Anonyme [1649], LETTRE ESCRITE A MONSIEVR LE COMTE DE PIGNERANDA, PLENIPOTENTIAIRE D’ESPAGNE, POVR LA PAIX GENERALE, SVR LE RETOVR DV ROY dans sa Ville de Paris: PAR VN FAMEVX RELIGIEVX de la Ville de Doüay. Traduite d’Espagnol en François. , françaisRéférence RIM : M0_2209. Cote locale : A_5_85.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 7 --

s’ils n’en estoient iamais sortis ; & les peuples qui sont plus
prests que iamais, à donner ce pain seul qui leur reste cuit
sous la cendre, veulent faire voir que cette necessité qui
n’a point de loix, trouue chez eux de l’obeïssance. Leur
cœur, qui auoit demeuré fermé durant la nuict & l’absence
de leur Roy, s’est espanoüy comme vne fleur en sa presence.
Ils luy ont tapissé, comme autresfois à Constantin dans la
grande Bretagne, les rues de leurs corps. Ils ont bien fait
voir dans cette presse & dans cet amour qui les emportoit,
que les murailles ne font pas les villes, & que les Estats ne
sont pas tous fondez sur la force : en regardant sur le visage
de ce ieune Prince, qui n’est encore que dans son poinct du
iour, ils ont puisé, comme dans son midy, & treuuent que
c’est l’Astre qui fait leurs saisons & leurs destinées, qui
commencent desia à temarquer ses pas par la Iustice, & ses
voyages par autant de felicitez publiques.

 

I’en parle, Monseigneur, non pas auec moins de douleur,
que d’admiration, puis que ie suis contraint d’auoüer
que de cette seureté de leurs affaires, dépend entierement
la necessité des nostres ; & qu’en eschange, ils nous doiuent
laisser toute la part qu’il faut pretendre au merite de la valeur.
Monseigneur l’Archiduc, qui pouuoit donner toutes
les marques d’vn Ennemy legitime dans leur païs, n’y a
laissé que des leçons de ciuilité, de tendresse, & d’accortise
dans les armes, en estant sorty, comme vn Epaminondas,
auec des mains nettes sans les soüiller, ny de biens ny de
vices de leur nation. Cet exemple, qui est plus capable de
les brauer que de les instruire, les doit porter à quelque
bon repos, & leur donner le goust de cette discipline aimable,
par qui les plus fiers Esprits sont temperez, & par qui
la plus haute gloire repose à l’ombre de la plus douce humilité.
Dieu qui vous a fait naistre, Monseigneur, l’instrument
d’vne Paix, qui doit estre si feconde en toutes sortes
de biens, vous a choisi entre les autres, pour nous faire part
de ses visites & de ses entretiens : rendez bien tost response
au peuple, de ce qu’il veut qu’il deuienne, & tirez-le d’impatience,



page précédent(e)

page suivant(e)