Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D'VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : A_2_3.
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APOLOGIE POVR LE CARDINAL MAZARIN,
Tirée d’vne Conference entre son Eminence, & Monsieur
homme de probité & excellent Casuiste.

DIALOGVE.

Le Cardinal. MONSIEVR, Ie suis bien mal-heureux, dans l’estat
où sont les affaires, que tout le monde est bandé contre
moy, & qu’il n’y ait personne qui veüille plaider
ma cause. C’est vne chose estrange que ces Messieurs du Parlement de Paris
qui font Iustice à tout le monde, me condamnent ainsi sans m’escouter.
Vous auez assez de credit parmy eux Monsieur, pour oser entreprendre la
cause d’vn malheureux, & vostre probité leur est assez connuë, pour qu’ils ne
vous ayent point pour suspect.

Le Casuiste. Monseigneur, pleust à Dieu que ie pusse reconcilier vostre
Eminence auec ces Messieurs-là, ie me tiendrois le plus heureux homme du
monde, puisque cela termineroit vn different, où ie ne trouue rien d’auantageux
pour vostre Eminence : mais de grace Monseigneur, mettez moy dans
le chemin de vous rendre ce signalé seruice.

Le Card. Monsieur, vous leur representerez d’abord, que ie ne suis pas vn
objet digne de leur colere, que ie ne suis que le valet de la Reyne, que les
Princes se seruent de moy pour colorer leur ambition, qu’ils me conseruent
pour victime destinée à leur mauuaise fortune, qu’ils se seruent de moy pour
tirer les marrons du feu ; & pour preuue de tout cela, j’ay demandé cent
fois à m’en aller.

Le Casuiste Mais, Monseigneur, me pardonnerez vous, si pour mieux
conduire l’affaire ie choque vn peu vos sentimens, & ie vous di librement
les miens ?

Le Card. Monsieur, si ie pensois que vous vous contraignissiez le moins
du monde, ie ne vous ouurirois pas ainsi mon cœur, c’est plustost pour me
conseiller auecques vous, que pour autre chose que ie vous ay mandé.

Le Casuiste. Vous me permettrez donc de vous dire, Monseigneur, que si ie
commence par où vous desirez, que ce sera le moyen de tout gaster, dautant
que (soit qu’il soit vray ou non) tout le monde tient pour chose asseurée,
que vostre rare esprit estoit de ces suprêmes intelligences qui donnent
le bransle au premier mobile, & que les Princes de vostre party, quoy que
tres-excellens pour l’execution, faisoient gloire de se regler sur la lumiere &
la solidité de vos conseils.

Le Card. Mais quelle asseurance ont ils de cela ?

Le Casuiste. Que voulez vous que ie vous dise ? Si ie leur replique cela, ils
me diront, que c’est par leur malignité qu’ils connoissent vos conseils, tant
ils sont coiffez de la mauuaise opinion de vostre Eminence.

Le Card. Hé bien il n’est pas bon d’aigrir cette humeur là, c’est vne estrange



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