Faure,? [?] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1652], LA VERITE TOVTE NVË, OV ADVIS SINCERE & des-interessé, sur les veritables causes des maux de l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede. , françaisRéférence RIM : M0_4007. Cote locale : B_17_13.
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de nostre siecle, qui en renuersant toutes les Loix diuines & humaines fait
le Prophete, & affecte de viure comme vn simple particulier, lors qu’il est en
effet l’vsurpateur & le tyran de l’Angleterre.

 

Voilà ce qu’à fait M. le Prince, sans que ny la crainte de Dieu qui tonne sur
la teste des ingrats & des rebelles : ny la crainte de ternir deuant les homme
toute la glore de ses actions passées : ny la crainte de rendre son nom incomparablement
plus odieux à toute la posterité, que ne l’est encore aujourd’huy
celuy de Charles de Bourbon, ait peu destourner son esprit du dessein
qu’il auoit formé par vn ambition inconceuable, de se rendre Maistre absolu
d’vne grande partie du Royaume.

Chacun sçait qu’il prit pour pretexte d’vn tel crime, que le Cardinal, qui
estoit alors hors de France, de uoir reuenir. Comme si quand il auroit desia
esté de retour, il n’eust pas deu se contenter de se retirer dans son gouuernement
ou dans l’vne de ses places, pour representer de là au Roy le tort qu’il
se seroit fait en la rappellant, plustost que de se seruir de son gouuernement
& de ses places, pour mettre le feu dans le Royaume, pour appeller les Estrangers
à sa ruїne, & pour causer ces maux sans nombre, dont ceux que
nous voyons font vne partie.

Le Roy par vn tres-sage Conseil va en Berry : s’asseure de Bourges : bloque
Montrond, & s’auance iusques à Poictiers. L’approche de sa Majesté
ne fut pas neantmoins capable d’arrester l’audace de M. le Prince, les vastes
esperances qu’il auoit conçeuës luy faisant croire qu’il pouuoit tout entreprendre.
Et ainsi au lieu de ceder à la presence de son Maistre, il osa attaquer
Coignac presqu’à sa veuë : Mais il connut par la sorre dont le Comte d’Harcour
luy fit leuer ce siege : par la maniere dont il le poussa à Thonnay-Charante ;
& par promptitude auec laquelle il le contraignit de porter dans la
Guyenne la guerre qu’il auoit promis auec tant de brauade & de pompe à ces
rebelles par eminence de Bordelois, de porter à cent lieuës d’eux. Il connut,
dis-ie, que s’il estoit le mesme Capitaine, il ne commandoit plus les mesmes
Soldats : que s’il estoit le mesmes General, il n’estoit plus à la teste des mesmes
armées, de ces armées victorieuses des plus belliqueuses nations du monde.
Il connut la difference qu’il y a de combattre pour le seruice de son Roy
sans rien craindre que de ne rencontrer pas des occasions assez perilleuses
pour luy tesmoigner sa fidelité, ou de sentir sa conscience bourelée de mille
remords, d’auoir continuellement deuant les yeux l’image affreuse d’vne
prison, si le sort des ames luy estoit contraire, Il éprouua à Miradoux, à la
loüange immortelle de ces deux braues Regimens Champagne & Lorraine,
qu’vn village pouuoit sans estre forcé tenir durant quatorze iours, contre
celuy qui n’en auoit employé que treize à prendre Dunquerque.

Ainsi Monsieur le Prince apres la leuée de ce siege estoit prest de se voir reduit,
ou à implorer la misericorde du Roy ; ou à receuoir la honte mille fois
pire que la mort, d’aller augmenter dans Madrid le nombre des courtisans
du Roy d’espagne. Mais il trouua son azile dans Paris par le moyen du retour
du Cardinal à la Cour, dont il me faut parler maintenant, & dont ie ne sçaurois
parler qu’auec des soûpirs meslez de larmes.

L’esloignement de ce malheureux Ministre confirmé par diuerses Declarations
du Roy verifiées, auoit donné vne telle ioye à toute la France, qu’excepté
ces furieux Bordelois, & ceux qui estoient particulierement deuoüez à



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