Anonyme [1649], L’HERACLITE COVRTISAN. Væ, væ, væ, Superbia commune Nobilitatis malum. , français, latinRéférence RIM : M0_1621. Cote locale : C_5_49.
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Esprit seul est Esprit de Dieu. Quãd aussi celuy-là se sert des dons ou graces
qu’il reconnoist en luy, sans penser qu’il en doiue sçauoir gré à persõne, non
pas mesme à Dieu. Or cõme d’vne vieille playe ou vlcere il n’en sort qu’ordure
& pourriture ; d’vne ame qui sera ambitieuse & superbe il n’en sortira
aussi jamais qu’ordure, que pechez, que vices ; soit en la proprieté des possessions
& des biens ; soit en la gloire des vestemens, en la volupté du corps,
par la bouche, en murmurant de quelque trauerse ou affliction ; ou en commendant
par trop arrogamment, se voyant dans les commoditez & les
prosperitez du monde : par le cœur en agissant d’vne propre volonté ; & par
son conseil ou aduis particulier. On dit d’Antisthenes, Qu’estant vn jour
auec Platon, il vit vn cheual qui bondissoit, & faisoit plusieurs ruades en
l’air, sans estre poussé de son Escuyer ; tournant apres sa veuë sur Platon, il
luy dit, Tu aurois esté, ce me semble, vn tres beau cheual. Car le cheual est vn
animal merueilleusement superbe. Que Zenon voyant vn jeune mignard
& poupin, lequel allant par la ville, estoit vne heure à songer, où il mettroit
vn pied deuant l’autre, de peur qu’il auoit de se soüiller & gaster, dit, que ce
gentillastre auoit bonne raison de fuïr & se garder de la fange & de la bouë,
ne s’y pouuant voir comme dans vn miroüer. Esope s’adressant à vn jeune
homme tout semblable, luy dit, Que s’il s’attiffoit & mignardoit si curieusement
pour plaire aux hommes, il employoit le temps mal à propos : Que
si c’estoit pour plaire aux femmes, il auoit vn mauuais dessein. La femme
de Phocion estant vn jour en vn Bal, où il y auoit belle assemblée, & quantité
de femmes superbement vestuës, & habillées richement, fut veuë toute
seule n’auoir sur elle aucunes pierreries ; non pas mesme vn anneau d’or à
son doigt : quelqu’vn de la compagnie, qui fut plus hardy que les autres,
à luy demander pourquoy elle n’en portoit point ? respondit sagement
qu’elle faisoit gloire de la vertu, pour l’ornement de laquelle elle vouloit
plaire à son mary. Nous lisons, que Sulpitius ayant pris garde que sa femme
voulant sortir de sa maison, s’accõmodoit vn peu trop superbement, il la repudia,
& luy dit aigrement, que la Loy n’ordõnoit, & ne luy permettoit pas
qu’elle s’estudiast de plaire à d’autres qu’à ses yeux, & que de vouloir paroistre
belle aux yeux d’autruy, ce n’estoit pas sans soupçon & sans crime. Vn
nommé Pambo se pourmenant vn jour dans la ville d’Alexandrie, apperceut
vne femme superbement habillée, se prit à pleurer, & dire, qu’il regrettoit
la perte de cette fẽme ; & que faisant profession du Nom de Chrestien,
elle ne s’estudioit pas tant de plaire à Dieu par vne bõne & sainte vie, qu’elle
s’efforçoit de plaire aux hõmes débauchez par son luxe. Mais que n’eust-il
pas dit à la response de Iulia, fille de l’Empereur Auguste, laquelle estant
conseillée par quelqu’vn de quitter vne si grande pompe, qu’elle faisoit en


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