D. B. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LE GAZETTIER DES-INTERESSÉ, ET LE TESTAMENT DE IVLES MAZARIN , françaisRéférence RIM : M0_1466. Cote locale : E_1_58.
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pressast hautement la mort d’vn General & d’vn Viceroy pour
luy supposer ses mesmes crimes, que Verres reprochast à l’vn le
larcin, & que Milon en voulust faire condamner vn autre pour
meurtre. Comme l’attouchement de l’Aconit n’infecte les
corps sains qu’auec peine, au rapport des Naturalistes, & qu’il
empoisonne aisément ceux qui sont desia blessez ; Le Cardinal
Mazarin fit toucher de l’argent en cette occasion à plusieurs personnes,
pour reconnoistre les sains d’auec les malades, pour infecter
les vns, & pour s’asseurer des autres, & trouua tant de
soumission dans de la Mothe, ne les ayt eus pour ses parties, pour
ses tesmoin, & pour ses Iuges. Quoy que l’innocence ne soit
gueres sujette à la fiévre, il est certain toutefois que ce grand
homme eut besoin de quelque autre chose pour ne pas trembler,
que le secour, du Ciel luy fut extrémement necessaire, & que
ceux qui vouloient renuerser son bon droit par leur imposture
& par leur opiniastreté, deurent s’écrier que c’estoit là le doigt
de Dieu, comme s’écrierent les Magiciens d’Egypte, quand ils
virent que leurs illusions estoient ridicules, & que leurs faux serpens
estoient deuorez par la verge de Moyse. Les Princes & les
Generaux d’armées, n’ont pas seulement seruy de matiere à sa
jalousie & à sa fureur, les Magistrats qui l’ont esprouuée en plusieurs
rencontres, ont reconnu à leurs despens, ce que dit le Sage
dans ses Prouerbes : Qu’il n’est rien de plus insupportable
qu’vn valet, quand il est vne fois deuenu maistre. Les vns ont
acheué leur vie dans l’exil, & le poison a malheureusement aduancé
la mort des autres. Apres n’auoir pû faire mourir sur les
eschaffauts, ceux qu’il n’auoit pû corrompre sur leurs sieges, il
les a condamnez par les arrests de sa Politique, & s’en est fait
des victimes propres pour faire craindre sa puissance, où l’on ne
craignoit point sa iustice. Il n’est presque point de Cour souueraine
qui ne se soit veuë ou seduit ou deschirée dans quelques-vnes
de ses parties : il a porté la diuision & le desordre, où il n’a
pû porter le fer & le feu, & s’est fait vne entrée secrette par ses
pensions, où il deuoit estre en horreur par sa cruauté. Il n’a pas
esté satisfait de remplir les prisons & les Hospitaux, comme il a
remply les banques, il a tiré de l’Eglise vn frere Moyne qui
auoit fait vœu de pauureté, il a voulu que la Mithre & le Chappeau


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