Anonyme [1652], LE PROMPT ET SALVTAIRE AVIS, ENVOYÉ A MESSIEVRS LES PRINCES par vn Pere Capucin. , françaisRéférence RIM : M0_2904. Cote locale : B_6_20.
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LEPROMPT ET SALVTAIRE
Auis enuoyè à Messieurs les Princes
par vn pere Capucin.

IL ne faut point tant de discours, les playes sont trop
saignantes & fumantes en ces pays, les Lettres des
Prouinces escriptes auec les larmes & le sang, & dont
la lecture fait dresser le cheueux en teste, tant d’escripts
d’honnestes gens, tant de Predications de vrays Apostres
& non pas des Apostats, comme ont esté aucuns
de pieux Curez & des-interessez Pasteurs, no sont-ce pas
des auertissemens assez puissans par lesquels Dieu veut
esueiller son peuple, afin qu’il ne perisse pas par les
charmes, desquels on ensorcelle son mal pour le rendre
insensible.

Peuples vous n’estes que trop asseurez que tous ces
malheurs, si vous ny prenez garde, ne sont que des
auant coureurs d’vne perte irreparable de la pureté de
la Religion, du Roy, de son Estat & de ses bons sujets,
quoy que tous innocens ; sa, Majesté par son aage, les
autres par la sincerité de leur intention & simplicité de
leur obeissance, qui est taxée de mutinerie pour ne vouloir
en tout obtemperer à l’ambition & insatiable auarice
d’vn estranger, ennemy naturel de la nation Françoise
& de ses supposts, la plus grande partie pareillement
estrangers, horsmis quelques vns qui sont autant
de viperes, qui donnent la mort à leur propre mere.

Le Sainct Esprit asseure par les Propheres que Dieu n’a
renuersé les couronnes d’Antigonus, de Balthazar &

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d’autres, & particulierement n’a ruiné le Royaume le Iuda
& desolé, la populeuse Ierusalem, que lors que l’on a
prophané la Religion que les publicains ou Maltotiers
ont esté en vogue ; les Iuges ont negligé la cause publique
& les Princes du Peuple n’on esteint le feu de leur
ambition.

 

Qe de prophanations lesquelles la plume n’ose escrire
des choses les plus sacrées, de l’Estre de Dieu mesme &
de sa representation reelle dans la Sacro-saincte Eucharistie,
que de Blasphemes execrables & superbes insupportables
de ces canailles de Maltotiers, engraissez du sang
du peuple & de la propre subsistance des pauures, & non
par des superfluitez des riches, cõme de certains flateurs
à gages nous veulent faire croire dans quelques Chaires
de la verité mesme, que de vols, de viols de saccagemens,
Barbaries cent fois plus cruelles que celles des anciens
Tyrans, Turcs & Sauuages : Que de crucifiemens, escartellemens
de toutes sortes de personnes & tirées mesdes
plus qualifiez sont malicieusement tolerées & cruellement
commandez.

Mais quoy perdre le temps à parler, vn plus grand mal
& plus general presse peuple de Paris, François gardez
la surprise Mazarine, ces Armées passées d’Allemagne &
de Suede que l’on fait demeurer aux aproches ce n’est
pas tant pour choquer l’Espagne, quelque mine que l’on
fasse qui n’est pas mesme beaucoup apparente, encor
moins conuaincante que pour ruyner la France.

Ceste force ouuerte n’est pas la plus à craindre, les pratiques
& intelligences secrettes sõt les plus dangereuses,
la partie se lie plus fortemẽt de iour en iour au millieu de
vous mesmes pour tous vous joüer en vn coup de dé, on
recule pour mieux sauter, l’on vous tourne comme de
pauures perdix pour vous massacrer plus adroitemẽt, sans
neantmoins que ces traitré cruels perdent le temps dans
les Prouinces qu’ils desolent rompez au plustost toutes
ces brigues, secoüez toute paresse, où vous estes perdus,
le plus prompt aduis en attendant le plus ample est celuy-cy.

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Peuple de Paris courez en foule de iour à autre au Palais,
faites qu’au plustost Messieurs du Parlement, j’entends
ceux qui sont reconnus pour veritables Francois,
s’assemblent, qu’ils appellent des Deputez de chascun
Parlement de France gens de bien & bons compatriotes,
Que sans s’amuser à certains ordres soupçonnez, qui sous
pretexte de police estouffent les meilleurs desseins,
chascun quartier depute quelques bons habitans pour
s’assembler en vne Chambre du Palais & aduiser à ce
qu’on voira bon estre & ainsi dans les autres Communautes
du Royaume qui aurõt leur Deputez en celle-cy,
gens recõnus de nulle mauuaise intrigue & de probité.

Que toute la populace & pauures craignent les bien
faisans qu’on reconnoistra qui se sont donnez à Dieu &
au secours du prochain, de s’assembler en vne Chambre
au Palais pour pouruoir aux necessitez d’vn chacun, sur
le bien qu’on designera estre propre pour cét effet, ce
qui profitera aussi à l’aduenir, tant pour toutes sortes de
personnes incommodez que nommément pour les pauures
soldats estropiez ou non & leurs familles, qui aurõt
seruy le Roy & l’Estat.

Et afin qu’on aye plus de facilité à faire ceste iuste cõtrainte,
voicy les adresses de quelques vns.

Le feu sieur Baron de Ranty ne pouuant ayder si ce
n’est par ses prieres profitera beaucoup si on va chez luy
s’enquester de ceux qui estoient de sa pieuse intelligẽce,
tant dans cette ville que dans les Prouinces pour le soulagement
des pauures principallement honteux : sa maison
est en la Parro. S. Paul ruë Beautreillis, proche l’Arsenac.

Le sieur Regnard pres les filles Sainct Thomas, pres
le Fauxbourg Montmartre.

Le sieur de Chaumuel, le sieur Abbé de Matha &
autres aux Incurables.

Les sieur Abbé Normand, pres la porte S. Michel, le
sieur de Courtayes vers la Pitié, joignãt l’image S. Louis.

Les sieurs Curez de S. Germain de l’Auxerrois, Saint
Mederic, de S. Nicolas du Chardronnet & autres zelez
pour les pauures, entre lesquels ie ne nomme point leur
Chef.

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Le sieur Camus, Fauxbourg S. Iacques aux Carmelites,
& ceux que feront cognoistre les charitables & nullement
bigottes habitudes ; comme en sont de certains à
qui d’vn costé adorent le Veau d’Or de la Cour & ses
diaboliques maximes, & de l’autre veulent couurir leur
hypocrisie de quelque apparence de bien, ou pensent
s’absoudre de leurs brigandages par quelques aumosnes
d’vn bien qui ne leur appartient pas, & en laschant cinq
sols, croyent en pouuoir retenir douze mille Cain offrit
aussi bien qu’Abel vn Sacrifice, mais celuy là attira le feu
de la collere de Dieu, & celuy cy fut remply de son Esprit
par ce qu’il auoit le cœur net, à quoy Dieu regarde
premierement pour approuuer ou reprouuer les dons
qu’on luy fait.

Il faut demander pleine liberté d’escrire ou faire Imprimer
de bons aduis, ou autres choses profitables au public,
sauf à estre discutées, & l’on verra en consequence
que l’Estat sera en asseurance, les incendies, les vols, les
sacrileges & autres crimes & desseins énormes serõt supprimez,
vn Ordre certain empeschera la confusion que
l’incertitude d’vn mal aussi certain, si on n’y pouruoit,
qu’est la mort naturelle, fortifie, les honnestes Bourgeois
riches ne seront apauuris, les mediocres ne seront reduits
au neant, ny les pauures au desespoir, comme les pernicieux
conseils pretendent, n’est ce pas vn chose estrange,
que des atheismes, des mẽsonges, execrables, des flateries
& autres telles dãgereuses pratiques peuuẽt estre ouuertement
imprimez, & qu’on n’ose parler d’vn bon aduis,
de dire qu’ẽ bien faisant & publiant choses Chrestiennes
& profitables au public, on apprehẽde les ministres de la
Iustice, qui forcez par la verité auoiẽt iustement cõdamné
ce qu’ils ont par apres indignement approuué, sauf
lhonneur des bõs, partie par vne pusilanimité honteuse,
partie par vne correspondance criminelle deuãt Dieu &
deuant les hmes, leur iniuste acquiescemens ayant remis
où plustost entretenu dans ces monstres impitoyables, la
fureur & la rage pour l’exercer plus audacieusement.

Courage peuple, si vne lasche complaisance porte d’a ?

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quelques Magistrats à vouloir empécher ce bõ désein,
la pluspart sera biẽ aise d’auoir pour excuse l’impossibilité
d’vne force causée par vostre multitude, & les autres,
s’il y en a de si dénaturez, creueront en leur malice.

 

Quantité de Seigneurs & braue Nobblesse sera rauie de
voir iour à la iuste vengeance qu’ils doiuent prenhre des
viols faits aux personnes de leurs Dames & Damoiselles,
des pillages & ruynes de leurs Chasteaux, des indignes
supplices dont on a bourelé les plus qualifiez, des barbaries
assouuies sur leurs suiets, des bouleuersemens de leurs
Eglises, des achemens comme chair à paté de leurs Prestres
& Curez.

Il y aura des Princes, sans parler du bon & genereux naturel
de Mr. le Duc de Beaufort, que Dieu garde d’alteration,
& la Reiue mesme pouuãt reprendre le premier
Esprit de sa bonté, qui voyant l’estẽdart de Dieu, de sa vertu
& de ses maximes hautement leué & hardiment porté
comme celuy du Diable, du vice & des Machiauelistes,
se tiendront heureux de combattre sous iceluy, & pour
oster tout souçon de trahyson, que les Princes sont aduertis
& suppliez de ne donner, ne suiuront autres aduis
que ceux que l’on iugera les plus zelez pour Iesus-Christ
le Roy, l’Estat, le peuple & les pauures.

C’est par ce moyen que seront en credit les voyes que
doit tenir vn Roy tres-Chrestien, lesquelles seruiront
d’instruction à sa Majesté lors qu’elle sera en âge, & par
ainsi on empèchera qu’elle ne soit obsedée de ces iniques
& diaboliques façons de tyranniser dont on vse maintenãt
si ces cruelles ne le font plustost perir que regner, au
lieu qu’estant imbu des contraires il sera nõmé en sa Majorité
Dieu couronné, comme Dieu a sa Natiuité.

La bonne intelligence qu’il y aura par le moiẽ des Deputez
de chacune Prouince gens de biẽ & de nulses mauuaises
impressions terminera bien tost ce differẽd, s’establira
vn Ordre certain, chacun viura en asseurance, les
iustes droits du Roy se payeront sans exaction, ses coffres
se trouueront pleins sans vuider les bourses des payeurs ;
le menu peuple sera soulagé, tant des Tailles que des autres

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impots du peu de la diminutiõ desquels on ne se sent
pas, n’estant pas mesme asseurée non plus que toute autre
chose par le desordre que causent des harpies qui ne
veulent soufftir qu’on souille les goüffres où ils ont englouty
la substance ce du peuple, & qu, on les empesche de
le deuorer continuellement, aymant mieux tout troubler
& que tout perisse, ainsi qu’vn Pericle mit toute la Republique
d’Athenes en combustion pour s’exempter de
rendre les Finances qu’il auoit volées, & pour encore pescher
en au trouble.

 

Ne vous espouuentez pas, c’est la cause de Dieu aussi
bien que du public, & s’il prend la qualité de Dieu de
Paix, il se nomme aussi le Dieu des Armées, rentrez en
vous, considerez & esprouuez vostre force & vous verrez
que ces grands Phantosmes de puissance ne peuuent
donner de la terreur qu’à ceux qui ont peur & lascheront
bien tost le pied s’ils voyent que vous les teniez
ferme : Enfin ce seront de veritables Goliats qui seront
vaincus par des petits Dauids, c'est à dire gens qui suiuront
les maximes de Dieu qui est, qui a esté & sera à jamais
plus fort que le Diable qu’il confondra auec tous
ses adherans.

Peuple vous voyez desia roder à douze quinze lieuës
de vous, les auant coureurs de vostre mal heur, le retardement
de la publication de cet aduis ne prouient pas
de la negligence de l’Autheur, mais du de la y de l’impression.
L’on tient pour certain qu’on fait couler dans Paris
des gens de guerre qui se grossissent tous les iours
pour fauoriser au premier signa la pernicieuse entreprise,
il n’y a point de temps à perdre, poursuiuez l’execution
de cet aduis, & faiter faire serment solemnel en la
grande Salle du Palais sur le sainct Euangile deuant le
tres Auguste Sacrement à ceux qui sont cy dessus designez,
afin que chacun se sente plus estroitement obligé
de se comporter sincerement & fidellement en son employ
Enuoyé le dixiesme Iour de may à Nosseigneurs les
Princes par vn bon Pere Capucin.

FIN.

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