Brousse, Jacques [?] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX, ENVOYÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDE, à S. Germain en Laye. Contenant la verité de la vie & mœurs du Cardinal Mazarin. Auec exhortation audit Seigneur Prince d’abandonner son party. , françaisRéférence RIM : M0_1895. Cote locale : C_3_76.
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France les Comediens chanteurs, qu’il a fait venir d’Italie, parmy lesquels estoit vne
infame qu’il auoit desbauchée à Rome, & par l’entremise de laquelle, il s’estoit insinué
dans les bonnes graces du Cardinal Antonio ? Tout cela durant la guerre, dans le
temps qu’on mettoit le peuple à la presse pour contribuer à la subsistance des armées, &
le sang des pauures estoit employé à faire rire le Cardinal Mazarin, à la satisfaction de
ses conuoitises, & à prouoquer l’ire de Dieu contre nous : faisant connoitre à tout le
monde qu’il n’a point d’autre Religion que celle de Machiauel ; que portant la pourpre
de l’Eglise Romaine, ce n’est que pour monstrer les sanglantes saignées qu’il luy a
fait souffrir en Allemagne : Et que sous l’ombre de ses enseignes, il est le plus cruel ennemy
qu’elle se puisse figurer. En effect, quelle vengeance a-il fait tirer des Sacrileges
commis contre le Corps de Iesus Christ dans le plus Auguste de nos Mysteres ? Au
contraire n’a-il pas tiré les Autheurs des mains de la Iustice pour en empescher la punition ?
N’a-il pas toleré, voire approuué la violence & la fracture des lieux consacrez
pour la retraitte des Vierges, & cela au milieu de Paris ? Quiconque lita à l’aduenir le
Traitté fait en faueur des Suedois & des Protestans d’Allemagne, sous l’appuy de la
France, au preiudice de l’Eglise, ne se pourra iamais persuader qu’il soir d’autre conseil,
& d’autre esprit, que de celuy d’vn Turc ou d’vn Sarrazin desguisé sous le manteau d’vn
Cardinal. Aussi quelles personnes voit-on aupres de luy pour ses plus confidens & fidelles
Conseillers, que des impies, des libertins & des Athées ? Qui ne les connoist,
dy-ie, pour des gens de sac & de corde, pour des monstres d’hommes, plus nourris au
sang que les Canibales, & dont les conseils, apres estre gorgez de vin, ne tendent
qu’aux meurtres & aux assassins. Et neantmoins pour feindre d’estre fort Religieux, il
nous a fait venir d’Italie les Theatins, qui ces iours derniers attiroient tout le monde
par la curiosité de leurs marionnettes, cependant qu’il minutoit le carnage & le sac de
Pari, faisoit trãsporter toutes les nuits vne partie des voleries de l’Estat qui estoient dans
sa maison, & s’estudioit de conduire à chef, comme il a fait, l’attentat le plus hardy &
insolent qui se soit iamais veu dans toutes nos Histoires. Que s’il falloit parler de son
orgueil, il n’en faut point demander d’autres nouuelles qu’à vous mesmes. N’a-il pas
eu la temerité de vous vouloir preceder ? Et dans cette presomption arrogante, quelle
peine ne vous a-il point donnée ? & quelles parties ne vous a il point dressées sous la
tyrannie du Cardinal de Richelieu ? Qui l’a porté à retenir dans vne captiuité rigoureuse
Monseigneur le Duc de Beaufort, l’vn des Mars de nostre Siecle, & le Coriphée
des Vaillans, si vous n’estiez pas ; sinon l’ambition d’auoir des gardes comme son
predecesseur ? trouuant par ce moyen l’artifice de se faire loger dans le Palais du Roy,
afin d’auoir les mesmes Gardes que son Souuerain, pour ne rien dire du lieu & de la
disposition de son appartement.

 

De quel crime estoit coupable le Mareschal de la Motte, sinon d’estre trop genereux
& trop incorruptible, pour souffrir, outre sa prison, les fourbes, les malices &
les faussetez des tesmoins qu’on luy a suscitez, afin de luy rauir l’honneur auec la vie ?
N’est ce pas le Cardinal, pour donner couuerture à ses voleries propres, en l’accusant
de peculat, & d’auoir dérobé à la Milice ce que luy mesme auoit volé à l’Estat, & enuoyé
en Italie & ailleurs ? & pour luy rauir auec autant d’infamie que d’iniustice, les
gratifications glorieuses dont le defunct Roy auoit reconnu sa valeur & ses sueurs ?
Quel pretexte a-t’il pris pour faire mourir par poison le President Barillon dans vn
exil hors de la France ? Vous le sçauez & l’auez pû apprendre de feu Monseigneur le
Prince : Aucun, sinon qu’il estoit trop bon François, & que par vn esprit extremement
Iudicieux, ce sçauant & sage Senateur, preuoyant les choses de loin, il ne pouuoit
supporter cét orgueilleux Sicilien & Mazarin, qu’il voyoit s’éleuer auec trop
d’ardeur, & se bastir vn Throsne de la ruine de ses Compatriottes. Ce qu’il a exercé à



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