Anonyme [1649], LE PREMIER BABILLARD DV TEMPS EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_556. Cote locale : C_2_15_1.
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LE PREMIER
BABILLARD
DV
TEMPS
EN VERS
BVRLESQVES.

 


PVISQVE Babillard on me nomme
Ie ne veux espargner nul homme,
Ie suis saoul, & remply de vin,
Ie veux parler de Tabarin,
De Tabarin ce Mazinique,
Cet homme peruers & inique,
Qui n’a ny Dieu, ny Foy, ny Loy,
Qui à enleué nostre Roy,
Et fait assieger nostre Ville
Comme vn Meschant & Malhabille
Par ce grand Prince de Condé
Qu’il a enchanté sans tardé,
Qui a sillé, chose certaine,
Les yeux de nostre bonne Reyne,

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Et qui comme vn mauuais garçon
A fait d’vne estrange façon
Plusieurs personnes empoisonner
Et les autres emprisonner,
Tesmoins la Motte Houdancour
Et Monsieur de Beaufort à son tour,
Et Broussel ce Grand Senateur,
Et plusieurs personnes d’honneur
Qu’il vouloit toute chose certaine,
Faire mourir en tres-grand peine :
Comme il a fait mourir plusieur
Dessus des eschafaux d’horreur.
Et mais à propos quand i’y pense,
Apres boire on va à la danse,
Il nous faut quitter ce discours,
Et reprendre vn autre cours,
Et dire que dans la Prouance
D’Alais vouloit mettre ensouffrance
Les Habitans & les Bourgeois :
Mais y demeura bien Caiois,
Lors que l’on saisit sa personne,
Qu’incontinant l’on emprisonne
Auec le Duc de Richelieu,
Qui a loisir de prier Dieu,
Et auec ses Camarades rire
Pendant qu’on saisist les Nauires
Qui estoenti à Marseille & Toulon
Pour s’en seruir auec raison :

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Mais n’est-ce pas chose nouuelle
De dire que des Damoiselles
Ont mis l’espée à la main
Le iour de Sainct Sebastiain,
Et ont sauué la Bourgeoisie ?
Que de les voir estois rauie.
Pendant Messieurs du Parlement
Font vnion veritablement
Auec que Messieurs de Paris,
Dont Mazarin est bien mary,
Qui de colere & de rage
Fait faire vn tres-piteux carnage
Dedans le Bourg de Charanton,
Où mourût ce Grand Chastillon.
Pour moy, ie dis que c’est dommage
D’auoir perdu ce personnage,
Il auoit monstré sa valeur
A plusieurs personnes d’honneur.
Mais qui causa ce grand esclandre
C’est Condé, qui ne veut entendre
Ce iour ny rime ny raison,
Et qui dedans quelque maison
A fait mettre & feu & flame.
N’est-ce pas pour luy vn grand blasme,
De permettre que ses soldats
Comme des larrons & pillards

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Mettent les hommes en chemise,
Et volent les biens de l’Eglise,
Violent femmes & ieunes filles,
Faisant actions inciuilles
Telles que les Turcs & Barbares
Ne feroient pas, ny les Tartares,
Et ny mesme les Sarazins :
Comme ces cruels inhumains,
Lesquels sont bien tantez du Diable
Faire ces chose abominables :
Mais ie croy qu’à la fin Beaufort
Les pourroit bien mettre à la mort,
Comme il a desia fait plusieurs,
Luy & ses gens estans vainqueurs
Desia en quatre ou cinq rencontres,
Là où il a defait ces Monstres,
Comme iadis saisoit Hercule,
Aucunement il ne recule :
Car ayant l’espée à la main,
Il tuë, frappe & abbat soudain.
Ceux qui deuant luy se presentent
S’en reuont l’ame mal-contente,
Les vns ayant les bras cassez,
Et les membres tous fracassez,
Et les autres mordans la terre
Detestent contre ceste guerre,

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Et donnent au Diable l’Autheur
Qui nous cause vn tel malheur :
Mais mal-gré luy & sa fallace
Tousiours l’on voit punir l’audace,
Et chastier ses adherans
Qui vouloient prendre nos harans,
Et empescher que les viures
Deuant Paris on ne fit suiure :
Mais Dieu mercy nos Generaux
En font venir tant qu’il en faut :
Car par terre & par eau,
Dedans charette & bateau
Il en vient telle quantité
Que chacun en est contenté,
Et encore que ie sois yure
Ie diray fort bien que la liure
Du meilleur pain, & plus blanc
Ne vaudra plus doresnauant
Que deux sol, chose asseurée.
I’en ay entendu la criée
Et Ordonnance asseurement
De nos Messieurs du Parlement
Qui par vn Arrest équitable
Ont fait vne action loüable,
Faisant exprés commandement
Aux Boulangers promptement

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De cuire, chose de remarque,
Du pain qui portera sa marque,
Pour tesmoigner sa pesanteur,
Son prix, & sa iuste valeur.
Voyla la plus iuste Ordonnance
Que iamais on ait fait en France.
Mais à propos, disons vn peu,
Va-t’on point esteindre ce feu,
Ceste infame & ciuille guerre,
Qui met tant de monde par terre ?
Oüy : on dit que la Conferance
Est ouuerte, & que d’asseurance
Dans peu de temps asseurement
Nous aurons quelque changement.
Cependant le monde murmure,
Et dit qu’à ceste ouuerture
Mazarin est venu enposte :
Mais on luy a fermé la porte,
En luy disant franc & net
Qu’on ne vouloit de son caquet.
Voy la Lecteur en bref langage
Mon Babillard : & mais ie gage
Que celuy n’est bon Babillard
Qui à la bourse n’a vn liard.

 

FIN.

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