Faure,? [?] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1652], LA VERITE TOVTE NVË, OV ADVIS SINCERE & des-interessé, sur les veritables causes des maux de l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede. , françaisRéférence RIM : M0_4007. Cote locale : B_17_13.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 2 --

LA VERITÉ TOVTE NVE, OV ADVIS
sincere & des-interessé, sur les veritables causes des maux de
l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede.

Pvis que la colere de Dieu si iustement irritée par nos pechez, a permis que
lors que la France faisoit trembler tous ses ennemis, & estoit en estat de
pouuoir donner la paix au reste de l’Europe, comme elle l’auoit donné à
l’Allemagne, & de se la procurer à soy-mesme auec tant d’auantage, qu’elle
n’auroit pas esté moins durable que glorieuse, elle se trouue aujourd’huy reduite
par nos diuisions domestiques dans vne telle extremité de malheurs,
qu’il faut auoir renoncé à l’amour de sa patrie, & à tout sentiment d’humanité,
pour ne pas contribuer, comme quelques gouttes d’eau afin de tascher à
esteindre cet embrazement, & ses larmes en la presence de Dieu, & ses aduis
à ceux qui peuuent s’en seruir pour le bien general de tout le Royaume, ie
m’estime d’autant plus obligé à parler dans vne occasion si pressante, que ie
n’ay point veu dans tous les Escrits qui ont paru iusques icy, qu’on ait approfondy
iusques dans leur source les causes des maux qui nous font perir, ny
qu’on ait leué ce voile funeste qui empesche presque generalement tout le
monde de discerner les tenebres d’auec la lumiere, les interests cachez d’auec
le zele apparent, & les faux pretextes d’auec les intentions veritables.

Ie proteste deuant le Dieu viuant, & qui peut d’vn coup de tonnere me reduire
en poudre si ma protestation n’est veritable, que ie ne suis par sa grace
porté en cecy ny d’aucun interest, n’y d’aucune haine : & que si ie ne me sentois
pressé de l’escrire par les raisons que ie viens de representer, ie n’aurois
jamais pû me resoudre de mettre la main à la plume, pour dire des choses qui
seront d’autant plus mal receuës de la plus part de ceux qu’elles regardent,
qu’ils sçauent en leur conscience qu’elles sont plus veritables.

Il faut donc voir clairement qu’elles sont les causes de nos maux, afin de iuger
des remedes qui sont capables de les guerir. Et c’est ce que ie vas tahcer
de faire.

La premiere cause est sans doute nos pechez, dont nous ne sçaurions demander
pardon à Dieu auec trop de soûpirs, de gemissemens & de larmes, ny
en faire vne trop seuere penitence. Personne n’ignore quelle fut celle des
Niniuites ; mais au lieu de l’imiter, on se contente de les imiter, & mesmes
de les surpasser dans leurs offences.

Quand aux causes secondes, la dissipation des Finances peut passer sans
difficulté pour la principale & la premiere de toutes. On ne sçauroit penser
sans horreur à la maniere dont elles ont esté administrées depuis le temps du
Cardinal de Richelieu. Au lieu de choisir des hommes dignes de remplir la
charge de Sur-Intendant, qui est la plus importante du Royaume, principalement
durant vne aussi grande guerre que celle que nous soustenons depuis
tant d’années, puis qu’elle en fait mouuoir tous les ressorts : on a veu vn Mareschal
Desfiat disposer plus absolument des tresors de l’Estat, que les autres
ne disposent de leur bien propropre, faire en mesme temps aux portes de Paris,
en Auuergne, & en Anjou, des despences & des bastimens que le Roy
son maistre n’auroit osé entreprendre ; Versailles qui ne seroit pas vne trop



page précédent(e)

page suivant(e)