B.,? [1649], LES SENTIMENS DV VRAY CITOYEN, SVR LA PAIX & vnion de la Ville. Par le Sieur B. , françaisRéférence RIM : M0_3657. Cote locale : C_10_6.
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propre misere, se trouuent pressez dedans & dehors par des ennemis cruels & sacrilèges,
qui commettent tous les crimes du monde, & ne pardonnent pas mesme à
la saincteté des Autels. Quand il faut considerer la moitié des suiets reuoltez contre
l’autre, les Princes contre les Princes, le Pere, & le Fils, les Freres & les amys
les vns contre les autres, tous les hommes prests à s’égorger, bref toutes choses dans
vne combustion effroyable, & dans vn desordre general qui menace & fait toucher
du doigt la cheute de la Monarchie. Mutins, ce n’est plus vne guerre, c’est vn fleau
de Dieu, & la marque asseurée de sa vengeance & de sa malediction. I’en dirois dauantage,
& i’exposerois les necessitez ou le siege nous à réduits, s’il y auoit quelqu’vn
qui les peust ignorer, cependant vous criez à la Guerre, & vous vous figurez
que vostre condition en deuiendroit meilleure, vous n’estes pas aussi bons orateurs
que Demosthenes pour la persuader ; mais peut-estre seriez vous aussi lasches que
luy s’il en falloit vser : car apres auoir armé toute sa Patrie contre la puissance de
Philippe, & qu’il eust luy-mesme disposé la bataille, il fut le premier qui rompit
les rangs, & qui ietta ses armes pour se sauuer plus legerement. Ce n’est pas le
nombre n’y le tumulte qui gaigne les batailles, & si vous ne pouuez souffrir que
l’on vous conduise dans la Paix, qui sera celuy qui voudra vous conduire à la
Guerre, ou l’obeïssance doit estre mille fois plus grande, & quel d’entre les Generaux
pourra se resoudre de mener tant de Capitaines sans ordre & sans discipline,
& qui peut-estre voudront marcher auec plus de bagage que n’en auoit l’armée
de Xerxes.

 

Ie veux que vos mouuemens soient iustes, ie suis d’accord auec vous qu’il faut
dégager la Ville, reconquerir le Roy, le remettre dans son Trosne, ruiner & chasser
les tyrans : qu’il faut restablir toutes choses, & remettre les Loix & le Gouuernement
dans son ancien vsage ; ie veux toutes ces choses aussi bien que vous, & toutefois
ie desire s’il se peut de les obtenir par les aduanrages de la Paix, ou par des victoires
innocentes, plustost que par la fureur d’vne guerre irreconciliable.

Nos ennemis qui se trouuent encores plus pressez, & qui craignent le iuste courroux
de Dieu contre lequel ils combattent en combattant contre nous, eux-mesmes
ont fait l’ouuerture de cette Paix, ils l’a desirent plus ardamment que nous, &
vous vous opposez à ce bien commun, & ne pouuez vous resoudre d’en attendre la
fin ny l’euenement. Citoyens si vous pouuiez enuisager les maux que cette Guerre
dans ses meilleurs succez, vous prepare aussi bien qu’à nos ennemis, & qui menacent
le vainqueur ainsi que le vaincu, vous n’auriez garde de resister à de si iustes resolutions,
& l’vn & l’autre se relacheroit bien plustost que de se porter à ces dernieres
extremitez, dont la suitte funeste peut durer plus que nous.

Chacun parmy les Chefs s’accorde à la Paix ; ces Princes genereux abandonnent
leur propres interests afin de rendre les vostres plus aduantageux, & ces zelez Senateurs
se trouuent tellement vnis auec le peuple, qu’ils exposent, & leur fortunes, &
leurs vies pour sa liberation. Chacun d’eux fait paroistre son courage aussi bien que
sa prudence en la conduite de cét ouurage de Dieu, & toutefois cette mesme conduite
demeure suspecte, & n’est point au gré des mutins : Ils se iettent dans la diffiance
de cét accommodement & ne peuuent croire qu’il puisse produire vne Paix durable
& solide ; Ie veux que leurs soubçons soient excusables & que cette Paix puisse
estre interrompuë, mais seroit-il iuste que cette crainte preualut sur vne tentatiue
de cette consequence qui n’embrasse pas moins que le salut de l’Estat, & qui doit en



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