Anonyme [1649], L’HOMME QVI NE CRAINT RIEN, ET QVI DIT TOVT, A MONSIEVR LE MARESCHAL DE LA MEILLERAYE. , françaisRéférence RIM : M0_1660. Cote locale : A_3_79.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 9 --

Espion, ne laissa pas de dire au Roy, qu’apres sa mort il ne
croyoit pas que personne fut plus digne de la conduite des
affaires de l’Estat que le Cardinal Mazarin. Voilà la misere
du Royaume ; car le Roy croyant à son premier Ministre,
comme à vn oracle, donna à ce Sicilien l’administration
de son Estat, dés que Richelieu fut mort.

 

Auant ce trépas, le grand Cardinal ne manqua pas à vous
donner les plus particulieres maximes de sa Politique, à
vous enioindre de seruir le Roy, qu’il auoit tant aymé, &
sur tout à vous porter à toute extremité, à la deffence de
vostre patrie, d’où il auoit tiré son agrandissement, & le
vostre. Vous luy promistes tout cela, mais vous auez fait
tout le contraire, & croyant que pour estre Mareschal de
France, Grand-Maistre de l’Artillerie, seigneur de l’Ordre
de Poitiers, de Partenay, & de S. Maixant, il vous
estoit permis d’agir, selon vostre caprice, vous n’auez depuis
voulu trauailler qu’à vostre mode, & à vostre fantaisie.

Ne le tesmoignastes vous pas bien aux dernieres barricades
de Paris, quand si lachement, & à la sortie d’vne
action de graces qu’on venoit de rendre à Dieu, en l’Eglise
de Nostre Dame, pour vne signalée victoire ; Mazarin
abusant de l’autorité du Roy, fit faire prisonnier trois fameux
Senateurs, qui combattoieut contre sa tyrannie, il y
auoit desia long-temps, en faueur du Roy, de l’Estut, du
Parlement, & de la liberté publique ? au lieu que comme
vn bon François que vous deuiez estre, bon seruiteur du
Roy, du Parlement, & de vostre Patrie, vous deuiez agir
à la deffaite de ce Tyran, ne pristes vous par ses interests, si
hautement, dans la place publique du Marché-neuf, que
peu s’en fallut que vous ne fussiez sacrifié à la vengeance
du peuple, & par les mains des fruictieres, & des harangeres ?

L’émotion appaisée, au moyen du salut des prisonniers
que l’on rendit, vous fustes tout heureux de vous rendre à
l’Arsenal, où vous fustes assez long-temps en solitude.



page précédent(e)

page suivant(e)