Anonyme [1649], TRES-HVMBLES REMONSTRANCES DE LA PROVINCE DE GVYENNE, AV ROY. , français, latinRéférence RIM : M0_3828. Cote locale : A_8_1.
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steriles, ils donnent la manne aux deserts, ils font
trouuer l’eau viue au bout des grandes traictes, ils
soulagent les plus recreus : ils imitent Dieu quand
il pese les Cieux auec la palme de la main chez ce
Prophete, & mesure l’estenduë des mers auec le
poing, tant qu’ils peuuent resserrer leurs peines ils le
font, & laissent vn champ large & ouuert à leurs faueurs.
De cette sorte, SIRE, il n’est rien que ie
n’ose attendre de tous ce qui pourra moderer, sans
exclurre les satisfactions deuës à V. M. elle me soutiendra
par tout où ie me verray sur le penchant de
ma ruine, & comme dit ce beau mal-heureux de la
Philosophie à vn Empereur de son temps ; Si par malheur
ie ne puis éuiter de tomber, elle ne permettra
iamais que l’on me precipite ; mais elle me portera
plustost doucement à terre par la moderation de ses
diuines mains. Ie sçay que sa Iustice trouuera ma
cause bonne, ou que sa Clemence l’en fera.

 

Qui mensus
est pugillo aquas,
& cœios
palma ponderauit.
Isa.

Ce n’est point mon dessein de vous entretenir ce
iourd’huy du combat que rend vn grand Prince contre
la bonne fortune, mais plustost de ce qui fait la
grande fortune d’vn Prince, quand il peut vaincre &
la fortune, & soy-mesme. Toute la terre est assez instruite
du bon heur & de la gloire qui accompagnent
par tout vos armes, & quand tous les hommes deuiendroient
muëts, il est impossible de fermer la bouche
à tant de belles actions, dont le recit sera plustost
le desespoir, que l’exemple des siecles à venir :
mais il y a peu de gens, SIRE, qui sçachent ce glorieux
auantage que V. M. doit remporter sur elle-mesme,
quand touchée de mes larmes & des soumissions
d’vn Peuple, qui n’a iamais perdu les veritables
sentiments deuës à sa dignité, (bien qu’il semble
quelquefois auoir pris des moyens contraires à
son intention) elle doit faire voir à tout le monde,
que comme le métier eternel de Dieu est de veiller



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