Anonyme [1649], LE SIEGE MIS DEVANT LE PONTEAV DE MER: PAR l’ordre du Duc de Longueville. Que le Gouverneur & les habitans du lieu ont fait lever. Le Te Deum chanté pour la ratification de la paix avec l'Empire: Et ce qui s’est n’aguéres passé à la Cour. , françaisRéférence RIM : M0_3670. Cote locale : A_1_20.
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LE SIEGE
MIS DEVANT LE
PONTEAV DE MER : PAR
l’ordre du Duc de Longueville.

Que le Gouverneur & les habitans du lieu ont fait
lever.

Le Te Deum chanté pour la ratification de la
paix avec l'Empire:

Et ce qui s’est n’aguéres passé à la Cour.

LE doux charme duquel me
flate depuis peu de temps,
l’espérance de la Paix, l’agreable
fruict de nostre
Conférãce, m’a fait ressembler
à cette pie de Plutarque
qui demeura huit jours
müette à méditer le son de
la trompete d’vn triumphe : Mais tandis que je
me dispose à faire part de cette joye à tout le
monde, aussi tost qu’elle sera accomplie, si ne
faut il pas vous taire entiérement ce qui se passe
de plus mémorable en ceste Cour. Où, comme
Leurs Majestez receurent il y a quelque temps,
les tristes nouvelles de la barbarie que la Chambre
basse du Parlement d’Angleterre a exercée

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sur la personne sacrée de son Roy ; dont j’ay trouvé
le récit si épouventable que j’ay pris sujet de
m’informer plus au vray de toutes ses circonstances,
pour vous donner le plus tard que je
pourray dans son estenduë vne si facheuse nouvelle,
laquelle a esté receuë par Leurs Majestez,
avec l’indignation qu’elle méritoit :

 

Ainsi furent-elles grandement réjoüies par
la ratification de la paix d’entre l’Empire & la
France, signée de l’Empéreur, & de l’eschange
des instruments de cette Paix fait entre les
Plenipotentiaires de ces deux grandes Couronnes :
lesquelles par ce moyen demeurent plus
affectionnées l’vne envers l’autre qu’ellent nont
jamais esté ennemies.

En réjoüissance de laquelle bonne nouvelle,
qui vray-semblablement nous en va bien produire
d’autres, Leurs Majestez en firent solemnellement
chanter leTe Deum,dans la Chapelle
de ce Chasteau de Saint Germain en Laye, le 2
de ce mois, sur les 4 heures apres midi, en leur
présence & de Son Altesse Royale, de Mademoiselle,
du Prince & de la Princesse de Condé,
de Son Eminence, des Ambassadeurs de Portugal,
de Venise & de Savoye, du Chancelier
de France, de plusieurs Archévesques & Evesques,
entre lesquels celui d’Aire pontificalement
vestu fit les cérémonies de cette action,
où assistérent aussi les Secretaires d’Estat, & plusieurs
autres Seigneurs du Conseil & de cette

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Cour : La cérémonie ayant esté fermée par vne
musique martiale de fifres, de trompettes &
de tambours, qui disoyent aux Espagnols qu’ils
eussent à choisir ou de nous donner matiére
d’en faire autant en bref pour leur sujet, ou de
les employer bien-tost apres pour continüer
sur eux nos victoires.

 

Le jour précédent, premier de ce mois, le Comte
de saint Aignan parut devant Leurs Majestez
à la teste de trois cens Gentilshommes par luy
assemblez au tour de chez soy, de Poitou, Berry,
Solongne & Blésois, en quatre escadrons de
gens d’armes & deux de fuzeliers : le premier des
gens d’armes commandé par ce Comte, qui tenoit
la droite : le second, par le sieur de Mareüil,
qui estoit à la gauche : le troisiéme, par le sieur
de Bays : le quatriéme, par le sieur de Courbouzon-Houques :
comme les fusiliers, par des anciens
Officiers : le sieur de Corbet y faisant la
charge de Mareschal de bataille : tous des mieux
montez & au meilleur équipage qu’on eust pû
souhaiter : qui vinrent offrir leur service au Roy
en la compagnie de ce Comte, Député pour la
Noblesse du Blézois à la convocation des Estats
généraux de ce Royaume.

Le mesme jour, le sieur Zobel, Gentilhomme
envoyé en cette Cour par la Landgrave de Hesse-Cassel,
eut de Leurs Majestez son audiance de
congé, avec tous les tesmoignages de la grande
satisfaction qu’elles ont de cette vertüeuse Princesse :

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laquelle, non contante d’avoir par vne
constance sans exemple, nonobstant les promesses
& les menaces des ennemis, & les grandes
pertes que la guerre a causé en ses païs, persisté
jusques à la conclusion d’vne paix glorieuse
dans l’alliance de cette Couronne, leur a encor
envoyé offrir toutes ses troupes pour réduire
ses sujets à la raison, s’ils ne préférent les
bonnes graces de Leurs Majestez, à la qualité
de rebelles.

 

Le quatriéme, les Députez du Parlement
commancérent leur Conférance à Rüel, avec
ceux du Conseil du Roy, pour l’accommodement
des affaires : Duquel pourparler chacun
eut d’abord vne si bonne opinion, qui continuë
encor à présent, que le Roy estant allé
visiter ce jour là son Imprimerie, establie dans
l’vn des appartemens de son Orangerie de ce
lieu de Saint Germain en Laye, & Sa Majesté
selon l’inclination qu’elle a à toutes les belles
inventions, ayant voulu faire imprimer quelque
chose, ne se trouvant rien lors qui eust vn
sens complet pour luy dõner ce divertissement,
sans l’ennuyer par trop de longueur, celui à qui
Leurs Majestez ont donné la dirrection de cette
Imprimerie dicta sur le chãp quelques vers faits
sur le sujet de cette heureuse & inopinée venuë,
qui furent aussi promptem?t imprimez : D’vne
partie desquels les Courtizans ayans eu plusieurs
exemplaires, je ne vous les repétéray point,

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mais vous feray seulement part de l’autre, que
leur impatience laissa sous la presse.

 

 


I’accepte cet augure en faveur de l’Histoire,
Qu’à l’instant que Paris se met à la raison,
Mon Prince visitant sa Royale maison,
Va fournir de sujet aux outils de sa gloire.
Embrassez-vous François : Espagnols à genoux
Pour recevoir la loy : car la Paix est chez nous.

 

En suite dequoi, ce Prince élevé par son sage
Gouverneur le Mareschal de Villeroy (là présent
avec le Sieur de Villequier Lieutenant général
en ses armées & Capitaine de ses Gardes, le sieur
de Bellingham Premier Escuyer, le Comte de
Nogent Capitaine des gardes de la Porte, & plusieurs
autres Seigneurs & Gentilshommes de sa
Cour) & instruit en toutes les vertus Royales,
sur tout en la libéralité, qui en est la principalle,
recompensa plus magnifiquement le travail
d’vn quart d’heure de ses Imprimeurs que
celuy de huit jours ne l’éust esté par d’autres.

Quelques jours auparavant le Mareschal de
Rantzau fut icy arresté par ordre du Roy, dont
l’on n’a pas trouvé à propos de publier encor
le sujet.

La levée du siége de Ponteau de mer investi par huit
cens hommes de pied & quatre cens Chevaux
du Duc de Longueville.

C’Est quelque chose de se bien deffendre
mais quand la valeur se trouve en des bourgeois

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dont on ne l’attendoit pas quand des gens
non aguerris & qui ne s’attendoi?t à rien moins
qu’à quitter leur trafic pour prendre les armes,
s’en acquittent aussi bien que s’ils estoient
de longue main expérimentez au fait de la
guerre, c’est plus de loüange, & vn tesmoignage
qu’on ne peut desormais douter de leur affection
envers leur Prince. Ce que vous allez
aprendre des habitans de Ponteau de mer, ville
de Normandie n’aguéres réduite au service du
Roy par le Comte d’Harcourt.

 

Tandis que ce Prince se maintenoit dans cette
Province, par la réputation de son courage
& de sa conduite jointe au respect qu’imprime
le parti Royal dans les cœurs du party contraire,
qui ont empesché le Duc de Longueville
de prendre aucun avantage sur luy, bien que le
renfort qu’il attendoit ne l’eust pas encor joint
comme il a fait depuis, à sçavoir le sixiéme de
ce mois.

Le sieur de Chamboy Capitaine Lieutenant
de la compagnie des gens-d’armes du Duc de
Longueville ayant choisi la nuict du deux au
troisiesme de ce mois pour n’estre point aperceu
au dessein qu’il avoit d’attaquer cette ville
de Ponteau de mer, il s’y rendit des la pointe
du jour du troisiesme à la teste de quatre cens
Chevaux & de huict cens hommes de pied.

Aussi tost qu’il fut arrivé il fit sommer le sieur

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de Folleville Mareschal de camp, que le Comte
d’Harcourt y a laissé pour commander, de lui
rendre la place, & voyant qu’il ne lui respondoit
pas à son gré, le fit sommer vne seconde fois :
à laquelle sommation ce Gouverneur lui ayant
respondu à coups de mousquet, ledit sieur
de Chamboy logea son infanterie dans le fauxbourg,
& fit ataquer les premières barricades,
mais ce Gouverneur estant sorti avec soixante &
dix soldats du régiment qu’il commançoit à lever,
il leur dit,Compagnons, si vous voulez que
je vous croye capables de servir le Roy, comme vous
me l’avez tous asseuré, il me faut montrer icy ce que
vous sçavez faire : dequoy vous voyez bien que j’ay
bonne opinion, veu que je me mets à vostre teste, sans
vous avoir veu encor l’épée à la main.Paroles, qui
animérent tellement ces nouveaux soldats,
qu’ils se jettérent à corps perdu sur les ennemis,
en tüérent quinze ou vingt sur la place, & donnérent
la chasse au reste.

 

Toutefois cette disgrace n’empescha pas que
le sieur de Chamboy, voulant tenir parole au
Duc de Longueville, ne fist encore quelques attaques
en d’autres lieux : mais ils furent si bien
repoussez par les bourgeois du lieu, desquels ils
pensoyent avoir meilleur marché, qu’ils n’avoyent
eu des premiers, que le grand feu que
firent ces braves habitans, de leurs murailles
& de leurs barricades, contraignirent ledit

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sieur de Chamboy & toute son infanterie & cavalerie,
qui avoit mis pied à terre, à se retirer cõme
auparavant, & ceux cy à remonter sur leurs
chevaux, pour se sauver avec plus de diligence :
non sans quelque honte d’avoir fait battre par
des bourgeois, des troupes enrollées, en vn si
grand nombre contre vn régiment non encore
parfait, les prémiers ayans particuliérement
donné des marques de leur fidelité & affection
au service du Roy, & le Comte d’Harcourt
n’ayant point esté obligé pour secourir cette ville
là de quiter son quartier de la Haye Malerbe,
d’où l’on nous a escrit ces nouvelles le cinquiesme
de ce mois.

 

Imprimé à Saint Germain en Laye, le dixième Mars
1649. Avec privilége du Roy. 

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Anonyme [1649], LE SIEGE MIS DEVANT LE PONTEAV DE MER: PAR l’ordre du Duc de Longueville. Que le Gouverneur & les habitans du lieu ont fait lever. Le Te Deum chanté pour la ratification de la paix avec l'Empire: Et ce qui s’est n’aguéres passé à la Cour. , françaisRéférence RIM : M0_3670. Cote locale : A_1_20.