Anonyme [1650], ADVIS SVR LE GOVVERNEMENT DE L’ESTAT. , françaisRéférence RIM : M2_36. Cote locale : D_1_20.
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Vous me demandez ce qu’on pensoit de mon temps de la
confiance que la deffuncte Reyne Mere Marie de Medecis
auoit establie au Mareschal d’Ancre, & quel sentiment
i’en auois ; Moy, qui sans m’interesser beaucoup à ce qu’on faisoit à
la Cour, ay tousiours trauaillé pour m’instruire de ce qu’on y deuoit
faire. Ie vous auoüe que ie suis extremement balance sur la maniere
dont ie vous dois obeyr ; mon aage ne me permet pas que ie
compose vn volume sur cela, & neantmoins ie vois bien qu’il y a
dequoy en faire vn : de sorte que ie vous satisferay sans doute imparfaictement.
Cependant il ne faut pas consulter quand il s’agit de
faire ce que vous ordonnez. Tout ce que ie puis donc est de vous
escrire en abregé les sentimens de nostre vieille Cour, & d’y ioindre
vn extraict des temps & des histoires : Pour vous monstrer que
les Estrangers ne doiuent point estre admis dans le maniement des affaires
publiques.

C’est vne maxime politique receuë de tout temps, que les Estrangers
introduisant les mœurs & les vices de leurs pays, dans celuy
qu’ils viennent habiter, y corrompent toutes choses ; & que de cette
corroption naissent les vices qui donnoient autresfois sujet au
Prophete Ezechiel de s’escrier contre Ierusalem. Ta souche & ta
generation est de la terre de Chanaan, ton pere est Amorrhœen, & ta
mere Chœteene : C’est pourquoy le Sage deffend absolument d’admettre
les Estrangers aux honneurs qui sont deubs aux veritables
Citoyens ; Ne transfere point aux Estrangers les honneurs qui te sont
deus, & ne commets point tes iours a l’homme cruel, de crainte que les
Estrangers ne se fortifient de tes forces, & que le fruict de tes trauaux
ne passe dans vne maison Estrangere.

Ce mesme fondement a seruy au Philosophe dans sa Politique,
pour luy faire dire hardiment, que le moyen de destruire vn Estat,
est d’y appeller les Estrangers ; c’est ce qu’il fortifie par vne longue
suitte d’Exemples, faisant voir que tous les Estats qui les
ont receus, ont esté renuersez par eux, ou par les diuisions ausquelles
ils ont donné naissance : parce que tout ce qui n’est pas de
mesme nature que le reste, est vn principe de diuision, & toute diuision
emporte auec soy la ruine & la destruction de la chose diuisee :



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