Anonyme [1649], RESPONSE D’ARISTE A CLYTOPHON SVR LA PACIFICATION DES TROVBLES DE PROVENCE. , françaisRéférence RIM : M0_3390. Cote locale : C_3_84.
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Apres que ie l’eus escouté paisiblement, il me donna audiance
à son tour. Ie luy repartis auec toute la douceur possible que
nostre œil ne deuoit pas estre malin, parce seulement que le
Conseil estoit bon, puis que celuy qui tient à nostre égard la place
de Dieu en terre ne veut point la mort du pecheur : nous deuons
en cela conformer nos volontez à la sienne, en ne desirant
simplement que sa conuersion ; que c’est le vice du Siecle de
censurer toutes choses ; qu’il est bien facile d’accuser de foiblesse
le ministere, mais pourtant qu’il faut croire qu’il ne leur
est pas possible de faire mieux ; Que si nous estions en la place
de ceux qui manient le timon pendant la tempeste, le vaisseau
qui relasche seulement sous leur conduitte iroit eschoüer contre
quelque escueil. Sous la nostre, que les affaires des Prouinces
ont relation à tout le Royaume, & que jamais la partie n’est
mieux employée que quand on la fait seruir à l’interest de son
tout : que la veuë des Ministres doit estre plus generale & plus
estenduë que celle de ceux qui ne iugent des choses que par des
interests particuliers, qui n’ont rien de commun auec les interests
de tout l’Estat. Qu’il n’est pas tousiours à propos de penetrer
beaucoup, moins d’euenter le secret des Princes : qu’ils ne sont
pas obligez de nous rendre compte de leurs actions ; que le
moindre malheur de nostre siecle n’est pas de porter des esprits
trop clairs-voyans : que l’obeïssance seroit plus parfaite si chacun
n’abondoit pas si fort en son sens. Mercure contre le corps du
Soleil passe pour tache aux yeux de ceux qui ne sçauent pas
les routes des Astres, ny le temps de la conjonction des Planetes.
Mais apres tout, qu’il est plus à propos pour la tranquilité
de la vie de se laisser doucement conduire à ceux qui
sont appellez à cette conduite, que de controller leurs ordres.

Pour ce qui concerne les interests de Monsieur le Comte d’Alais,
les Sages trouuent icy qu’il a eu tous les auantages qu’il pouuoit
raisonnablement esperer ; premierement il a fait paroistre aux
yeux de toute la France que ses ennemis estoient aux abois : il a
dans son armée sept ou huict mille tesmoins qui ne manqueront
point de répandre cette verité dans toute l’estenduë du Royaume ;
& tout ce que nous sommes d’habitans dans la Ville en pouuons
encor rendre vn tesmoignage plus fidelle & plus asseuré. Nous
ne perdrons de long-temps le souuenir des extremitez ausquelles



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