Anonyme [1652], LE SECRET IMPORTANT A MESSIEVRS LES COLONELS DE PARIS, POVR RENDRE LA PAIX IMMORTELLE. APRES LEVR DEPVTATION auprés du Roy. , françaisRéférence RIM : M0_3632. Cote locale : B_16_45.
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LE
SECRET
IMPORTANT
A MESSIEVRS
LES COLONELS
DE PARIS,
POVR RENDRE
LA PAIX IMMORTELLE.

APRES LEVR DEPVTATION
auprés du Roy.

A. PARIS.

M. DC. LII.

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LE SECRET IMPORT ANT
A Messieurs les Colonels pour rendre
la Paix immortelle.

MESSIEVRS, C’est tout de bon vn Secret
Important qu’vn cœur veritablement
François, & tout à fait Parisien, presente au
Raisonnement des Sages & des Politiques :
Et puis que les Vœux d’vn chacun ne vont qu’à la Paix,
comme le seul remede pour rétablir & le particulier
& le public : Il est bien à propos pour affermir cette
Paix, & en rendre la felicité plus durable qu’elle n’a
esté cy-deuant, & depuis nos premiers mouuemens, de
vous coniurer au nom de toute la France, c’est à dire,
de vos Fortunes, de vos Enfans, de vos Femmes, de
vostre sang, & enfin au nom des Autels, de bien faire
reflexion sur les Moyens de la Paix, & de ne plus vous
laisser abuser de ses Traitez en peinture, qui promettent
tant de tranquilité, & qui dans l’execution & par
aprés n’ont eu que du venin & de la desolation. Nos
premiers mouuemens des Barricades furent assoupis
par vne Declaration la plus belle & la plus fauorable
qu’on eust peu esperer pour la pacification des choses :
mais cette Declaration n’est pas si-tost verifiée, que le
Cardinal Mazarin inspiré à la Cour de reuoquer cette
parole si solennellement donnée en plain Parlement

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par le Roy, & nous vient sieger en execution de la Declaration
de 648. Le Blocus est-il finy, on conspire
contre la vie de Monsieur de Beaufort, & de beaucoup
d’autres. Peu de temps apres cette infidelité tousiours
agissante du Cardinal Mazarin, fit arrester
des Princes à qui la France deuoit toute sa gloire.
Vous sçauez, Messieurs, comme le Ciel sauua ces
Illustres Prisonniers parmy la Tyrannie & les violences
où le poison ne fut pas mesme épargné ; Et
que l’Autheur de cét attentat ne voyant pas dans les
remords de sa conscience de seureté pour luy, se retira
hors de France : Personne n’eust pû croire aprés cét
éloignement confirmé par le Roy, comme il fit en
plain Parlement, que toutes choses n’eussent esté
dans le calme, & que Monsieur le Prince ne deust
prendre toute confiance en la Cour : Neantmoins
comme le genie de cét Infidele & de ce variable Politique
animoit tousiours le Conseil : Il ordonne de Cologne
de se saïsir derechef de Mr le Prince. Le coup
estant manqué, pour piege, on verifie dans l’Assemblée
la plus auguste que nos Roys ayent iamais inuenté
la condemnation du Cardinal ; Et l’on fait dire
au Roy, sans en préuoir les consequences, qu’il
n’est pas plus vray qu’il est Maieur, que le Cardinal
est Criminel, & que la France sera déliurée eternellement
de cette personne si fatale à son repos ;
au preiudice de la parole d’vn Roy, dont la Foy fait la
veneration que les Sujets en ont, incontinent apres,
on fit reuenir le Cardinal : Et comme toute la France
s’en plaint pour en dissiper l’vnion, & pour mieux surprendre
les Peuples, il s’absente, tousiours dans la reserue
de reuenir.

 

Que fait-on apres ce départ pour nous esgorger dans
Paris, en diuisant les simples d’auec les gens d’esprit ;

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On nous presente vne Declaration de la Cour portant
Amnistie. Il n’y en a point d’entre vous autres Messieurs
qui n’ayent creu dans la publication de ce discours,
passé dans la forme de la verification du Parlement
à Pontoise, que tout ne fut pardonné : Et la
pluspart ont creu que l’interest particulier de ceux qui
appuyent celuy de la liberté Françoise nous empeschoit
la Paix, apres la creance qu’on deuoit auoir
pour cette Declaration. Neantmoins, Messieurs,
il faut vous ouurir les yeux, & vous donner aduis
que les fourberies inuincibles du Cardinal si souuent
experimentées, en sont les seuls obstacles. Quelle confiance,
aprés tout ce que ie viens de remarquer, peut-on
prendre pour Paris en ce qui se promet de cette
part ? Et où en estions nous, Messieurs, si les Princes
neussent pas demandé plus de seureté pour tout le
Monde, apres cette Amnistie, puis qu’en consequence
de cette Declaration, le Maire de Mante acusé d’auoir
contribué au passage des Troupes de Monsieur de
Nemours, s’estant jetté aux pieds du Parlement de
Pontoise, pour se seruir du pardon prononcé de la bouche
du Roy, & verifié en ce lieu, est arresté ; & qu’on
le persecute en sa personne, en ses biens, & qu’il est
à la veille de laisser à la posterité, par l’exemple de sa
mort, vne preuue bien verifiée du peu de fidelité qu’il y
a dans les asseurances & les paroles publiques de ce
regne ? Cette affaire, Messieurs, est toute faische, &
vous doit toucher, puisque vostre Cause est pareille à
la sienne. La Cour dit dans sa Declaration que le Roy
ne demande autre chose, sinon que tous ses Sujets
r’entrent de bonne foy, & sans qu’il soit besoin de
prester aucun serment nouueau de fidelité, ny aucun
acte de Declaration, que l’on r’entre au seruice de sa
Majesté. Ce Maire, dont ie vous ay parlé, dans la confiance

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de la Parole d’vn Roy, ne se contente pas d’auoir
dans le fonds de la conscience les veritables passions
pour les interests de son Roy, & d’auoir la fidelité &
la sincerité dans le coeur aux termes de la Declaration.
Il passe plus auant dans cette confiance de la parole
d’vn Roy ; Et pour mieux meriter l’oubly de l’accusation
qui luy auoit esté faite, il implore sa Clemence
aux pieds de ce Parlement que sa Majesté a
choisi, & qu’elle a voulu faire le seul Depositaire de
sa volonté, touchant l’Amnistie. Neantmoins, Messieurs,
soit que la Cour ne croye pas legitime la verification
de l’Amnistie faite en ce Parlement, ou
qu’elle l’aye concertée pour abuser les simples ; ce
Maire de Mante soûpire dans l’oppression, & est peut-estre,
contre la parole du Roy, d’où dépend la seule
seureté publique, dans vn estat que tout Paris doit
apprehender. Et comme, Messieurs, cét exemple est la
derniere de toutes les infractions de parole de la part
de la Cour, faites y reflexion, & qu’elle vous touche
pour vos propres interests : Et ne croyés pas aprés
cette experience, authorisée par cent autres, que ce
discours d’Amnistie ne cache le venin que l’on conçoit
contre vous, & qu’il empesche la Proscription des vns,
la seruitude des autres, l’oppression de la famille de
celui-cy, & le poison preparé pour cét autre. La Paix
se dispose, ie le croy, mais faisons en sorte pour ne
point faire de recheutes dans nos miseres que ce soit
vne Paix solide & constante, & ne nous laissons point
abuser de discours. Mais pour prendre nos seuretés
entieres, point de Paix que l’Amnistie ne soit verifiée
à Paris. La Cour ne souhaitera que trop de pretexte
pour reuoquer toutes ces belles promesses de pardon,
& nous luy en fournissons vn trop specieux pour lancer
le foudre de sa colere sur nos testes, si nous nous

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contentons de l’Amnistie verifiée en ce Parlement
qu’elle improuue, puisque par l’exemple que ie vous
ay remarqué, ces mesmes Iuges qui l’ont verifiée sans
s’arrester à l’immutabilité de leurs Arrests, s’ils sont veritablement
Parlement, ils font le procez à cét Accusé
que ie vous ay nommé. Ainsi, Messieurs, encore
vne fois au nom de vostre sang & du mien, point de
paix que deux choses ne soient faites, que l’Amnistie
premierement ne soit enuoyée en bonne forme, &
qu’elle ne soit mise dans le dépost sacré, c’est à dire, dãs
ce lieu d’où les veritables Traités d’Estat ont tiré tontes
leurs seuretés & où l’honneur & l’vtilité de Paris est
attachée. Et en suitte point de paix que les choses ne
soient disposées de remercier le Roy de ses bontés
dans cette Ville, afin que la presence de sa Royale
Personne nous serue de gage pour opposer au manquement
de foy du Cardinal : C’est la seule fermeté
pour la Paix.

 

FIN.

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