Anonyme [1651], LE PREMIER COVP D’ESTAT DE LA MAIORITÉ DV ROY, DANS LE CHOIX DES MINISTRES POVR SON CONSEIL. , françaisRéférence RIM : M0_2846. Cote locale : B_1_6.
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Le premier Coup-d’Estat de la Majorité
du Roy, dans le choix des Ministres
pour son Conseil.

LE Roy montant dans son Trosne
de gloire, & prenant possession du
gouuernement de son Estat, a paru
aux peuples de toute la France, accourus
des Prouinces du Royaume
en cette ville de Paris, pour voir l’action de sa Majorité,
mais à tous nos voisins que la nouuelle de
cette Ceremonie y a appellée comme vn Soleil
Leuant, car comme cét Astre par sa lumiere réjoüit
toute la nature, le visage du Roy dans cette
magnificence par l’esclat de sa Majesté, a rauy
le cœur des spectateurs, & tiré des larmes de joye
de tous les bons François.

La lumiere du Soleil n’est pas seulement belle
& agreable, mais encore fœconde en graces ; car
en mesme temps qu’elle se respand, le Soleil verse
sur la terre vne rosée de benediction comme
vn onguent de suauité, & eschauffe ces entrailles.
La terre auec ses benignes influences assistée de
cette challeur, met ses ouurages dans sa perfection :
Tout de mesme la Maiorité du Roy n’a
pas seulement esté esclatante par sa Pompe,

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mais encore abondante en biens. Les biens qu’elle
nous a produit, est le choix aduantageux que
le Roy a fait des trois Ministres pour son Conseil :
Car le Conseil des Roys est l’ame de l’Estat,
l’esprit qui l’anime, luy donne force & vigueur, &
fait le bon heur ou le malheur des sujets. Ce choix
marque la Bonté du Roy pour ses peuples, & sa
prudence tout ensemble. Sa Bonté, en ce qu’il luy
a pleu de choisir des Ministres qui luy sont agreables,
& desquels ils peuuent esperer vn gouuernement
doux, heureux, & paisible. Sa prudence en
ce qu’il a eu l’esprit de discernement pour eslire
seulement ceux qui ont les qualités requises pour
le Ministere ; cét establissement estoit la plus importante
affaire du Roy en entrant dans sa Maiorité
tant pour luy que pour ses subiets : Pour
luy, vn bon Conseil est la gloire du Roy, le maintien
de son authorité, & la terreur de ses Ennemis.
Pour ses subiects, vn bon Conseil est le repos
des peuples, leur seureté & fœlicité toute entiere :
de sorte qu’on peut nommer à bon tiltre ce
Conseil le premier coup d’Estat de la Maiorité
du Roy.

 

Nous pouuons esperer des trois personnes
que le Roy a esleu pour composer son Conseil,
tous les effects d’vn bon Conseil. Premierement
nous deuons nous promettre de Monsieur le Premier
President, que la Iustice laquelle est la vertu
Princesse des Roys, le soustien de leur authorité,

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& le seul bien de peuples sera dans sa vigueur.
La probité & la conduite de ce digne Magistrat
dans sa charge nous donnent subject de croire
que pat ses conseils le Roy fera vn illustre employ
de cette vertu, & qu’il ne confirmera
pas seulement toutes les Declarations qu’il a
faictes en la faueur des peuples, & principalement
celle du mois d’Octobre mil six cens quarante-huict ;
mais y adjoustera de nouuelles graces
& liberalitez pour soulager nos maux & adoucir
nos miseres, sans doubte le Roy par ses aduis,
ratifiant la Declaration contre le Cardinal
Mazarin, se declarera auec tous ses peuples, ennemy
iuré de cét Estranger, qui a merité iustement
par ses deportemens l’indignation des trois
Ordres du Royaume, & le monopole perira sans
resource. Enfin par ses Conseils nous verrons
bien-tost la reunion de la famille Roialle, la fin de
nos diuisions & la conclusion de la paix generale.

 

Nous ne deuons pas auoir de moindres sentimens
pour les Finances, l’administration en
ayant esté commise à Monsieur le Marquis de la
Vieuille, les Finances sont l’appuy de l’Estat & le
nerf de la guerre, & en France c’est la subsistance
necessaire de la meilleure partie des subiets du
Roy, qui sont les Officiers, les proprietaires des
Rentes & les gens de guerre ; Les Finances estoiẽt
dans vn desordre deplorable, les reuenus du
Roy, sont plus que suffisans pour satisfaire à toutes

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les despences & charges du Royaume, & neãtmoins
comme s’il n’y auoit point eu de fond
dans l’Espargne, l’Armée de Flandre qui pouuoit
faire quelque notable exploict de guerre, n’ayant
eu en teste que le reste d’vne Armée battuë, auec
quelques mauuaises trouppes, a esté dans l’impuissance
de faire aucune execution militaire, &
de former aucun Siege cette Campagne, parce
qu’elle n’a point eu d’equipage d’Artillerie, ny de
deniers pour les trauaux d’vn Siege ; ce mesme
manquement de fond à seruy pour ne faire passer
aucun secours d’hommes en Italie, non seulement
pour entreprendre mais pour faire ferme
contre les ennemis, ce qui est cause que les Estats
du Duc de Sauoye ont esté exposez à leur pillage :
Et dans la Catalogne par ceste necessité, nous
sommes reduits à demeurer sur vne foible deffensiue,
& de soustenir vn siege, au lieu de porter la
guerre dans la Valance, ou l’Arragon : c’est aussi
pour cela que les trouppes Allemandes ont quitté
le party de France pour prendre celuy d’Espagne :
Et nous estions à la veille de nous voir
abandonnez de nos alliez & de perdre toutes
nos creatures hors du Royaume, pour ne leur pas
fournir les sommes de deniers desquelles nous
sommes conuenus auec eux, c’est encore par cette
raison que les Officiers de la maison du Roy
n’ont point esté payé de leur gages, & que les tables
du Roy ont estez renuersees. Nous auons sujet

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d’esperer maintenãt vne meilleure œconomie
dans les Finances : Ce Seigneur à des lumieres particulieres
pour cognoistre le mal, y apporter le
remede, & restablir vn bon ordre dans la leuée
& distribution des Finances, & en faire vn bon
mesnage, Nous pouuons nous asseurer que sans
faire imposer de nouuelles charges sur les peuples,
augmenter les anciennes, faire valloir le
monopole, ny rien innouer coutre les Declarations
des mois de Iuillet & Octobre mil six cens
quarante-huict, il trouuera dans les deniers qui
se doiuent leuer, du fond suffisamment pour les
maisons Royalles, gages & rentes, solde des gens
de guerre, equipage d’Artillerie & trauaux d’armées,
entretien d’vne Armée Naualle, pensions
& affaires secrettes, & pour la cõseruation de nos
alliez & creatures, & mesmes pour acquitter les
debtes de l’Estat. Ce sont les asseurances qu’il
donne à tous les François, & que nous pouuons
legitimement attendre de son integrité & suffisance,
& d’vne personne des-interessée qui n’a
point d’autre pensée que le bien de l’Estat & celuy
des peuples.

 

Enfin le Roy auoit besoin d’vne personne intelligente
dans les interests des Princes de l’Evrope
& [1 mot ill.] estrangeres, pour entretenir [1 mot ill.] alliances,
empescher que nous ne perdions celles
que nous auons & en acquerir de nouuelles,
principalement dans la conjoncture [1 mot ill.]

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dans laquelle nous voyons des dispositions peu
fauorables parmy nos alliez pour la France, &
des solicitations puissantes de nos ennemis, pour
rompre auec nous. Le Roy auoit besoing d’vn
homme d’Estat, capable de luy donner des Conseils
salutaires dans les occurences les plus fascheuses
& difficiles, & pour le restablissement du
Commerce, qui fait la reputation, la force &
la richesse de la France. Nous deuons esperer
tous ces aduantages des Conseils & des soings
de Monsieur de Chasteau-neuf. Ses heureuses
negociations dans les Païs estrangers, sa capacité
dans les affaires d’Estat, sont des raisons inuincibles
pour nous faire croire qu’il conseruera
à la France, ses anciennes alliances & amitiés,
affermira les nouuelles, nous en acquerrera
d’autres & qu’il nous rendra tous nos voisins amis
par le restablissement du Commerce, & la liberté
de la nauigation, & en leur faisant raison
des depredations souffertes sur les deux Mers.

 

Ainsi par le Conseil de ces trois personnes,
nous verrons le regne de la Iustice, la perte du
monopole, vne fidelle administration des Finances,
le payement des gages & rentes, vne bonne
& sincere amitié & corespondance auec nos
alliez, vne tranquilité au dedans & au dehors
vne paix glorieuse & advantageuse.

Chez ANDRÉ CHOVQVEVX, rüe sainct
André des Arts, à l’Image Nostre-Dame.

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