la cognoist. On souffre la faim, on
va à la garde, on despence beaucoup, & les gains sont
fort petits.

Mais quelqu’vn me dira pourquoy faites vous distinction
de vostre Enfer auec vostre Purgatoire ? ou
plustost pourquoy ne faites vous pas de vostre Purgatoire,
vostre Enfer ? puisque la faim est le plus horrible
de tous les maux, & que Paris n’a jamais esté en si piteux
estat. Ie vous ay desia dit, que nos ennemis ont
l’Enfer pour partage, ce n’est pas qu’on ne souffre
beaucoup dans Paris. Mais la difference qu’il y a entre
l’Enfer & le Purgatoire, est que dans l’Enfer on blaspheme,
on maugree, on se desespere, & dans le Purgatoire
on benit Dieu, on ayme les souffrances, & on



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