Anonyme [1649], LE POVLET , françaisRéférence RIM : M0_2831. Cote locale : C_8_33.
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LE
POVLET

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LE
POVLET

 


Mon cœur vostre rare merite
Et l’Amour qui mon sang irrite,
Et qui captiue tous mes sens.
Font que les maux que ie ressens
Me force de mettre en la voye
Ce Poulet que ie vous enuoye,
Qui vous chantera la grandeur
De mon excessiue douleur,
Amour qui d’vn coup de sa fleche
A fait vne mortelle breche,
Dans le plus profond de mon sein
Ma fait conceuoir le dessein
De vous premierement escrire
Pour vous apprendre le martyre,
Que ie souffre des feux d’Amour
Qui me tourmente nuict & iour,
Si ie mes la main à la plume

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Contre l’ordinaire coustume,
Des filles neés dans l’honneur
Cela ne prouient Monseigneur
Que de l’ardeur qui me trãsporte
Qui fait que iescris de la sorte,
Ie sçai bien qu’ordinairement
Vn Amant doibt premierement
Escrire à sa pauure maistresse,
Mais lardãte amour qui me presse
Fait que ie viole les loix
Pour vous dire que i’ay fait choix
De vostre personne puissante
En qualité de vostre amante,
En fin ie veux viure auec vous
Ie veux que soyes mon espoux,
Et que par vn doux Hymenée
Dessous la bonne destinée
Nous puissiõs vnir nos deux corps
Libres & francs de tous remorts,
Ie sçay que vous estes grand Prince
Et qui pouuez dans la Prouince
Treuuer vne Princesse aussi
Sans en prendre trop de souci,
Ie sçay que vostre humeur Royalle
Et vostre race martialle
Vous peuuent faire desirer
Et contraindre de souspirer,

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La plus grande Reine du monde
Ie sçay que la vertu se fonde,
Et reside dans vostre cœur
Auec tel excez de vigueur,
Que l’on peut dire que vostre ame
N’a iamais eu tache de blasme,
L’vniuers sçait qu’Henry le Grãd
A qui mesme l’Vniuers rend
Incore auiourd’huy son homage
Vous donna sa gloire en partage,
Vous estes vn Prince accomply
Des perfections ennobly,
Qui sont naturelles aux Anges
Vous merités que vos loüanges
Soient publiées hautement
Dans le plus haut du Firmament,
Et que dans la terre ou nous sommes
Soient scelebrées par les hommes
L’armonie de vos humeurs
Et l’estat diuin de vos mœurs,
Rendent vos exploits si celebres
Que l’Enuie dans les tenebres
Admire mesme vostre nom
Et l’vniuers vostre renom,
L’hõneur qui tousiours esguilõne

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Et conserue vostre personne
Oblige mesme le destin
De ne se monstrer pas mutin,
Cõtre vos vœux les plus augustes
Et vos actions les plus iustes
Qu’vn grand Prince ayt iamais
commis,
On sçait bien que vos ennemis
Reuerent mesme vos paroles
Qu’vn n’apprent point dans leurs
escolles,
La verité qui sert de guide
A la haute vertu qui bride,
Vos actions & vos discours
Vous sert d’oracle tous les iours
Vos perfections sans exemple,
Meritent qu’on vous dresse vn
temple,
Auec des illustres autels
Parce qu’entre tous les mortels
Vous deuez auoir plus de gloire
Laquelle mesme la memoire,
Conserue auec deuotion
Et le monde auec passion
La conserue dans son enceinte
Elle est dans le Ciel mesme empriante,

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Et vole sur les Elemens
Sans craindre leur murmuremẽts
Amour qui brusle ma poictrine
M’a tracé le pourtrait insigne
De vos diuines qualitez
Pour lesquelles vous meritez
Le don, le present & l’offrende
De la plus superbe chyrlande,
Que iamais Monarque ayt porté
Et ie puis dire en verité
Que ie vous crois entre les Princes
Les plus releués des Prouinces,
Le Coriphée & le Phenix
Vos merites sont infinis
Et mon esprit qui les admire
Tient mon ame en vn doux martire,
Et moblige auecque ferueur
De vous faire don de mon cœur,
Grand prince ma seule esperance
Amour qui par sa violance
S’est rendu maistre de mon corps
Me force a produire dehors,
Le dessein dont la viue flamme
Brusle cruellement mon ame,
Ie n’ay point d’autre passion

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Que d’estre en vostre affection
Ie vous faits present de moy-mesme
Pour marque du desir extreme,
Que i’ay de me ioindre auec vous
Le destin nous sera si doux
Que nos iours conceus dans la
ioye,
Ne seront tissus que de soye,
Nous verrons aussi le bon-heur
Qui pour nous rẽdre de l’honneur
Accompagnera nos pensées
Et nos plus superbes brisées,
Mon Oncle qui par son esprit
A dans la France vn grand credit
Si vous croyez à ses paroles
Il nous donnera des pistoles,
Plus que nous ne sçaurions conter
Ny dans nostre cœur souhaiter,
Il tient sous son pouuoir en France,
Tout le thresor & la finance,
Dont il vse à son bon plaisir
Car tout le Conseil à desir,
Qu’il les employe a mon vsage
A fin de me mettre en mariage,

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Auec vn Prince comme vous
le vous prie donc agenoux,
D’agréer mes humbles seruices
Esperez d’auoir les delices
Que l’on se peut imaginer
Et que la Cour sçauroit donner,
Mon corps est vni comme vn
marbre
Ie suis aussi droicte qu’vn arbre,
Ma chair plus douce qu’vn satin
Surpasse la neige en son tein,
Mon cœur la chaleur de la flamme
Et mon esprit sçaura la game
Que vostre coeur luy monstrera,
Auec tant de soings qu’il sera
Le plus docte esprit de la France
Touchant cette auguste science,
Que l’on pratique dans la Cour
Et que dans l’escole d’amour,
L’on estudie & l’on excerce
Suiuant la Methode de Perse,
Qui se dit vostre bon valet,
Voila ce que dans ce Poulet
Amour me porte de vous dire
Sçachez donc que ie ne respire,
Que de me voir dans vostre lict

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Couchée auec vous sans delict,
Vous serez maistre de la France
Et gouuerneur de la puissance,
Monsieur ne considerez pas
Que ia suis neé de lieu bas,
Le merite d’vn grand Ministre
Que le Satyre appelle cuistre,
Qui sert en France de Phanal
Et dans Rome de Cardinal,
Releue si haut ma naissance
Auec ma chaste conscience
Que ie crois bien meriter
D’auoir pour mary Iupiter,
Mon humeur si douce & suaue
Auec que mon maintien si graue,
Charmeroient le coeur d’vn Rocher,
Vn tyran ne peut approcher
Ma douceur sans quitter son ire
Et la cruauté d’vn Satyre,
Pert ce qu’il peut auoir de fiel,
Tant seulement par le doux miel
De mes gracieuses paroles
Et de mes moeurs trop peu friuolles,
Vnique obiect de mes souspirs

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Qui volent dessus les Zephirs,
Pour publier mon amour sainte
Ne me tenez plus dans la crainte,
Ny dans cette aprehension
De n’auoir pas l’affection,
Que ie pretends de vostre Altesse
Honorés moy d’vne caresse,
Faites moy sçauoir si mes voeux
Seront fauorables aux feux,
Dont depuis long-temps mes entrailles
Ressentent les grandes batailles,
Ie vis pour vous, ie meurs d’Amour,
Mon coeur ne vit pas dãs la Cour,
Mais plustost dãs vostre poictrine
C’est là que sa fin se termine,
Adieu grand Prince, adieu Soleil
Fauorises moy de vostre oeil.

 

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