Anonyme [1649], LE QVATRIESME BABILLARD DV TEMPS EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_556. Cote locale : C_2_15_4.
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LE QVATRIESME
BABILLARD
DV
TEMPS
EN VERS
BVRLESQVES.

 


Mvze, venez me reueiller,
Pour me faire bien Babiller,
Dictes-moy vn peu des nouuelles
Qui soient agreable & belle.
L’on nous asseure que Lundy
Chacun estoit bien estourdy
De voir en armes tant de monde,
Dont l’vn tempeste, & l’autre gronde :
Mais ceux qui ont plus de tourment,
Ce sont Messieurs du Parlement,
Qui à ce iour firent assemblee,

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Qui dura toute la iournée,
Qui conclurent que Deputez
Seroient tout soudain renuoyez,
Pour les Articles reformer,
Et quelqu’vn d’iceux confirmer.
Comment, ce disoit Maistre pierre,
Est-il auiourd’huy necessaire
D’auoir tous les armes à la main,
Puis que i’aurons la Paix demain ?
Vrayment, replique Maistre Blaise,
Tu parle icy bien à ton aise,
Sçais-tu pas que nos Generaux
Pour nous ont beaucoup de trauaux ?
Sçais-tu, que sans ce Grand Beaufort
Nous serions presque à la mort ?
Il va, il court, monstrant visage
A nos ennemis, qui courage
Ont perdu si tost qu’ils l’ont veu :
Comme on s’en est bien apperceu,
Tesmoins en huict ou dix rencontre,
Où de sa valeur a fait monstre,
Mettant à mort nos ennemis,
Lors qu’ils nous croyoient endormis,
Et maintenant pour recompence
De l’exposer dans la souffrance,
Ne voulant pas le secourir,
N’est-ce pas le faire mourir ?
Or si nous voulons estre sage,
Mourons pour ce grand Personnage,
Qui hardy comme vn Cesar,
A mis sa vie en hasar,
Pour conseruer ceste grande Ville,
Et les Damoiselles gentille,
Qui dans ce lieu font residance,
Que l’on alloit mettre en souffrance,
Comme ont iuré nos ennemis,

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Qui entre-eux font vn compromis.
Cependant la iournée se passe,
Et la Bourgeoisie assez lasse,
Dit qu’il faut chasser Mazarin,
Et au plus viste & au plus loin,
Le Mardy l’on nous ameine
Quantité de bleds & farine,
Ce qui fait ramender le pain
Aussi promptement que soudain
On ameine bien d’autre viure,
Volaille & fruitage on fait suiure
En vne si grande quantité,
Que chacun en fut contenté.
Trois iours entiers cela nous dure,
Veritablement ie vous iure,
Que i’aurois esté tres content
Qu’il eust duré plus long temps :
Mais Ieudy on va à l’enchere,
Et l’on court de telle maniere
A la Halle & à la Greve,
Que le Marchand n’a nulle tresve,
Faut tousiours qu’il ouure les mains
Pour receuoir de tous les coins.
L’vn demande vne mine
Et l’autre vn septier de farine,
Et Monsieur dit qu’il veut du bled,
Voyant que chacun est troublé :
Car quelque mauuais langage
Court que l’on bouche les passage,
Et que les traistres Allemans
Ont desia surpris de nos gens,
Et qu’aux Boulangers de Gonnesse
On a pris cheuaux & asnesse
Et que quelques honnestes Bourgeois
Ont esté pris des Polonnois.
Mais à propos quand i’y pense,

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I’auois mis en oubliance
A dire au benin Lecteur,
Que quelque personne d’honneur
M’a asseuré qu’à la porte
De la Conferance vne hotte
Fut prise, où il y auoit deux fonds
Qui n’estoient remplis de chapons :
Mais bien de dix paires de lettres,
Qu’vn garçon portoit à ces traistres,
A ces voleurs de Mazarins.
Traistres, cruels & inhumains,
Qui vouloient mettre en souffrance
Les Deputez de nostre France,
Leur faisant par force signer
Ce quel on a veu condamner.
C’est ce qui cause qu’en Bretagne
Vn chacun se met en campagne.
Par tous les Bourgs & les Villes
On donne au Duc de Longueuille
Hommes & viure, aussi de l’argent
Aucun n’est trouué negligent,
Et mesme plusieurs Gentils-hommes
De volonté parfaite & bonne,
Ont fait Monstre il y a vn mois,
Et il s’approche ceste fois,
Vne belle gendarmerie
Pour renuerser ceste furie,
Iurans que bien-tost marcherons
Sur le ventre à ces Rodomons,
Et qu’ils emporteront les testes,
Pour tesmoigner de leurs conquestes.
Et ce qui fasche Mazarin,
C’est d’entendre que S. Martin
Ce braue Gaillard la Chaussée
A ce coup a la main armee
Auec Monseigneur de Reitz,

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Et le Baron de Craueleils,
Mesme le Marquis de Molac,
Et cest illustre Conelac,
Et le Duc de Coaquin
S’est-il pas ioinct auec Pasquin :
Bref de Bretagne les plus grands,
Se sont ioincts auec les Normans,
Et auparauant qu’il soit guere
Nous entendrons que ceste guerre
Se pourra bien-tost terminer,
Et les malheureux condamner :
Comme nous dit la Prophetie,
Qui de mentir n’a pas enuie,
Predisant la fin de nos maux,
Apres Pasque sans nul defaux.
Mais disons vn peu dauantage ;
L’on tient dans vn commun langage
Que Leopold asseurement
Pres Noyon a pris logement
Auec vne tres-belle armée,
D’où les volontez animée
Du plus simple de ses soldats
Nous promet que hors de hazards
Il tirera le Parlement,
Et nos Bourgeois semblablement.
C’est ce qui cause sans retraite
Que la Paix s’en va estre faicte,
Et que Monseigneur d’Orleans
Sera General maintenans,
Et que Monseigneur de Beaufort
Sera son plus grand suport,
C’est à Dire son Lieutenant,
Pour conduire & mener ses gens,
Monsieur le Prince de Condé
S’en ira bien-tost sans tardé
Au lieu de son Gouuernement

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Pour y viure paisiblement
Monsieur le Prince de Conty
Pour certain ie vous aduerty
Qu’il est de Brie Gouuerneur,
Et de Champagne par honneur
Et Monsieur le Duc de Bouillon
Rentre dans Sedan tout de bon,
Mesme Monsieur de Longueuille
Se maintiendra d’humeur gentille
Au lieu de son Gouuernement
Tenant ses gens paisiblement.
Si cela est chose asseurée,
Nous verrons quelque simene
Qui resiouïra les bons François
Qui chanteront à hante voix
Viue nostre bon Roy de France
S’il eslogne son Eminence.

 

FIN.

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