B.,? [1649], LES SENTIMENS DV VRAY CITOYEN, SVR LA PAIX & vnion de la Ville. Par le Sieur B. , françaisRéférence RIM : M0_3657. Cote locale : A_7_17.
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troupe & qui parle hautement & publiquement, comme si desia nous estions tombez
dans les desordres d’vne republique mal regie, où chacun veut estre Maistre, &
veut introduire son opinion pour la meilleure. Dieu, que ce fatal Gouuernement
dont Paris nous fait voir vn affreux image nous represente de mal-heurs, & combien
il se trouue éloigné de la Noblesse & de la tranquilité de l’Estat monarchique,
dont le modelle & l’origine viennent du Ciel & retournent à luy, ces mutins
qui ne tendent qu’à sedition, & qui veullẽt entamer l’vnion de la Ville & de ses Citoyens
crient par tout qu’il y a des traistres & qu’il les faut punir, & leur fureur a passé
si auant que l’on s’est desia veu prest à croiser les armes, leur espoir n’est pas l’aduantage
du bien public, ils n’ont pas de si nobles desirs, ce n’est que le sac & le pillage
de vos maisons, Citoyens, que ces mal-heureux enuisagent, & si vous ny prenez
garde vous tomberez dans cét extreme accident, & verrez transferer chez vous
ces horribles seditions de Syracuse, de Rome, de Florence, & de tant d’autres ou
le nombre des morts à souuent excedé celuy des viuans ; vous verrez vostre Ville
partagée comme celle de Naples, qui depuis peu de iours s’est veuë diuisée de quartier
en quartier, & a veu ses Habitans ruë contre ruë se batailler les vns contre les
autres : enfin vous pourrez voir vos ennemis sur vos remparts pendant que vous
vous esgorgerez, & qui viendront pesle-mesle acheuer vostre deffaite, & porter le
fer & le feu de tous les costez.

 

C’est tout ce qu’ils demandent que vous voir dechirer de vos propres mains, &
si ce desastre vous arriue, ils auront le Triomphe & la Victoire à bon marché : tout
ce qu’ils ont fait iusque icy n’a tendu qu’à ce mouuement tragique : quand ils ont
bloqué la Ville, ils ont creu qu’elle ne dureroit que trois iours ; ils ont fait semer des
billets à cette fin ; ils ont enuoyé des Herauts auec charge démouuoir le peuple ; ils
ont fait sous main achepter vn nombre infiny de pains aux premiers iours, en sorte
qu’il s’en est trouué iusques à douze cens dans le cabiner d’vn scelerat qu’on a logé
dans la Bastille : bref tous leurs desseins n’ont eu que ce funeste espoir, & cependant
ces esprits seditieux y donnent lieu, & comme s’ils estoient eux-mesmes ces
traistres : dont ils se plaignent, ils veulent faire pis & commencer le carnage de
leurs voisins & de leurs amis. Quel d’entre vous, Citoyens, seroit en seureré, & quel
mesme de ces mutins pourroit sauuer sa vie, s’il auoit vn ennemy qui peust crier,
c’est vn traistre ; ne suffiroit-il pas d’vne parole pour faire massacrer le plus homme
de bien, & ne verrions nous pas encore vn coup la fureur des Caboches, des Bandez
& des Armaignacs qui sous le regne & pendant l’égarement ou la minorité de
Charles VI. égorgerent plus de quatre mille personnes des plus notables de Paris, &
qui n’auoient point d’autre crime sinon qu’ils estoient trop gens de bien. Quel desordre
plus grãd nous pourroit arriuer, & quel fruict mesme pourrions nous esperer
d’vne diuision moins violente s’il estoit permis d’acuser tout le monde, & s’il suffisoit
d’vn seul soubçon pour condamner vn homme & non pas pour le iustifier : Quel
desordre & quel police pourroit-on retenir & quel chef s’il estoit illustre voudroit
assuietir son ministere à tant de reuolutions, toutes choses y seroient confuses, & la
contrainte si rude que nous aurions plus de peur de nos amis que de nos ennemis. En
fin Paris deuiendroit monstrueux, & ses habitans n’auroient pas moins de suiet de
s’en separer que les Geans en eurent de quitter Babylonne, puisque aussi bien tous
leurs desseins y seroient confundus.

I’aduouë qu’il y à des gens mal intentionez qui dans les commancemens, ont



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