Anonyme [1652], DERNIERE ET TRES-IMPORTANTE REMONSTRANCE A LA REINE, ET AV SEIGNEVR IVLES MAZARIN, pour haster son depart de la France. , français, latinRéférence RIM : M0_1020. Cote locale : B_14_50.
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Souuenez-vous encor, pour vous asseurer moins
aux heureux succez qui vous sont quelquesfois arriuez,
que la fortune, comme Vespasian, se plaist à
remplir des auares à la façon des esponges, pour
auoir le plaisir de leur faire rendre, en les pressant par
quelque mal-heur, tout ce qu’ils rauirent auec
beaucoup de soins & de veilles : qu’elle les esleue au
faiste pour les faire tomber au precipice, & qu’enfin
il n’y a rien dans le monde de fragile, ny qui
s’escoule si facilement, qu’vne grande puissance,
qui n’est point appuyée sur ses propres forces.

Tacite.
Nihil in
rebus humanis
tam
fluxum atque
fragile
quam summa
potentia
non sua
vi nixa.

C’est pour vous dire, que comme vostre puissance
ne subsiste que par celle de la Reine, qui dépend
de celle du Roy, & que vous tirez vostre auantage
de l’aueuglement de ce Prince, qui ne luy peut plus
gueres durer en l’âge où il est, & dans les connoissances
qu’on tasche de luy donner des desordres que
vous excitez dans son Estat : elle est certes mal asseurée,
puis que ce discours est desia presque en la bouche
de tous. Que puis qu’vne Eclypse de Soleil cause
nos mal-heurs par vostre moyen, vne Eclypse de
Lune nous est necessaire pour les guerir.

N’oubliez pas aussi de ietter les yeux sur le sujet
qui fait dire à Tacite cette belle Sentence, sçachant
que si tost que Neron eut osté les gardes à sa Mere,
& pris vn logis separé du sien, elle se vid abandonnée
presque de tout le monde, & reduite auec son
Pallas, à qui l’on vous compare auec beaucoup de
raison (parce qu’il fut de basse naissance, fauori de
cette Princesse, & le plus riche de son siecle) à faire



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