Anonyme [1649], LE RAMEAV ROYAL, OV LE SYMBOLE DE LA PAIX, PRESENTÉ A LA REYNE, LE IOVR DES RAMEAVX. , françaisRéférence RIM : M0_2975. Cote locale : A_8_32.
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LE
RAMEAV
ROYAL,
OV
LE SYMBOLE DE LA PAIX,
PRESENTÉ
A LA REYNE,
LE IOVR DES RAMEAVX.

A PARIS,
Chez ARNOVLD COTINET, ruë des
Carmes, au petit IESVS.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LE
RAMEAV ROYAL
PRESENTÉ
A LA REYNE.

MADAME,

Celles qui sont d’vn sang Royal comme vous,
semblent estre plus obligées que les autres, de marcher
à grand pas à la plus éminente vertu, par vn chemin
qui leur est desia frayé dãs la suitte de tant d’Heros
& d’Heroïnes, qui leur ont laissé de si glorieuses
traces. La Nature semble exiger d’eux, le deuoir de
s’esleuer au plus haut point de la perfection, dont la
grande naissance qu’elle leur donne, est comme le premier
degré. Tout le monde qui reçoit ses Loix, n’attend
pas moins de ces Illustres personnes, à qui elle
donne en naissant le pouuoir de les dispenser ; & tous
ceux qui regardent la grandeur, se la figurent toûjours

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comme quelque chose qui est au dessus d’eux,
& qui s’eleuant au delà du commun a quelque chose
de plus parfait que luy : mais ils se soumettent à vne
puissance qu’ils ne connoissent pas bien, si elle ne se
communique à eux par de bonnes. qualitez, & si elle
ne reçoit les presens que la bassesse ne peut empescher
à vn sujet affectionné de rendre à sa Souueraine.

 

Tous vos fideles sujets, Madame, presentent vne
palme à vostre Majesté, & demãdent par des feruentes
prieres que vostre main la couronne, afin que deuenuë
Royale elle soit plus digne d’estre presentée
sur les autels pour receuoir la benediction de ce
grand Dieu, qui triomphe auiourd’huy par l’entrée
solennelle qu’il fait dans la ville capitale de ses peuples
& qui leur apporte à mesme temps les glorieuses
marques de la paix en sa personne diuine. On
vous attend chaque iour dans la vostre, & vous y serez
bien plus glorieusement receuë auec ce Rameau
Royal à la main, vous marcherez en triomphe auec
ceste palme qui sera le signe le plus asseuré de la Paix,
& la plus illustre marque de vostre vertu. On ne
doutera point que vous ne soyez arriuée au plus
haut point de la perfection, & que vous n’ayez donné
la derniere borne à vos actions les plus heroiques.
Tous vos peuples connoistront vostre grandeur par
la participation d’vne si douce influence, & quand ils
sentiront de si puissants effets, ils en admireront la
cause, & en louëront la vertu qui leur aura fait tant

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de bien, & les aura comblez du bon-heur qui leur est
le plus souhaittable. Cõdescendez, Madame, pour ce
coup à la foiblesse du peuple, acceptez ses offrandes
& ne luy deniés pas vne grace qu’il a demandée auec
tant de soupirs & tãt de larmes. Vous ne diminuerez
rien pour cela de vostre authorité, vostre gloire n’en
sera point abbaissée, au contraire on vous reconnoitra
toute puissante, quand vous aurez à la main ce qui
soumet les peuples & qui les force de faire par abondance
d’affection, ce qu’ils ne faisoient que par la loy
du deuoir. On vous erigera des trophées par tout
où vostre nom sera connu : & tout le monde s’efforcera
de le rendre glorieux à la posterité. Dieu qui a eu
tousiours de l’amour pour son peuple, s’est assez souuent
laissé fléchir par ses prieres, & luy a souuent
donné la Paix, lors mesme qu’il le croyoit tout
prest de chastier, il luy a fait sentir son pouuoir si-tost
qu’il l’a veu sur le poinct d’estre opprimé, &
luy a mieux fait connoistre dans ses necessitez que
dans ses abondances, qu’il estoit son Souuerain.
Ceux qu’il employoit à ces grands effets de sa prouidence,
estoient tousiours quelques grands personnages,
& quelquesfois quelques femmes fortes. Il
leur mettoit la verge en main ou le couteau, afin de
les rendre venerables à ses peuples & redoutables
à leurs ennemis. Vous, Madame, qu’il a choisie pour
regner dans vn pays qu’il semble auoir cheri plus
que les autres dés le commencement de la Monarchie,

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vous qu’il a fait succeder à tant de Roys, pour
prendre le soin de cet Estat qui luy est si cher, pendant
la minorité de ce fils qu’il a donné comme par
miracle, pour estre le cõducteur de ses peuples : vous
que la pieté a renduë si recommendable : Vous semblez,
dés le premier moment de vostre Regence,
auoir receu toute seule, ce qui auoit esté partagé à
plusieurs ; Dieu vous a mis en main la verge & le couteau :
mais il veut, Madame, qu’apres auoir fait triompher
celuy-cy par la deffaite de vos ennemis, vous
fassiez fleurir celle-là. Il ne veut pas que vous touruiez
ce fer contre vos peuples languissans. Aussi ne
seroit-il pas iuste, Madame, que ceux qui ont contribué
la plus grande partie de leur plus pure substance
à vos glorieuses conquestes, qui ont donné leur sang
presque iusques à la derniere goutte, pour signer leur
fidelité, soient reduits à cette extremité. Iugez, Madame,
combien il est sensible à ceux qui sont fideles
& qui aiment bien de se voir par ie ne sçay quel malheur,
comme forcez de subir la rigueur de ceux qu’ils
aiment tendrement. Il n’est rien de si insuportable,
que la colere d’vne personne pour qui l’on n’a que de
l’affection : & que peut-on faire en vne si malheureuse
conioncture, pour l’appaiser, que de luy aller presenter
la palme, luy dire qu’elle a vaincu & qu’il est
temps de faire la paix, & de faire fleurir cette verge
que Dieu mesme luy presente si fauorablement ?.

 

Vous serez la plus glorieuse de toutes les femmes

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fortes, & vous aurez encor le premier rang parmy les
Heros, si vous acheuez bien ce que vous auiez assez
heureusement commencé. Vos armes ont terrassé les
plus puissans Ennemis de vostre Regẽce en plusieurs
batailles, dont vous auez remporté les auantages :
mais vous n’auez encor rien fait, si vous ne faites sentir
aux Peuples ces mesmes auantages, & si vous ne
leur distribuez liberalemẽt le fruict de tant de cõquestes
qu’ils ont cultiué, sans en auoir encor pû gouster.

 

Il faut, Madame, que vous couronniez tant de hauts
faits par vne derniere action, qui sera plus illustre que
toutes les autres, & qui est pourtant la plus facile à
produire. Vostre peuple a contribué toutes ses forces
à la rendre aysée par des Armées nombreuses, dont il
a soustenu le poids & doublement payé la despense.
Apres que toutes ces entreprises ont reüssi si auantageusement
pour vous, il a iuste raison d’en demander
quelque auãtage, qui ne diminuë rien des vostres : Au
cõtraire, il vous a ouuert toutes les voyes par où vous
pouuiez les accroistre. Et aujourd’huy il vous va rendre
la plus renommée & la plus glorieuse Reyne du
monde, si vous receuez les palmes qu’il vous presente,
& si vous executez ce qui le peut rendre heureux.
Donnez à vous-mesme, Madame, cette Couronne
de gloire, que tant de Heros n’ont pû gagner apres
tant d’efforts genereux. Ne la refusez pas, tandis qu’elle
se presente, sa conqueste n’est pas d’vn iour, vos predecesseurs
se sont efforcez plusieurs années de l’acquerir,

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& n’ont trauaillé que pour vous. Receuez ce
precieux Rameau, que vostre Peuple vous presente,
afin que deuenu Royal entre vos mains, il soit plus
digne d’estre presenté à Iesus-Christ triomphant,
pour estre beny de sa main diuine. Tout vostre peuple
vous accompagnera à cette heureuse ceremonie,
& couurant de fleurs & de ses plus precieux ornemens,
le chemin par où vostre Majesté passera, il
meslera des cris de ioye aux honneurs que vous rendrez
à ce Dieu qui fait son entrée solennelle en Hierusalem,
& au milieu de ses trãsports, il s’écriera : Voicy
celle qui prepare les voyes du Seigneur, suiuons la à
l’odeur des parfums qu’elle répand : courons voir le
petit Salomon sous l’éclat du Diadesme dont sa Mere
l’a couronné, allons rendre nos hommages à ce
ieune Roy, & nos actions de grace à la plus glorieuse
Reine qui fut iamais éleuée sur le throsne de nostre
Monarchie.

 

FIN.

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