Anonyme [1652], LE RETOVR DE MESSIEVRS LES GENS DV ROY, Portans response de Sa Majesté pour l’esloignement des troupes à dix lieuës de Paris. Auec l’esperance d’vne prompte & bonne Paix. , françaisRéférence RIM : M0_3528. Cote locale : B_16_7.
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Le Retour de Messieurs les Gens
du Roy, portans response de
Sa Majesté pour l’éloignement
des troupes à dix lieuës de
Paris.

Dans l’assemblée qui se fit Vendredy passé
dixiesme du present mois de May,
Messieurs du Parlement, sur ce qu’ils
auoient appris que les troupes Mazarines
commandées par les Mareschaux de Turenne &
d’Hoquincourt, estoient à Seue, à Meudon, & aux
enuirons de Paris, qu’ils menaçoient d’en venir bruler
les Faux-bourgs, & qu’ils exerçoient toutes les
cruautez & toutes les violences que la chaleur d’vn
victorieux peut permettre en vn païs de conqueste ;
& que mesme ils ne se contentoient pas des inhumanitez
qu’on auoit autrefois pratiquées, mais qu’ils en
inuentoient de toutes nouuelles, qu’on ne sçauroit
croire à moins que de les auoir apprises des personnes
qui les auoient souffertes : enfin resolurent de
renuoyer pour la derniere fois Messieurs les Gens du
Roy à sainct Germain, pour remonstrer à Sa Majesté
tous ces desordres, & pour la supplier d’y vouloir
apporter du remede par l’esloignement de la

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cause & des effets tout ensemble ; qu’autrement si les
mauuais Conseillers qui l’enuironnent fermoient les
aureilles à de si iustes supplications, tout Paris s’en
alloit prendre les armes pour tascher d’obtenir de viue
force, ce qu’ils ne pouuoient obtenir par les prieres
& par les deferences, & qu’ils attendoient la response
dans vingt-quatre heures.

 

La nuit du Vendredy au Samedy vne partie de
l’armée du Mareschal de Turenne, composee de dix
compagnies des Gardes, des Gens-d’armes du Roy,
& des Cheuaux legers de la garde, iusqu’au nombre
de 300. hommes, s’estans saisis de S. Cloud. Monsieur
le Prince accompagné des Ducs de Beaufort &
de la Roche-foucaut, fut au Parlement, ou l’indisposition
de Son Altesse Royale ne luy permettoit
pas de se trouuer : où apres auoir representé à la
Compagnie, que les violemens de la parole qui
auoit esté donnée de part & d’autre, que les gens de
guerre n’approcheroient Paris que de dix lieües,
auoit commencé du coste de la Cour, que les troupes
de ce party venoient piller jusques aux Faux-bourgs,
& qu’ils estoient enfin à Saint Cloud, où il auoit
mis du monde, dit qu’il estoit resolu de les secourir,
& partit en disant, qui m’aymera me suiue ; les autres
chefs en firent de mesme : & ayant donne rendez-vous
aux volontaires à la porte de la Conference, il
assembla en moins de deux heures assez de gens pour
composer vne armée considerable : vous sçauez
l’expedition qu’il fit la nuict, suiuante où sa conduitte

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& sa vaillaince parurent, comme elles ont
accoustumé dans toutes ses entreprises.

 

Il faloit repeter ces choses pour enuenir aux nouuelles
d’aujourdhuy, qui sont que Messieurs les
Gens du Roy, au lieu de venir dés Samedy comme
l’on esperoit, ne son arriuez que Mercredy matin
quinziesme du present mois, ayant tousiours employé
ce temps dans la negociation, la plus importante
qu’ils sçauroient faire, puis que c’est pour le
bien de l’Estat, & pour le repos public.

Messieurs les Mareschaux de l’Hospital &
d’Estampes, ont fait aussi tous leurs efforts pour
l’acheminement d’vne prompte & bonne Paix,
ils arriuerent des hyer ; & tous ces Messieurs ensemble
ont si heureusement trauaillé, qu’ils ont
obtenu l’éloignement des gens de guerre à dix lieües
de Paris, qui est vn vray moyen d’en venir à vne
Paix : parce que Paris s’estant desia assez declaré
par sa generale deputation, par la sortie des Bourgeois,
par les offres à Son Altesse Royale de leuer
& d’entretenir vne Armée considerable, iusques
à l’esloignement du Demon qui nous persecute, par
l’Arresté de Messieurs du Parlement, que ce sera
d’elle seule que Paris receura les ordres jusques à la
Paix, il est impossible que l’autre party subsiste.

Si le Roy n’auoit pas la bonté d’escouter nos
tres-humbles prieres, & qu’il voulut suiure les
pernicieux conseils des Partisans de Mazarin, il n’auroit
pas accorde cet esloignement des troupes, il se

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seroit roidy au contraire ; Mais Dieu qui tient le
cœur des Rois en sa main, & qui les fait pancher
du costé qu’il veut, touchera, s’il luy plaist, celuy
d’vn Roy qu’il nous a donné luy mesme, il ne
laissera pas son ouurage imparfait, & sa misericorde
l’emportant sur sa rigueur de sa justice, il nous
donnera les occasions de la remercier, & de la reconnoistre.

 

Messieurs les Deputez ont tesmoigné vne grande
constance : car on a fait tout ce qu’on a pû pour
les obliger à voir le Cardinal Mazarin, mais ils
n’ont iamais voulu : ils ont parlé au Roy auec des termes
pleins de respect à la verité, mais toutefois infiniment
esloignez de la flaterie, & de cette lasche
complaisance qui perd ordinairement les Roys, &
qui descrie les sujets ausquels elle se rencontre.

Beaucoup de personnes ont cru que cette fauorable
response d’esloigner les troupes, estoit artificieuse,
& que ce nouueau pourparler de Paix ne
seroit pas plus sincere que le premier, que c’estoient
des enfans d’vn mesme pere, & des ouurages d’vn
mesme artisan ; que ce mal-heureux homme, qui
fait vne haute profession de ruse & de fourberie,
veut encor endormir Messieurs les Princes & Messieurs
du Parlement, & retarder l’execution de leurs
genereux projets, & des bonnes volontez des Bourgeois
de Paris : Mais ie ne puis estre dans ces sentimens-là :
car quelle apparence que des personnes si

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resoluës & si éclairées, & si cordialement vnies
pour leur bien & pour le nostre, voulussent se relascher
vn moment sur l’auance de quelques propositions
ambiguës que pourroit faire vn fourbe
perpetuel, & si connu de tout le monde ? Il n’y
en a point du tout d’apparence, & sans doute cét
hoste importun & incommode, qui vouloit demeurer
auec nous malgré nous-mesmes, quelque
impudent & quelque obstiné qu’il soit, s’en ira
hors de la France, & nous laissera en repos, apres
nous auoir si horriblement persecutez ; ou si son
mauuais genie luy persuade à ne pas desemparer :
les forces de Messieurs les Princes, celles du Duc
de Loraine, qui sont en Champagne, prestes à se
ioindre au premier iour, & celles que Paris va faire,
le pourront mettre entre les mains de la Iustice,
s’il peut échaper à la fureur des particuliers, &
faire en sa maudite personne l’exemple d’vne signalée
punition.

 

FIN.

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