Anonyme [1649], LE MOT A L’OREILLE OV LE MIROIR QVI NE FLATE POINT. , françaisRéférence RIM : M0_2498. Cote locale : A_6_4.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 5 --

l’esprit de son prochain, pour le soulagement de ses subjets, &
mesme pour l’honneur & la gloire du Prince : autrement leur desordre
ne sçauroit faire que susciter des ruines publiques, rendre
leurs Maiestez peu cheries, & ses fauoris tres-odieux & tres-miserables :
ainsi contraints de reuenir en leur premier estre, on leur
apprend à viure, lors qu’on leur en oste le moyen, par des voyes
qu’ils n’auoient pas bien preueuës : & puis la fable acheuée, ils ne
seruent que de risée au public, & de diuertissement à tout le monde.
Le Ciel irrité sur nostre France, a fait naistre certaines passions
en l’ame d’vne Reine que ie tiens n’auoir iamais failly qu’en ce
rencontre, pour nous punir, & pour éprouuer nostre patience ; si
bien que l’excez d’vne faueur si extraordinaire que la sienne, semble
auoir attaché la perte de l’vn à la ruine de l’autre, si Dieu par
vne prouidence toute particuliere, ne fait des miracles pour les
conseruer, ou porter les inclinations de cette Princesse à des sentimens
plus raisonnables ; car l’ambition de cét homme ne peut
estre assouuie que par la ruine vniuerselle de tout cét Empire : mais
si cette passion sert de fondement à sa grandeur : il faut maintenant
qu’elle serue de cause à sa cheute. Vostre Maiesté sçaura, Madame,
que les Italiens ne sont ciuils, honnestes, & courtois qu’en apparence,
& qu’en effet ils sont pleins de tricherie, & de dissimulation,
n’oublians iamais les iniures qu’on leur a faites ; qu’ils n’ont
à cœur chose quelconque que leur propres interests ; qu’on peut
veritablement qualifier l’obiect de leurs inclinations plus extrémes :
Et nonobstant tout cela, Madame, que n’auez vous pas fait
pour vn monstre qui n’a de l’amour que pour luy, & pour sa fortune ?
Outre que vostre Maiesté n’a rien de secret, ny de caché,
pour luy, il falloit necessairement que vostre Illustre Senat de Paris,
luy communiquast tous ses decrets pour les reformer, & qu’il
receut l’ordre de sa propre bouche : les Princes estoient contraints
de rechercher les moyens d’estre bien auec luy, & de l’obliger en
tout ce qui leur estoit possible ; en sorte qu’on ne consideroit plus
ny vostre authorite, ny vostre grandeur, qu’en la personne d’vn
homme, dont la naissance vous est outrageuse. Mais de grace,
Madame, qu’a-t’il fait pour vous & pour nous, depuis sept ans,
ou plus, qu’il y a qu’il gouuerne l’Estat, & que vous l’auez honoré
d’vne charge dont il s’est rendu tres-indigne ? Nous sçauons
bien qu’il a pillé toutes les pierreries de vostre Maison ; qu’il a espuisez
tous les coffres du Roy, & qu’il a tiré le sang du peuple, iusques
à la derniere goute : que les thresors de Venise ne sont riches
que de ceux qu’il nous a volez : & que Rome ne void ses parens, &
ses alliez, dans les biens, dans les charges, & dans les honneurs,


page précédent(e)

page suivant(e)