Anonyme [1652], LE SECOND RETOVR DV CAR. MAZARIN à la Cour, auec le Succez de son voyage. , français, latinRéférence RIM : M0_3611. Cote locale : B_13_57.
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LE
SECOND RETOVR DV C. M. A
la Cour auec le succez de son
Voyage.

QVELQVE esperance qu’on nous
ayt donné de la paix, i’ay tousiours aprehendé
la Guerre. Et certes si nous venons à cõsiderer
le peu de disposition & les grands obstacles
qui se trouuent d’vn costé & d’autre
pour l’accommodement des affaires, nous trouuerons
qu’il n’y a que les plus aisez à tromper
qui l’ont voulu croire. Le partement du C. M.
estoit vn appuy sur lequel on pouuoit fonder
l’esperance de la paix. La Declaration de Messieurs
les Princes faite deuant toutes les Chambres
assemblees du Parlement & dans la Chambre
des Comptes fauorisoit encores le desir
que nous en auons enfin l’Arrest du Parlement
par lequel il estoit ordonné d’enuoyer des Deputez
au Roy pour remercier sa Majesté d’auoir
procuré ledit esloignement & pour l’inuiter

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à venir dans sa bonne ville de Paris, sembloit
oster toute sorte de deffiance. Mais soit
qu’on considere la conduite de la Cour, soit
qu’on pese le discours de la Declaration des
Princes, on ne peut voir que la continuation
de nos desordres. Du costé de la Cour nous
trouuerons que le Roy declare auoir promis au
Cardinal de se retirer non point pour la consideration
des Princes ou du Parlement ou des
peuples, mais seulement à son instante priere
de sorte que l’obligation que les Princes les
Parlements & les peuples pensent auoir acquise
enuers le Roy pour cet esloignement est injurieuse
aux vns & aux autres.

 

Secondement la deposition que leurs Altesses
ont faite de leurs nouuelles charges de Lieutenant
de l’Estat & de general des Armées de
France, presuppose plusieurs choses lesquelles
ne sont pas & qui ne seront pas encore de
long temps, à sçauoir 1°. que la sortie dudit
Cardinal hors du Royaume soit effectiue &
sans espoir de retour. On ne peut jamais oster
l’esperance.

Spes vna hominem nec morte relinquit.

2°. Pourueu qu’il plaise à sa Majesté de faire
ce qu’il conuient pour le repos de son Estat,
qui consiste à donner vne Amnistie Generale

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en bonne forme ; à esloigner les troupes des
enuirons de Paris, & retirer celles qui sont dans
la Guyenue, & dans les Prouinces, pour les employer
ailleurs sur les Frontieres, & restablir les
choses au mesme estat qu’elles estoient auparauant
les presents mouuements.

 

Mais tant s’en faut que la Cour face esperer
cette Amnistie Generale qu’au contraire elle
vse de menaces & bien loin de faire retirer les
Armées des enuirons de Paris, & des autres
Prouinces, elle fait grossir tous les iours lesdites
Armées. Le retour aussi du C. Mazarin à la
Cour, nous donne tour suiect d’aprehension.

Le Cheualier de Guyse, qui commande les
Trouppes du Duc de Lorraine, auec le Duc de
Vvitemberk, ayant apris que le C Mazarin
estoit party le 19. du courant, & qu’ayant couché
à Meaux, il deuoit passer proche de Chasteau
Tierry, n’estant escorté que de cinq cens
Cheuaux tindrent Conseil de Guerre dans lequel
il fut resolu d’attaquer les Trouppes qui
faisoient escorte audit Cardinal.

Ce qui les portes à cette entreprise fut qu’ils
eurẽt aduis que ce Cardinal emportoit 50000.
Louys d’or ; outre ses Meubles, sa Vaisselle d’or
& d’argent, & les plus riches Pierreries de la
Couronne, l’esperance d’vn si grand butin

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auec l’asseurance des cinquante mille escus ordonnés
a ceux qui l’ameneront mort ou vif à
Iustice, seruit de motif a ces deux Capitaines
de commander 1500. Cheuaux qui attendirent
en embuscat proche de Chasteau Tierry, ledit
C. Mazarin & son escorte apres qu’ils eureut
descouuert trois ou quatre escadrons des ennemis,
l’impatience d’attendre le reste leur fit
donner dessus, & se ayant trouué vne grande
resistance ils perdirent la proye qu’ils croyent
tenir Car tandis que ces premiers escacrons
combattirent les autres de larriere garde ou
estoit le C. Mazarin & son bagage eurent le
loisir de gaigner pays du costé qu’ils estoient
partys, & la peur les ayant encores rendus plus
diligens a donner des esperons. Le C. Mazarin
monté à l’aduantage se trouua hors du danger
& s’en retourna a Compiegne ou estoit la
Cour, où il arriua le mesme iour 24 du moys.
Ce second retour est d’autant plus considerable
qu’il est tout a fait opposé au premier.

 

Car le premier retour fut auec triomphe &
applaudissement au lieu que cestui cy s’est fait
auec honte & infamies. Il est bien vray que
quelques vns estiment que le Cardinal Mazarin
n’a iamais eu dessein de se retirer tout
de bon hors de France, & qu’il a fait semblant

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pour rompre l’vnion des Princes du Parlement,
& des peuples de se retirer de la Cour
qu’il scauoit le dessein du Duc de Vvitemberk
& du Cheualier de Guyse, & qu’il a voulu se
mettre en chemin, & exposer mesme ses premiers
escadrons a fin de donner occasion aux
plus simples de croire qu’il n’a pas tenu à la
Cour ny à luy qu’il ne soit hors de France &
que d’oresnauant on attribuera la cause des
desordres & des dõmages la continuation de
la guerre ciuille apportera dans le Royaume à
ceux qui s’opposent à son Ministere. Neantmoins
s’il veut proceder auec sincerité il n’a
qu’a demander passeport se retirer hors du
Royaume & en ce cas on verra qui sont ceux
qui procedent de bonne ou de mauuaise foy.
Il y a plus d’apparence que ceux qui se sont
seruis iusques icy de fourbes & de tromperie
n’en vsent tousiours selon le Iugement de la
loy qui dit qui semel malus semper presumitur
malus. Nous auons veu que nos Princes ont
fait declaration de poser les armes, se demettre
de leurs charges, & ont mesme voulu deputer
pour remercier le Roy d’auoir consenty
a cet esloignement encore que par sa declaration
sa Majeste n’y rien octroié qu’aux demande
de ce Cardinal pour conclurre vne

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bonne paix & mettre tout le Royaume en repos.
Ils ont demandé vn passe port leurs deputes
qui leur a esté refusé de la Cour, ce refus
monstre clairement que nous deuons soupçonner
la conduitte du Conseil que nous deuons
nous tenir sur nos gardes, & qu’auant que
condamner celle de nos Princes nous deuons
prendre garde que ceux qui vsent de plus de
finesses pour continuer la guerre.

 

FIN.

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