Anonyme [1649], AMBASSADE BVRLESQVE DES FILLES DE IOYE AV CARDINAL. , françaisRéférence RIM : M0_65. Cote locale : C_2_4.
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AMBASSADE
BVRLESQVE
DES FILLES DE IOYE
AV
CARDINAL

 


LA Dame au visage si blesme,
Qu’on appelle Dame Caresme,
Auoit desia veu la moitié
De son regne & de son quartié ;
Lors que pour celebrer la Feste,
Chacune parmy nous s’appreste ;
Car à ce voluptueux iour,
Toutes nous traitiõs tour à tour :
Mais nous fusmes bien estonné,
De ne voir dans nostre assemblée
Paroistre aucunes males trognes ;
Car souuent quantité d’yvrognes
Nous y venoient rendre visite,
Sans oublier la laischefrite :
Ainsi de tous abandonnez,
Et de nos galans delaissez,
Pas-vne de nous à la dance
N’entra, ny ne remplit sa pence ;
Car vielles, ny violons,
Ny des flûtes point nous n’auiõs ;
Et quand Iacques y auroit esté,
Qui de nous tous l’auroit payé ?
Car d’argent aucune n’auoit,
Personne la chose faisoit ;
Et tout se commerce interdit,
En vain nous attendions au lit,
Que quelqu’vn nous vint caresser,
Et le dé-jeusner nous payer.

 

 


Enfin dans ce piteux estat,
Lors que chacun nous laissoit là,
L’on se regardoit l’vne l’autre,
En disant, où donc est le vostre,
Quoy ! personne du tout ne vient ?
Quoy ! ne gaignerons nous plus
rien ?
Quoy ! la fleure est à S. Germain !
L’orange, Deschamps, S. Martin,
Quoy ! nous les auons tous perdu
Ces galans, ces joüeurs d’hauscul ?
Il nous faut quitter le mestier,
Et engager iusqu’au tablier ;
Car pour moy i’ay desia grand
faim :
(Dit la Matrone aux rides mains.)
C’est bien dit nostre Matronette,
(Luy respond aussi-tost Rolette.)

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