Anonyme [1649], LES EFFETS ADMIRABLES DE LA PROVIDENCE DE DIEV SVR LA VILLE DE PARIS ; OV REFLEXIONS DVN THEOLOGIEN enuoyées à vn sien amy solitaire sur les affaires du temps present. , français, latinRéférence RIM : M0_1199. Cote locale : C_7_64.
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patience, dans peu de temps il sera fletry, & il n’en sera plus
de memoire ? Que si ce Sicilien, qui est aujourd’huy l’anatheme
& execration de tous les hommes, laisse quelque memoire
de luy, elle ne sera qu’en obiet de hayne & d’horreur
comme d’vn Tyran insupportable, qui s’estant eleué insolamment
au dessus de nos miseres, & ayant batty sa fortune
du debris & ruines de la France, ne se rendra memorable
que par l’embrasement qu’il luy cause, comme cét Erostrate
pour auoir brulé le Temple de Diane, Memoria iusti cum
laudibus nomen autem impiorum putrescet, dit Sal.

 

Cependant, remarquons le prodigieux aueuglement
dans lequel plonge les hommes, l’amour des grandeurs de la
terre : Cét Italien marchant sur les traces d’vn sien compatriote,
homme de mesme nation, tombé dans le precipice
pour s’estre eleué trop haut, & n’auoir sceu vser de la fortune
auec moderation : Que cét exemple, comme celuy de
plusieurs autres, n’aye sceu luy desiller les yeux pour le rendre
sage par les maux d’autruy : Mais il faut auoüer que l’éclat
des grandeurs du monde à quelque chose d’ensorcelant,
qui enyurant les esprits des hommes leur oste le iugement.
Ce qui nous est designé par cette femme paillarde de l’Apocalypse,
qui habilée de pourpre, esclatante en pierreries, est
representée auec vne coupe d’or en la main, de laquelle elle
presente à boire, & enyure tous les grands de là terre. Peu
s’en falut que les Apostres ne parussent touchez de cette
maladie, tesmoin cette contestation qui s’eleuoit chaque
fois parmy eux, à qui seroit le plus grand dans vn certain
Royaume temporel & florissant, qu’ils s’estoient imaginez
du Fils de Dieu.

Mais ces Meditations me meneroient bien loin si ie voulois
en suiure la pointe, il faut que ie les rap pelle au lieu d’où
ie les ay retirées, qui est, la Meditation des Euangiles du
Caresme, duquel j’ay interrompu le trauail pour vn peu de
temps, pour auoir l’honneur de m’entretenir auec vous. Ie
pourrois estendre quelques vnes de mes Reflexions sur d’autres
personnes, mais outre que ie ne pourrois rien dire à leur



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