Anonyme [1649], LE SANGLANT THEATRE DE LA GVERRE D’ALLEMAGNE, HEVREVSEMENT CHANGÉ EN VN glorieux Thrône de Paix. OV REGNE EN SOVVERAINE CETTE Deesse, qui ne soulage pas seulement les peuples affligez: mais qui reunit encore les Princes & les Potentats de l’Empire auec l’Empereur. , françaisRéférence RIM : M0_3580. Cote locale : A_7_43.
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LE SANGLANT THEATRE
DE LA GVERRE
D’ALLEMAGNE,
HEVREVSEMENT CHANGÉ EN VN
glorieux Trône de Paix.

OV REGNE EN SOVVERAINE CETTE
Deesse, qui ne soulage pas seulement les peuples
affligez : mais qui reunit encore les Princes &
les Potentats de l’Empire, auec
l’Empereur.

Apres tant de l’armes de sang répandu
en Allemagne, pour les horribles
cruautez qui s’y sont commises depuis
vingt-cinq ans qu’elle a seruy de
Theatre, où se sont ioüées les plus sanglantes
Tragedies, qui se soient iamais representées
dans l’Vniuers, n’est-il pas iuste maintenant d’en
verser de i’oye ; puis que l’horreur de la guerre,
n’y fait plus voir ses tragiques mouuemens, &
que la Paix, la sainte Paix, ardemment desirée, il
y a si long-temps par ces peuples Belliqueux, a

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nouuellement chassé de ce S. Empire la confusion
& le desordre, & inseparablement reüny,
les testes couronnées & les autres Princes & Potentats
d’Allemagne auec le S. Empire ; dont
toutes sortes de Nations à la reserue de celle
d’Espagne, ne souhaitent plus que son honneur,
son agrandissement, & sa gloire ?

 

Combien de fois a t’on veu durant cette vniuerselle
diuision, le Danube, le Rhin, & la Moselle,
rougir du sang des Chrestiens, animez les
vns contre les autres à vaincre ou à mourir ? Le
nõbre de ceux qui ont suby sous la rigueur des
armes, sous l’horreur de la faim, ou sous l’effort
mortel de la peste, qui accõpagnẽt tousiours la
guerre, est si grãd, que s’il viuoit encore, il seroit
suffisant ; non pas seulement de surmonter le
Turc : mais de se rendre encore victorieux de
tous les autres Monarques infidelles.

Ce qui donna naissance à tant de maux, & à
tant de rauages, fut la violente persecution que
la maison d’Autriche fit aux plus grands Princes,
& Potentats d’Allemagne, sous le pretexte
de religion. Ainsi agissant, & contre leurs personnes
& contre leurs biens, & contre la liberté
de leurs propres consciences, la plus grande parties
de ces Souuerains, vit bien tot apres ses
Estats occupez, & vsurpez par vne domination
autant iniuste, que les Autricheans la publioient
équitablement ; y auoit-il rien de plus raisonnable,

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alleguoit l’Empereur, que de releuer les
Autels, retablir les Eglises, & que faire faire la
guerre ouuerte à l’Heresie, & aux Princes qui
s’en rendoit les Protecteurs ? Deuoit-on souffrir
dans le S. Empire Chestien, tant de schismes, &
tant de nouuelles religions, qui portoient bien
souuent les peuples iusques à l’Atheisme ? Le bon
Roy Catolique, qui soubs ombre de pieté & de
deuotion, témoignoit estre beaucoup amateur
du culte de Dieu, quoy qu’il le fust encore plus
du bien d’autry, comme le grand nombre de ses
vsurpations nous en donnent le témoignage, publioit
hautement que dans l’Empire, il ne s’y deuoit
trouuer qu’vn Monarque, qu’vne Loy, &
qu’vne Foy, & cela ne faisoit pas peu d’effet dans
l’Esprit de l’Empereur, qui sortit de mesme maison
que ce Roy des Espagnes, ne demeura guere
à montrer que son ambition n’estoit pas moins
puissante que la sienne.

 

Ces Conseils, & ses avis seruirent d’amores à
l’Empereur, pour embrasser d’auantage ses desseins ;
& en peu de temps apres, il se rendit si puissant
& si redoutable, qu’il deposseda de leurs
biens & de leurs Souuerainetez, vn grand nombre
de Princes des plus grands de l’Empire, &
les contraignirent de se refugier en d’autres
Royaumes pour mandier de la faueur, & de l’assistance
contre l’iniuste oppression qui leur estoit
faites. Leurs peines faisoient bien pitié, aux Souuerains,

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soubs l’Azyle de qui ils se mettoient :
mais le plus dificile estoit d’arriuer en leur faueur
& de s’attaquer à vne maison, qui de ce temps là
estoit plus puissante qu’elle n’est pas à present.
L’Autruche pour lors n’auoit point encore perdu
pas vne de ses Aysles, & vn chacun apprehendoit
de l’entreprendre, veu son essor, & son vol
si haut.

 

C’est ce qui fit que ces Princes despossedez,
demeurerent long-temps exilez, bannis, & proscrits
du lieu de leur naissance, & de leurs Souuerainetez.
Le Royaume de France, qui plus que
tout autre de la Chrestienté, a accoustumé d’estre
le refuge des Princes, de qui l’on a vsurpé
l’Estat, seruit de Port, & d’Asile à beaucoup de
ses personnes opprimées, qui furent considerées
en cette superbe Cour, la plus florissante du monde,
non pas comme des gens priués, & d’écheus
de leurs moyens, & de leurs grandeurs : mais
dont l’on fit autant d’estat & d’estime, que s’ils
eussent eu la Couronne sur la teste, & le Sceptre
à la main.

Il faut auoüer, qu’il n’appartient qu’à cette
Monarchie, la premiere des Chrestiens, de faire
les choses de bonne grace, & d’obliger & secourir
courtoisement ceux qui se rendent digne de
son secours, & de son assistence ? Les autres Royaumes,
quelques grands qu’ils soyent, n’ont pas
cette humanité Chrestienne parmy eux, comme

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nous la pratiquons parmy nous, la ciuilité & la
courtoisie, sont tellement nées auec les François,
qu’on n’en voit point qui ne soit accompagné
en toutes ses actions de l’vne & de l’autre de
ces deux vertus.

 

Cependant qu’aucuns de ces Princes, sont à
esperer que Dieu restablira leurs affaires, & qu’ils
agissent autant qu’ils le peuuent pour donner
compassion de leur deplorable Estat, aux puissances
qu’ils implorent, leurs iustes plaintes font
tant de bruit, qu’elles vont iusques en Suede.
Gustaue Adolphe, s’interessant fort pour le fait
de la religion qu’il professoit, qui estoit celle là
mesme que l’Empereur vouloit destruire en Allemagne,
consulte toute sa Politique, & apres
auoir meurement deliberé auec son Conseil, sur
la matiere dont il s’agissoit, cét imcomparable
Monarque des Suedois & des Vuandales, fit trauailler
en diligence à vn armement, qui correspondit
au genereux dessein qu’il auoit formé de
sortir de son Royaume, & d’entrer dans l’Allemagne
par la Pomeranie, pour y secourir tant de
Princes opprimez.

Le Duc Bernard de Veimar de Saxe, & le Landegraue
de Hesse, leuent dans l’Empire tout ce
qu’ils peuuent de monde, pour ioindre aux forces
du Grand Gustaue, auquel ils s’allient si
étroitement que leur alliance a duré, dure encore,
& ne s’est pû rompre que par la seule puissance

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de la Paix, qui a fait consentir le dégagement
de l’vne & de l’autre.

 

L’entrée victorieuse, & triomphante du Roy
de Suede, dans l’Allemagne, auec vne armée de
dix mil hommes seulement, qui en peu de iours
s’acreut de moitié par la ioinction des Princes
confederez, surprend d’abord l’Empereur, qui
pour arrester promptement le cours à ce deluge,
qui inondoit desia vne grande partie de son païs,
y opposa tous les obstacles qu’il pû, sans que
pour cela il vit amoindrir la violence de ce Torrent.
Il recherche de nouueau d’autres moyens
pour resister à ce conquerant : mais quelques
grands, & quelques fameux Capitaines de l’Empire
qu’il pût mettre en teste à Gustaue, il les bat,
& les renuerse.

A ce coup-là, toute la maison d’Autriche ne
demeura pas oysiue, elle remuë le Ciel, & la Terre
pour empescher que d’attaquante, elle ne
vienne assaillie, elle accourt à toutes ses alliances,
elle arme de toutes parts, & s’éforce autant
qu’elle peût de remedier au desordre que sa vanité
luy auoit empesché de preuoir.

Tandis le Roy de France, qui plus que tout autre
Monarque de la Chestienté, dont il est le
plus grand, s’interesse le plus, quand il s’agit de
secourir ses aliez, estant tres-humblement supplié,
& par le grand Roy de Sue de, & par le Duc
de Veimar, le Landgraue de Hesse, & les autres

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Princes, de ioindre au glorieux dessein, qu’ils
auoient conserté, de borner la trop haute ambition
de la maison d’Autriche, & de remettre
dans leurs Estats les Souuerains qu’elle en auoit
tyraniquement chassez, enuoye à ce Roy des
Vuandales, vn Ambassadeur qui par les ordres
qu’on luy auoit prescrites, ioignit sa Maiesté tres
Chestienne à la Ligue de ces Illustres Confederez,
où elle tint le premier rang.

 

Comme ie n’ay pas enuie de faire d’vn petit
discours vn grand ouurage n’y d’escrire toute
cette guerre, mon dessein estoit de discourir plustost
de la Paix qui apres tant de longues années,
a mis fin à tous ces desordres. Ie ne veut point
m’arrester à parler des fameuses batailles qui se
sont données entre ces deux parties, où dans l’vne
le Grand Gustaues trouua sa mort parmy ses
Lauriers & ses Palmes, ny des glorieux auantages
qu’ont remportez les François, les Suedois,
& les Allemans protestans, apres le decez de ce
grand Prince ; ie renuoye les curieux à l’Histoire,
qui en verront plus que ie ne leur en sçauroit
dire.

Il n’y eut point de Monarque qui profitast
plus de nos dissentions que le Grand Seigneur ;
car comme il vit que toute la Chrestienté estoit
engagée dans cette guerre d’Allemagne, il ne
manqua pas à faire tous ses efforts pour entamer
la Hongrie, pour faire esleuer le Prince de la

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Transiluanie contre l’Empereur, afin qu’attaque
par tant d’endroits, il pût moins empescher
les desseins de ce Prince Barbare. De là cet Ottoman
portant ses desseins autrepart, tesmoigna
en vouloir à Malthe ; mais la valeur, & la conduite
du Grand Maistre de cet Ordre, y preueut si
bien, que le Tyran n’osa rien entreprendre d’extraordinaire
sur cet Estat. A la suitte des grands
armemens de cet ennemy de Dieu, & des Chrestiens,
ne pouuant plus dissimuler ses desseins,
tout d’vn coup se ietta sur la Candie, & declara
ouuertement la guerre aux Venitiens, qui l’ont
encore sur leurs bras, les Monarques & les Princes
de la Chrestienté, qu’y s’estoient engagez
dans la guerre de l’Empire, & les autres, qui n’estoient
seulement que spectateurs de ces confusions,
ne pouuant plus douter de la haute entreprise,
du successeur du Mahommet, commencerent
à songer à eux, & preuoyant que tandis
qu’ils seroient ainsi des-vnis, ce seroit donner
auantage à leur ennemy, consentirent tous à trauailler
aux moyens d’établir vne bonne & seure
paix entre eux, afin de s’vnir ensemblement, &
de tourner leurs armes conioinctement contre
le puissant aduersaire de leur religion.

 

Le Roy de France fut le premier qui coopera
à cette belle œuure, il fit ses Plenipotentiaires le
Duc de Longueuille, les Comtes d’Auaux, & de
Seruien, qui s’en allerent tous trois resider à

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Munster, où bien-tost apres, leur arriuée attira
tous les autres Plenipotentiaires des testes Couronnées,
& des autres Princes & Potentats, interessez
en cette guerre.

 

Comme les affaires dont il s’agissoit estoient
de grande consequence, on fut long-temps à
s’aiuster, il y eut des differens pour les honneurs,
& pour les presseances, l’Espagne a tousiours
cette coustume de broüiller autant qu’elle peut
pour plaire à son ambition, qui ne reçoit pas auiourd’huy
les auantages, qu’elle se preualoit de
meriter autrefois, & ce fut elle aussi dans cette
fameuse assemblée, qui fut cause des premiers
differents. L’à il se fit vne fort belle distinction
d’entre le Roy tres-Chrestien, & le Roy Catholique
de l’ãcienneté des Monarchies, de l’vn &
& de l’autre, & de la differance qu’il y a du premier
Roy Chrestien, & du premier fils de l’Eglise,
aux autres Princes, qui n’ont receu la lumiere
de la foy que long-temps apres luy.

Ce constrate vuidé, il en n’aquit beaucoup
d’autres : mais les Plenipotentiaires François
qui n’auoient point d’autre dessein que d’auancer
l’ouurage, firent tant par leurs esprits forts,
qu’ils remirent toutes choses en leur assiette.

Cela n’empescha pas pourtant qu’on ne fut
long-temps sans rien faire pour l’auancement
de la paix. Ce que voyans les Confederez, ils
mirent leurs armes en vn si bel ordre, & en vn si

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bon estat, que faisant ioinction des vnes auec
les autres, ils allerent teste baissée contre leurs
ennemis pour les surmonter, ou pour les contraindre,
à vouloir, ce qu’on voyoit bien apparemment,
à quoy ils ne vouloient pas consentir.
Le General Sue dois entra dans la Boheme d’vn
costé, les François s’estans separez d’eux, entrerent
dans la Bauiere d’vn autre, & les Hessiens
firent vne autre diuersion, de sorte que tout
reussit si heureusement bien, que l’Empereur,
le Duc de Bauiere, & leurs alliez, se voyant pressez
de toutes parts, furent contraints à cette fois
de faire agir leurs Plenipotentiaires pour la
Paix. Lors que sa Maiesté Imperiale, & son Altesse
Electoralle eurent connu, que le dessein de
la maison d’Espagne n’estoit que de tirer les affaires
en longueur, que la petite ville & la forteresse
de Prague estoit tombées entre les mains
des Suedois, & qu’il ne restoit plus que la grande
Ville, qu’ils se mettoient en deuoir de forcer, &
qu’on ne pouuoit que fort difficillement secourir,
il se resolurent tout de bon à faire la Paix, &
y firent trauailler, auec tant de soin, tant d’empeschement,
& tant d’assiduitez, que laissans à
part les interrests de l’Espagne, ils n’eurent plus
que les leurs en recommandation. Cela fut cause,
que le Ciel versant à lors toutes ses benedictions
sur l’Assemblée de Munster, & d’Onasbruc,
leur fit veoir Astrée si belle, & si charmante,

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que tous ces grands personnages les plus excellens
esprits de la Chrestienté, n’eurent point
de repos, qu’ils n’eussent attiré cette Deésse
auec eux.

 

Cét illustre personnage le Comte de Seruien
qui ne rencontre point d’obstacles aux affaires
qu’il ne surmonte, ny de difficultez, pour grandes
qu’elles soient, qu’il ne rende facilles, prend
si bien son temps, que sur la remise que le Plenipotentiaire
de l’Empereur vouloit faire pour
signer cette paix au l’endemain, celuy-cy de
France representa de si belles chosés, & auec
tant d’éloquence pour montrer à cette fameuse
assemblée, qu’il n’y auoit point de lieu de
temporiser, qu’il rendit toutes les oppinions
conformes à la sienne, & qu’à ce moment méme,
elle fut signée, cette paix tant desirable, &
desirée.

Pour les premieres apparences signés de cette
ioye qui se rendit incontinent publique à
Munster, l’on sonna les cloches, l’on chanta le
Te Deum, l’on fit des feux de res-ioüissances, &
l’on tira plusieurs coups de Canon. A l’instant
l’on deputa des Courriers dans toutes les armées
de party, & d’autre, pour faire publier vne
suspension d’armes, pour faire arrester tous
actes d’hostilité, & pour faire viure amis, ceux
qui auoient si long-temps vécus aduersaires. Encore
que cette signalée signature de paix, fut

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faite en vn temps qui nous faisoit ressentir les
inclemences de l’hyuer, iamais iour ne parut
plus beau, plus gay, ny plus temperé que celuy
là, le Ciel deuint serain comme au plus grand
iour de l’Esté, les vents se retirerent en leurs
abismes, le Soleil n’attira point de la terre, ny
de l’eau, des vapeurs pour en former des meteores
dans la moyenne region de l’air, les Elemens
& la nature mesme, témoignerent par
leurs reglez mouuemens, qu’ils participoient
tous au bon heur & à la felicité, dont toute la
Chrestiente seroit ioüissante en peu de temps.

 

L’Empereur, toute sa maison Imperiale, tous
les Roys, les Princes & les Potentats interressez
dans cette guerre, se rauirẽt à vn point d’éstre
asseurez de la paix, qu’ils aspirent deuoir
estre irreuocable, qu’on ne sçauroit iamais vanter
vne ioye ny plus extreme, ny plus parfaite.

Toutes ces Puissances Souueraines, firent faire
dans leurs Estats, ce que l’on auoit desia fait à
Munster, & l’on reserua, aussi bien là comme ailleurs,
à faire le reste de la Pompe des ceremonies
qu’on deuoit celebrer pleinement pour vn
si digne sujet, au temps, que tous les articles de
cette paix inuiolablement contractée, seroient
executez de part & d’autre, au terme prescrit
par leur fameux accord.

C’est le retardement de cette extraordinaire
reioüissance, qui a donné sujet aux Espagnols

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depuis de publier par tous les endroits de leur
domination, que c’estoit vn faux bruit que les
François, & les Suedois auoient semé de la Paix
de l’Empereur auec eux ; que sa Maiesté Imperiale,
estoit plus resolu que iamais de la continuer,
en leur faueur, & qu’on verroit plustost
le feu s’accorder auec l’eau, que de voir iamais
ses ennemis mortels reconsiliez.

 

Du mesme temps que cette race de More
publioit ce mensonge en Italie, à Naples, en Sicile,
& aux autres lieux de son obeyssance, pour
par ce moyen releuer les esperances de ces peuples,
qu’elle voyoit bien estre fort abatus par
tant de mauuais succez qui leur arriuoient tous
les iours, le mal heur pour la France voulut
qu’elle fut des vnie pour quelque temps, & que
la connoissance en vint à nos ennemis. Quels
auantages n’espererent point tous les Espagnols
de cette diuision, dont le desordre n’estoit nay
qu’à dessein de rendre auec le temps, les affaires
du Royaume de France, plus tranquiles & plus
asseurées que iamais ?

Ce petit grabuge, qui ne dura qu’enuiron,
deux ou trois mois, & que le Ciel ne permit arriuer,
que pour purger la Monarchie, & la rendre
en suitte plus saine & plus robuste qu’elle
n’auoit point encore esté, fut vanté pour la submersion
vniuerselle de l’Empire François, par
les Espagnols, & à leur dire la reuolte de Naples,

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n’auoit rien esté au prix de celle de Paris,
& de toutes les Prouinces, qui auoient secoüé
leiouc de l’obeissance à leur Prince.

 

L’artifice auec quoy les Ambassadeurs d’Espagne
publioient cette nouuelle, ne fit pas les
impressions qu’ils eussent bien voulu dans la
pluspart des esprits, qu’ils vouloient preuenir ;
ils auoient éprouué de long-temps, que le Ciel
prenoit vn soin particulier de la France, si tant
étoit qu’il permist qu’elle fust en diuision, ce
n’étoit que pour vn terme limité, & pour agrandir
& affermir son regne, dauantage l’experience
apprit bien-tost à ces hommes iudicieux,
qu’ils ne s’estoient pas trompez en l’opinion
qu’ils auoient conceuë, car la Renommée leur
en fit voir la verité si apparente, qu’il n’y eut pas
moyen de douter d’vne chose si claire.

La reunion de la plus celebre ville du Royaume
de France auec son Prince, donne la mort au
cœur à l’Espagne, son Ambassadeur de Rome,
asseuré de cette paix, en creue de rage, & s’en
rend de si mauuaise humeur, qu’il n’en fut de
long temps accessible. Les res joüissances qu’il
auoit euës de nos malheurs, furent changées en
tristesses & en larmes, quand il fut certain de
nos prosperitez. Ainsi ce qu’il auoit pensé, qui
feroit reuenir au deuoir & à l’obeïssance de l’Espagne,
les Princes Napolitains qui s’en sont separez,
ne seruit qu’à les émouuoir & à les irriter

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dauantage, tellement que nostre paix n’a esté
que la continuation de leur guerre.

 

Cependant que les pretentions Espagnolles,
ne produisent que du vent, & de la fumée, les
affaires de l’Empire succedent auec tant de bonheur
& d’actiuité, que les conditions du traité
de paix, sont solemnellement & religieusement
executées. Tout ayant esté fait comme il auoit
esté conuenu, les armées étrangeres en délogent,
celle de France cherche vn autre Theatre
que l’Allemagne pour s’exercer ; & ne pouuant
mieux s’employer qu’à se seruir d’elle mesme
contre l’Espagne, les Mareschaux de France, &
de Champ, de Thurenne, & d’Herlach, vont
joindre leurs forces à celles qui sont destinées
pour la Flandre, contre les entreprises de l’Archiduc
Leopold. Celle de Suede quitte le méme
pays pour agir de son costé, à l’auantage de
sa Couronne ; la genereuse Princesse, la Landgraue
de Hesse, licentie ses trouppes de méme
apres auoir esté des-interressée, & tous les Princes
Electeurs, & les autres Potentats d’Allemagne,
rentrent dans leurs biens ; & dans leurs
Souuerainetez, pour y viure à l’auenir, aussi
heureux & aussi contens, comme ils ont vécu
affligez & malheureux, pendant le temps qu’ils
ont été priuez de leur ioüissance.

Quelle parfaite ioye ne reçoit point maintenant
l’Allemagne, & en general & en particulier,

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soit du costé de l’Empereur, ou de celuy
des autres Princes, & de tous leurs peuples, d’estre
en plaine paix, & en liberté, & de voir ses
Prouinces regies & gouuernées par ses legitimes
Seigneurs, au lieu qu’autrefois elles les
voyoient dominées par des trouppes étrangeres,
qui ne faisoient consentir leur bon-heur,
leur gloire & leur agrandissement, que par l’infortune,
par l’infamie & par l’entiere desolation
& destruction de tant de miserables Souuerainetez
vsurpées.

 

Rien n’est comparable au bon-heur dont
l’Empire ioüit, maintenant qu’il n’entend plus
parler chez soy, que son langage naturel, qu’il
n’a plus qu’à obeyr à ses legitimes Souuerains,
& qu’il n’oit plus le tintamarre des armes, le
bruit des tambours, le son des trompetes, & le
foudre des canons, que pour signaler la parfaite
rés jouïssance, dont la paix le fait à cette heure
iouer.

Vienne la Capitale ville de ce sainct Empire,
va ioindre l’art à la nature pour faire vne triomphante
entré à son Monarque, & en rendre les
pompes de son mariage plus celebres. L’on n’épargnera
rien de tout ce que l’iuuention humaine
pourra inuenter, pour faire parler des raretez,
qui se verront dans tant d’arcs de triomphes,
tant de frises, tant de festons, & d’architraues,
que l’on esleuera à la gloire de la Paix enuoyée

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du Ciel à l’honneur de l’Empereur, comme l’on
a accoustumé de discourir des choses extraordinaires.
Les autres villes à son exemple, ne rendirent
pas moins d’honneur de deuoir, & de respect
à leurs Souuerains ; Ainsi i’espere en peu de
iours vous faire vn si veritable recit des pompes
& des magnificences, qui se feront dans cette superbe
Monarchie, soit par les Ballets, par les Comedies,
par les courses de Bagues, & par les tournois
dont les Allemans se sont rendus fort capable
à l’imitation des François, qu’a peu pres me
verrez vous representer, sinon vne chose si parfaitement
belle, & accomplie comme le Carrouselle
de Paris, à tout le moins, fort approchante
de cette beauté sans exemple, qu’on peut nommer
la merueille des merueilles.

 

FIN.

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