Anonyme [1649], NOVVELLES APPORTEES AV ROY LOVIS XIII. DANS LES CHAMPS ELISEES, Et son entretien auec les Heros & les principaux Seigneurs de sa Cour, touchant la funeste guerre que Mazarin a allumée dans la France. Et la description des principales choses qui sont arriuees depuis l’enleuement du Roy, qui est tout l’Histoire du temps. , françaisRéférence RIM : M0_2555. Cote locale : C_6_34.
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qu’il auoit faites au Prince de Condé auparauant que rendre
l’ame : mais quant aux autres ils furent condamnez sans remission
aux peines eternelles que meritent ceux qui soustiennent la mauuaise
cause d’vn Tyran & d’vn monstre estranger contre leurs concitoyens,
& qui versent leur sang sur leur propre terre auec tant de honte &
d’iniustice.

 

Comme donc le ieune & vaillant Chastillon eut esté introduit, dãs
le bien heureux enclos des champs Elizées, il fut mené tout aussi tost
deuant le Roy, qui le receut à l’abord auec vn visage triste, & affligé,
& comme il commençoit à luy reprocher sa derniere action : le Mareschal
de Chastillon son pere tout fumant de colere, pria le Roy de
luy permettre de chastier son fils qu’il nommoit desnaturé & perfide :
mais sa Maiesté apprehendant qu’il ne se voulut autãt venger sur luy
de ce qu’il auoit changé de Religion que de ce qu’il auoit fait la guerre
à sa patrie, le pria de se contenir, & de ne vouloir pas estre plus seuere
enuers son fils qu’auoient esté les iuges de ces lieux, qui
l’auoient estimé digne d’y estre receu, & que partant il luy ordonnoit
de l’aimer comme son fils, à quoy ledit Mareschal ayant
obey auec beaucoup de respect ; le Roy commanda à ce ieune Seigneur
de luy raconter succintement ce qu’il sçauoit des motifs de
ceste malheureuse guerre ; à quoy il respondit en ceste sorte ; Sire, vostre
Maiesté à bien raison de nommer malheureuse ceste guerre,
car elle a esté commencée, pour vn malheureux suiet, par vn tres-meschant
& tres-malheureux homme, & pour rendre à iamais malheureux
tous les François : c’est le Cardinal Mazarin, Sire, qui comme vn
funeste demon plus malicieux que la furie Alecton a ensorselé la
Reyne & les deux Principaux Princes du sang, en sorte qu’ayant durãt
plusieurs années empieté l’authorité souueraine par dessus eux, il a,
sous le pretexte specieux de la grandeur de l’Estat, fomenté la guerre,
& saccagé tout le Royaume, & transporté tous les tresors de l’Estat en
Italie ; & à present il a declaré la guerre au Parlement & à la ville de
Paris, & par consequent à toute la France, & faisant croire à la Reyne
& aux Princes, que les plus sages testes de cet Auguste Senat, attentoient
à l’authorité Royalle, & la vouloient aneantir ; il leur à fait consentir
à l’enleuement du Roy, & a armé les freres contre les freres,
les peres contre les enfans, & en vn mot, bouleuersé tout la Nature
pour faire perir l’Estat & s’enseuelir sous les cendres d’vn trosne
qu’il aime mieux voir consumé, que d’estre contraint l’abandonner.



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