P. D. P. P., Carigny (sieur de) [1649], LA VERITABLE APPARITION D’HORTENSIA BVFFALINI A IVLE MAZARIN SON FILS. Par P. D. P. P. Sieur de Carigny. , françaisRéférence RIM : M0_3919. Cote locale : C_10_44.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 5 --

loüables, & d’en augmenter l’éclat, & cela est cause qu’on fait
ordinaire ment monter la gloire au dessus de la verité. Mais ie
voy bien que ton esprit, qui est des plus simples, imite ceux du
vulgaire, qui prefere la fluste de Pan au luth d’Apollon, approuuant
ce qui fait plus de bruit, & non pas ce qui a plus
d’harmonie. Mais peut estre qu’il est trop tard de te donner
des aduis salutaires, car il en arriue souuent aux grands comme
à Cresus, qui ne se souuint de l’auertissement de Solon
que lors qu’il se vid sur le buscher. Il est tres-certain que le
plus grand de tes malheurs est de n’auoir aucun commerce
auec les belles lettres, & de n’auoir point appris que comme
la trop grande santé des Athletes est suspecte aux Medecins,
le plus haut poinct de la felicité est suspect au Sage. Pour
moy ie ne m’estonne pas de ton malheur, car ie sçay que tuas
tousiours suiuy la mauuaise pente de la nature, & que tu n’as
iamais presté l’oreille aux conseils de ta mere. C’est faire tout
au contraire des preceptes du Sage qui dit, Ne dédaignez
point les aduertissemens que vostre mere vous donne. Ie
m’estimerois trop heureuse si ie n’estois point icy troublée
par le bruit que l’on fait de tes laschetez, & de l’énormité de
tes crimes. Ton esprit est tout plein de fraudes, & tu dois te
souuenir, que Dieu ne deteste rien dauantage que ces ames
cauteleuses, comme il n’a rien plus à cœur que la franchise, se
communiquant aux simples & debonnaires. Mais il faut aduoüer
que l’éclat de ta fortune t’a aueuglé, & que tu ne vois
pas que Dieu ne permet l’eleuation des meschans que pour
rendre leur cheute plus ruineuse, & que les familles basties
par d’iniustes moyens ne sont destinées que pour estre le déplorable
sujet, & le spectacle de la misere. Tu sçais que dans
les lieux où ie suis, on trouue des Philosophes, des Poetes, des
Orateurs & des Politiques, & c’est par la voix d’vn de ces derniers


page précédent(e)

page suivant(e)