Anonyme [1649], LE SVBIET DV SECOVRS PROMIS PAR L'ARCHIDVC LEOPOLD A LA VILLE DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_3730. Cote locale : C_10_22.
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Le secours promis par l’Archiduc
Leopold à la Ville de Paris.

CEVX qui s’estonnent de voir nos ennemis
souples & paisibles au milieu de nos
troubles, prests à nostre defense lors
qu’ils pourroient, à les entendre, porter le fer &
le feu iusqu’au cœur de ce Royaume, sont fort
mal instruits des affaires d’Espagne, & penetrent
bien peu dans leurs desseins, & de fait s’ils auoiẽt
quelque connoissance de l’Estat où ils se voyent
à present reduits, ie ne pense pas qu’ils portassẽt
de si sinistres iugemens sur l’offre que l’Archiduc
Leopold a fait au Parlement de Paris de le secourir,
s’i iuge ses forces assez considerables pour
cela : Car quoy qu’il soit vray que l’estranger recherche
tousiours l’agrandissement de ses possessions
par le bruit de ses armes aux dommages

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de ses voisins siens ennemis, si est-ce neantmoins
qu’il est quelque fois plus à propos de conseruer
son bien que d’en marchander la perte par la
poursuitte d’vn gain imaginaire, & par l’esperance
d’vne victoire incertaine qui ne seruiroit,
peut estre, qu’a haster sa ruine & entiere subuersion
de ses Estats. C’est vne consideration qui
a serui autrefois de puissant aiguillon aux plus
ambitieux pour les retenir & empescher d’entreprendre
la conqueste des autres pays de peur de
perdre celuy qu’ils gouuernoient, & cela mesme
joint au soulagement des pauures peuples oppressez,
qui gemissent depuis si long temps sous
le pesant faix de la guerre, sert aujourd’huy de
motif au Roy d’Espagne pour l’induire à rechercher
la paix bannie depuis douze ou quinze années
hors des Royaumes de France & d’Espagne
pour y establir le siege d’vne guerre, qui n’a fait
que les consommer & rendre quasi impuissants
de contre carrer les efforts des ennemis de la
Chrestienté, lesquels le Roy d’Espagne principalement
doit arrester pour ses interests, s’il ne veut
que ses terres soient bien tost sous la domination
du Sultan, outre que l’injure qu’il a receue ensemble
auec tous les autres Souuerains en la

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morr tragique du Roy d’Angleterre, l’oblige à
la vangeance ? & le pousse fortement à ioindre
ses armes auec la France pour chastier ce peuple
parricide don l’attentat fait horreur à toute la
terre.

 

Il est partant vray que cette raison seroit bien
foible si elle estoit feule, & ie ne pense pas
qu’elle peut estre capable d’esmouuoir l’Espagnol,
iusqu’à luy faire quitter ses entreprises
& auorter les desseins qu’il a de nous nuire, s’il
ny estoit forcé d’ailleurs. Comme vous verrez en
la suitte de ce discours, recueilly de la lettre d’vn
des principaux de sa Cour, que i’ay autresfois fort
fa milierement frequenté es Pays Bas, lors que
nous iouissions encor du bon-heur de la paix.
Voicy comme il en parle.

I’ay appris que vostre Cour de Parlement de
Paris, auquel nostre Roy auoit fait proposer la
paix, comme au Corps le plus sain de la France
sous la minorité de vostre Prince & l’heureuse
Regence de sa mere, auoit tenu pour suspect
l’offre de sa Majesté Catholique, ne pouuant se
persuader que de si puissans ennemis, animez l’vn
contre l’autre depuis tant d’annees, peussent se
rallier qu’asi en vn instant, & se prester secours

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mutuellement contre la tyrannie des mauuais
ministres, qui sont les pestes des Royaumes, &
les bourreaux des peuples : mais ie vous puis bien
asseurer ayant l’honneur des bonnes graces du
Roy d’Espagne nostre Site, & participant à ses secrets
autant qu’aucun autre, que vous ne deuez
auoir aucun ombrage de ce costé là & qu’il agit
sincerement dans ce rencontre. Comme vn bon
Prince las & recrus du trauail de ses peuples
doit faire ; aussi n’est ce pas sans suiet qu’il se voit
contraint de s’humilier à vous demander la paix
pendant vos diuisions, puisque son dessein n’est
autre que d’esteindre par ce moyen les combustions
qui vont deuorant son Royaume par
l’intrigue de quelques mutins mal-contens, qui
sont reuoltés contre sa Maiesté. Nous sommes
bien informés des troubles suscitez en
France par les adherans du Cardinal Mazarin,
qui nous a voulu souuentefois donner
beau jeu à vos despens, mais la fortune
que vous auez tousious experimenté fauorable
en vostre endroit, a encore secondé vos desseins
en cette occasion, bouleuersant tellement l’Estat
de nostre Souuerain, que peu s’en est fallu
qu’il n’ait esté la dépoüille de cette infidelle Les

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ennemis domestiques du Roy d’Espagne sont tels
qu’il est necessaire de pacifier audehors pour y resister
autremẽt sa Majesté Catholique ne se déueloppera
iamais des pieges que l’on luy tend tous
les iours, dont la crainte ébranlant auec iuste
raison son courage, luy a fait depescher Couriers
expres vers l’archiduc Gouuerneur des Pays Bas,
(que l’on tenoit hier à 8. lieues de Paris pour assuré)
pour luy donner commission de traitter auec
la France, si tant estoit qu’elle voulust entendre
à vn accord, luy commandant à cét effet prester
main forte & secourir de tout son pouuoir sa
Majesté tres-Chrestienne, dont vostre Cour
de Parlement soustient l’authorité que le Cardinal
Mazarin tasche d’ébranler pour s’agrandir &
affermir sa fortune, le commandement à étonné
d’abord son Altesse, qui voyoit vne belle moissõ
preste à recueillir dans la Flandre presque sans
aucun obstacle, toutesfois l’authorité de son
Roy iointe à la necessité du temps luy a fait plier
le col, & laissant ses entreprises vous enuoyer
par ordre de son prince & du Conseil d’Espagne
proposer la tresue ou la paix. En quoy certes il
s’est comporté plus genereusement qu’il auoit
de moyens de vous nuire comme vous pouuez

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voir, n’y ayant aucune ville sur la frontiere, dont
la garnison fust bastante de resister à son armee.
Il est vray toutesfois que c’est le chemin le plus
court pour desliurer sa Maiesté Catholique &
chastier les rebelles de ses Estats, d’autant que
ayant pacifié auec la France & secouru le Roy
contre ses mauuais suiets il pourroit en suitte librement
passer de France en Espagne auec vn secours
notable qu’il auroit suiet d’esperer de sa
Maiesté Tres Chrestienne, si elle s’estoit auparauant
seruie de ses forces. Ce dessein a donné lieu à
l’Ambassade qu’il a enuoyee à la Cour de Parlement,
outre que sa Maiesté Catholique a conceu
vne telle horeur de la mort funeste & tragique
du Roy de la Grande Bretagne, qu’elle en a
iuree la vengeance aussi tost qu’elle aura mis ses
Estats en repos, l quel elle à promis de rechercher
à l’aduantage mesme de ses ennemis, comme
vous le voyez maintenant, vous offrant la
paix aussi aduantageuse pour vous que si vous
auiez vne armee de cinquãte mille hommes preste
à fondre sur nous : cela me fait esperer que la
Cour en acceptera des offres, & moy, &c.

 

Voilà succinctement vne partie des raisons qui
ont induittes l’Espagnol à nous proposer vn accommodement :

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mais il semble qu’il y a esté aussi
pressé ; parce qu’il a reconnu que nous n’estions
pas tellement diuisez que nous ne puissions en
moins de trois iours ioindre nos forces ensemble
pour leur courre sus & couronner en vn momẽt
toutes les victoires que nous auons remportees
depuis le commencement de la guerre. Toutesfois
ie ne laisse pas de faire des veux pour la paix
& prie Dieu qu’il nous la donne stable & ferme.
Ainsi soit il.

 

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