Anonyme [1652], LE SYNDIC DV PEVPLE FRANÇOIS, ESLEV PAR MESSIEVRS LES BOVRGEOIS DE PARIS AV ROY. Luy representant les Intrigués, Fourberies, Carracteres & Magies, que le Cardinal Mazarin s’est seruy pour troubler l’Estat de tout son Royaume; Et comme il est indigne d’estre Ministre d’Estat, ny Cardinal. Auec vne representation de l’Estat François sous les Fauoris, à accomparer, tant du commancement du Reigne de Louys 13. que Dieu absolue, que du Reigne d’apresent. , françaisRéférence RIM : M0_3742. Cote locale : B_11_36.
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LES INTRIGVES, FOVRBERIES,
Carracteres, & Magies,
du Cardinal Mazarin, dont il
s’est seruy pour troubler l’Estat de
toute la France.

CHARACTERE, c’est à dire marque,
ou impression. Ce mot a plusieurs
significations differentes & metaphoriques,
tantost il est employe aux
choses sacrées, comme quand l’on dit le
Caractere de Prestrise, d’Euesque, ou de
Cardinal, pour signifier la façon par laquelle
ils sont ordonnez en ces dignitez,
Ca puissance qu’ils y reçoiuent, & l’authorite
spirituelle qui leur y est donnée. On le
transporte aussi aux choses prophanes,
comme quand on veut parler auantageusement
d’vne impression, ou d’vne escriture,
on dit, Voila vn beau caractere.
L’impression d’vn cachet, ou de quelque
moule que ce soit en relief, ou en fond se

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nomme pareillement charactere. Mais sa
derniere signification, qui est odieuse &
detestable pour ses fonctions, est de certains
billets enchantez que le diable donne
à des personnes perduës & miserables
qui font des pactions auec luy pour arriuer
à quelques desseins, les vns afin d’estre
bien-heureux dans les armes, pour n’en
estre point blessez, ou y remporter tousiours
l’aduantage contre ceux auec qui ils ont
quelque different. Les autres s’en seruent
pour estre bien aimez des Dames, & violer
leur pudicité ; pour posseder des richesses
ou des honneurs en ce monde, selon que
leur conuoitise leur en fait desirer, ou que
l’occasion s’en pût offrir d’elle-mesme.
Toutes ces sortes de billets s’appellent charactere,
tant parce qu’ils font escrits de la
main des hommes, qu’à cause des Demons,
apres les execrables ceremonies qui
y sont requises, leur donnent ces proprietez
& ces vertus, pourattirer à foy les ames,
& les faire trebucher auec eux au fond des
Enfers. Ce n’est pas icy mon intention de
prouuer, si ces sortes de magie ont quelque
effet veritable en elles-mesmes, ou si leur

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pouuoir n’est qu’imaginaire, ny de faire
voir si ceux qui reüssissent en ces actions
malheureuses en doiuent le remerciment à
ces charmes : D’autres en ont écrit assez
doctement pour ne laisser point de doute
que les Demons n’ont rien perdu du pouuoir
qu’ils auoient auparauant leur peché,
& qu’ils n’ont changé d’estat qu’au regard
de leurs peines & de leurs supplices, &
qu’au reste ils sont demeurez si puissants,
que le moindre pourroit conuerser tout le
monde en vn seul clain d’œil, s’il n’en
estoit empéché par la main toute-puissante
de Dieu. L’Escriture saincte le fait voir
assez clairement en la personne de Iob, lors
que Dieu prescrit au Demon les bornes
qu’il ne vouloit pas qu’il passast en touchant
la personne de ce sainct ; car il est à
croire que le diable par la ialousie qu’il
auoit sur luy, l’eut exterminé tout à fait, si
Dieu ne luy eut point deffendu. Cela se
pourroit encore prouuer par plusieurs Histoires
escrites par des hommes dignes de
foy, & qu’on ne sçauroit recuser, puis qu’ils
en ont veu : Tel est le grand Chancelier de
Marseille. Monsieur du Vair, qui rapporte

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des choses prodigieuses d’vn Prestre
de cette ville-là, nommé Gofredy. Ie me
contenteray de ce témoignage, pour ne
me pas esloigner dauantage de ce me suis
proposé dans cét esprit, qui est de faire
voir deux sortes de Characteres estrangement
differents, qui se rencontrent en la
personne du Mazarin, & de prouuer par
de veritables raisons qu’il est indigne du
premier, & qu’il est sans doute coupable
de l’autre par la suite de ses actions, & par
ses damnables procedez pour monter aux
honneurs & à la puissance, où il est obliquement
arriué.

 

Le Cardinalat est la dignité la plus sublime
& la plus releuée de toute l’Eglise
Romaine, aussi pour se rendre capable d’vn
si grand honneur doiuent-ils estre aussi
sçauans que le Cardinal Dossal, & aussi purs
& aussi nets de peché que sainct Charles de
Borromée, ils sont proprement dans le
spirituel, ce que les Cheualiers de Malte
sont dans le temporel, & dans le mestier de
la Guerre ; car ils sont establis pour soustenir
courageusement la Foy : Que si hors
des persecutions des Tyrans, ils seruent

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d’ornement & de courtisans spiritúels à la
Cour du Pape, au temps de douleur & de
passion, lors qu’il arriue que la Foy est persecutée,
ce sont eux qui doiuent les premiers
confondre & par leur doctrine, &
par l’effusion de leur sang, ceux qui les
viendroient attaquer, ce que veut leur signifier
cette pourpre eclatante, dont on
les a reuestus, qui ne leur doit pas dauantage
seruir d’ornement, que d’instruction
pour se preparer eu combat. Ils sont
à l’esgard du Pape, ce que les Princes & les
Nobles sont auprés des Roys, & dautant
que la maison du Pape ne se peut entretenir,
ny reparer par la generation des en fans,
puis qu’on y garde vn celibat eternel, & que
la continence doit estre parmy eux comme
parmy les Anges purs & nets de toute sorte
de crime ; il est necessaire que les fils aisnez
de l’Eglise s’engendrent spirituellement,
& d’vne façon qui approche de la Diuinité
mesme, & qui ne s’en esloigne que le molns
qu’il luy est possible, & en tant que l’humaine
fragilité le permette. Ioint que puis
qu’il est vray que c’est de leur saincte compagnie
& de leur sacré College d’où les

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Papes sont choisis & tirez par l’inspiration
de Dieu mesme, & qu’il n’y en a pas vn
parmy eux qui ne puisse estre esleu pour
estre le Vicaire de Dieu sur la terre : ils doiuent
aussi s’efforcer de s’en rendre dignes,
& leur plus gaand soin doit estre qu’ils
soient dans l’Eglise comme des flambeaux
allumez pour l’esclairer, & pour seruir aux
fideles d’exemple d’vne bonne vie & de
sainctes actions. Mais, ô ! prodige, ô
monstre horrible ! que peut-on reconnoistre
en la personne de Mazarin, qui fasse
voir vne seule marque de toutes ces choses ?
Quelle aparence de saincteté ou de deuotiõ
a-t’il iamais fait paroistre aux yeux de la
France ? C’a esté presque son premier grade
& sa premiere dignité, lors qu’il fut fait
Cardinal, en quoy son auarice & son ambition
ont paru en mesme temps, & aussi-tost
l’vn que l’autre, car lors qu’il a mis le
pied dans la France, il n’auoit pas encore
beaucoup de fond ny de reuenu, il a esclatté
tout d’vn coup si fort, qu’il a fait voir aisément
que son ambition ne tendoit
qu’aux biens & aux dignitez, puis qu’il
auoit eu si peu de temps pour s’en acquerir

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de si grandes, & de si excessiues, comme il
est requis à vn Cardinal d’en auoir, pour
se maintenir dans vne si esclattante fortune.
O ! grand Prince, qui estes maintenant
dans le Ciel, & qui voyez icy bas ce
qui s’y passe au desauantage de vos enfans
& de vostre France, si vous auiez sceu ce qui
deuoit arriuer, vous vous fussiez bien gardé
sans doute, de causer tant de felicités &
tant de biens à vn homme qui s’en est rendu
si indigne apres vostre mort ; & c’est
vn loup que vous aués nourry, pour estrangler,
s’il faut ainsi dire, toute vostre posterité,
si elle n’en estoit conseruée par vne
grace speciale de Dieu Tout-puissant, qui
maintient les Roys, & qui les deffend contre
les outrages de leurs ennemis. Encore
trouuay ie que les Loups sont plus humains
mille fois que ce meschant, puis qu’on a
veu vne Louue donner du lait à Remus &
à Romulus, & les auoir esleués quelque
temps, & iusques à ce qu’ils luy fussent arrachez
de force. Mais, grand Roy, pardonnez-moy
s’il vous plaist, ie sçay que
vostre bonté naturelle vous a porte à luy
vouloir tant de bien, & que vous n’eussiés

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iamais pensé qu’vne personne qui vous
auoit tant d’oblations, & qui deuoit reconnoistre
vos bien-faits par des seruices
sans nombre, que vous luy donniés moyen
de vous rendre, se soit comporté si laschement
à la reconnoissance, & au soin particulier
qu’il deuoit auoir des vostres que
vous luy aués laissé en mourant pour les
proteger, & pour les deffendre contre toutes
sortes d’iniures. N’est-ce pas là, ie vous
prie, vn commencement de bonne fortune ?
Ne sont-ce pas là des marques & des
caracteres d’vn Cardinal deuotieux &
sainct tout ensemble ? mais venons au
reste.

 

L’ingratitude & la méconnoissance
sont vn vice véritablement à blasmer, c’est
pourtant le moindre que ie remarque
dans le Mazarin, son auarice passe infiniment
plus auant, car lors qu’il s’est veu
dans le pouuoir de prendre impunément à
toutes mains, il ne s’est pas seulement
ietté sur l’Estat, mais il a vollé effrontément
le bien de l’Eglise, il n’a pas espargné
les lieux Saincts, il a pillé les Autels. La
collation des Benefices de France luy auoit

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esté donnée par le feu Roy, apres le trespas
du Cardinal de Richelieu, il a si bien imité
celuy à qui il auoit succedé, que contre
tout droit diuin & humain, il s’est attribué
tout ceux qu’il a reconnus estre du plus
grand reuenu ; de sorte qu’il possede plus
tout seul en biens de l’Eglise, que tout le
reste des autres beneficiers. Il a mesme esté
si plein d’audace & de temerité, qu’il auoit
pretention sur l’Abbaye de sainct Denis,
qui appartient à Monsieur le Prince de
Conty ; & si ce n’eust esté la consideration
de la race Royale dont il est sorty, sans
doute qu’il luy auroit vsurpé ? N’est ce pas
là vne auarice insatiable & la plus dangereuse
à l’Eglise, qui ait iamais esté remarquée.
Est ce le deuoir de l’executeur d’vn
testament, de s’attribuer le plus beau & le
meilleur du bien qu’on luy a mis dans les
mains. Le bien de l’Eglise est vn testament
des bonnes ames, qui luy ont departy de
leurs biens pour entretenir les Ministres
qui la seruiront, & ce bien doit estre si religieusement
dispensé, qu’on ne se departe
point de l’intention des testateurs, qui n’a
iamais esté autre que de donner aux Ecclesiastiques

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le moyen de seruir Dieu & l’Eglise,
en leur fournissant raisonnablement
ce qui est necessaire à leur entretien,
& selon leur condition. D’où il s’ensuit
que la pluralité des benefices est vn grand
peché contre Dieu & contre ceux qui les
ont dottez : car le moyen qu’vn homme
seul puisse s’acquitter de plusieurs deuoirs
ausquels il se verra obligé. De plus c’est
vne chose asseurée par les Statuts mesme
de l’Eglise, & il est sans doute aussi tres-conforme
à la raison, que ce qu’vn beneficier
a de trop apres vne despense raisonnable
& conforme à sa condition, qu’il
en doit donner le reste aux indigens, puis
que le bien de l’Eglise c’est le bien des pauures.
Voicy vne pierre d’achoppement
bien grande pour le Cardinal Mazarin : Il
s’est tousiours fait voir si peu charitable,
tant pour les pauures, que pour les personnes
de merite & de lettres, qu’il n’a
iamais fait de bien, au contraire, il leur a
fait retrancher les liberalitez du feu Cardinal
Duc de Richelieu, qui faisoit bien paroistre
en ses actions vne autre manificence
que luy. A quoy donc pouuez-vous

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croire qu’il ait employé peut-estre plus de
deux ou trois cens mille liures qu’il retire
de ses benefices, si ce n’est vne partie en des
despenses excessiues, vne partie à amasser
des thresors, & à mettre de l’argent aux
banques, tant en France que dans les paїs
estrangers. Dauantage il s’est rendu cõme
maquignon. Vray Dieu, de quel mot
faut il me seruir ! Oüy, il s’est rendu comme
maquignon des benefices qu’il ne s’est
pû reseruer, il y a mis dessus des pensions
& des rentes, qu’il a retirées tous les ans,
comme d’vn heritage qui luy eust esté laissé
de son pere. Il en a conferé quelques-autres,
& ceux-là sont dans vn grand
nombre, aux fils de ses confidens, & des
Monopoleurs qui se sont entendus auec
luy, de sorte qu’vn Maltotier, qu’vn donneur
d’aduis, vn aposté de Mazarin a d’ordinaire,
vn enfant Abbe dans le ventre de
sa mere, & en sort tout mytré & tout reuestu
des Ornemens de l’Eglise. I’ay veu
mesme des ignorans, & beaucoup de vicieux
en estre pourueus. Est-ce pas là administrer
comme il faut le bien de sainct
Pierre, que luy & tant d’autres Saincts

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qui luy ont succedé en sa charge, ont acquis
auecque leur sang, & que Iesus-Christ
mesme s’estoit acquis auparauant auec le
prix de sa mort. O le digne Cardinal ! ô le
iuste œconome, de ce qu’il a seulement
dans les mains, & qui est moins à luy qu’à
tout autre.

 

Pour faire paroistre qu’il n’est pas meilleur
mesnager, des autres biens que des Ecclesiastiques
& sacrés, considerez ie vous
prie de quelle façõ il a gouuerné l’Estat de
la France, depuis qu’il en a esté fait le Ministre.
Ie n’aurois que faire d’en parler, si
mon suiet ne le demandoit, & ne m’en
fournissoit l’occasion. Ce que i’en diray
donc ne sera rien qu’en passant, puis que
chacun voit assez par experience les malheurs
& les extremitez qui nous accablent
auiourd’huy sous le faix de sa tyrannie &
de son mauuais deportement. La France
estoit vne des plus riches contrées de toute
l’Europe, comme l’Europe l’est de tout le
reste du monde, lors que ce Ministre admirable,
& que l’on nous a esté chercher
dans vn pays estranger comme vne chose
rare & precieuse a pris le timon de tout le

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Royaume, & bien que le Cardinal de Richelieu
l’eut desia beaucoup espuisé de richesses,
il auoit si bien fait neantmoins
que rien n’en estoit sorty, & que l’argent
n’auoit point changé de terre, ny de
paїs. Au contraire depuis l’administration
du Mazarin, nostre monnoye qui n’estoit
point encore presque sortie dans les paїs
estrangers, s’est mise à voyager dans l’Italie
& ailleurs, par le moyen du Mazarin
qui lui a fourni de passe-ports asseurez pour
lui en faire entreprendre le voyage, & ne
luy en enuoyera iamais pour en reuenir.
Aussi void on que le Roy mesme, & tous
les particuliers, excepté les Partisans & les
Maltotiers, en ont auiourd’huy si peu, que
chacun est contraint de s’en plaindre, depuis
le plus petit iusques au plus grand.
Le reste de l’administration du Royaume,
n’est pas en meilleur estat que celuy de l’argent
& des finances, il n’y a plus d’ordre,
& la belle Astrée a esté contrainte de ce
retirer, voyant qu’elle ne trouuoit plus
d’appuy parmy nous, car on y punit, comme
ont dit, les petits volleurs, mais on y
recompense les gros, celuy qui sçauot

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dõner de meilleurs aduis pour l’opression
du peuple, pourueu qu’il remplit sa bource
& celle du Mazarin, estoit bien venu dans
la Cour, d’vn Laquais, ou d’vn petit Clerc,
il estoit fait tout aussi tost honneste homme,
& dans vn bien peu de temps les Baronies
& les Comtez luy estoient acquises
à beau prix d’argent. La Noblesse suiuoit
bien-tost apres, & il s’entretenoit de tiltres
plus anciens que la Lune, & plus clairs
mille fois que le Soleil. Ce sont là les belles
administrations d’vn Ministre, dont l’esprit
est iudicieux, les pensées releuées dessus
les Estoiles & les paroles dignes d’estre
remarquées, témoin la comparaison des
Gans, aussi que s’ensuit-il de toutes ces
rares perfections, que des sottises manifestes,
& les actions aussi peu conformes
à la raison, qu’elles nous sont profitables.
Qu’en est il autre chose que des enleueméns
tyranniques, des guerres parmy les
Princes du sang, & parmy le peuple des
dissensions, des meurtres & des carnagés,
qui saigneront aussi long-temps, qu’il
pourra se trouuer des hommes qui se ressouuiendront
de ces choses. Dieu face par

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sa bonté & par sa misericorde, que nous
n’ayons plus de nouueaux Suiets de plainte,
& ce soit auiourd’huy l’acheuement de
nos maux, comme la fin de celuy qui les a
causez.

 

Entrons dans vne autre consideration,
& disons, que comme toutes les actions
parlent plustost de l’ignorance de l’homme
que de sa malice ; Mazarin n’en doit pas
estre si coupable que de ce que nous allons
prouuer contre luy. Il y a des choses qui
semblent ne se pouuoir faire naturellement,
& bien que par vn hazard qui ne se
void point d’ordinaire, il arriue qu’il s’en
fait de prodigieuses, il faut auoüer toutefois
que la meschanceté de quelques vns
en a fait vn art & des regles. Ce n’est pas
d’auiourd’huy que les incantations sont
en regne, comme nous le lisons dans les
plus anciens Poetes,

Nescio quis teneros oculus mihi fascinat
agnos, dit Virgile & Ouide, par tout dans ses
vers, & principalement dans ses Amours,
en parle comme de chose ordinaire en son
temps, & mesme l’Escriture Saincte en

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parle en quelques lieux. Mais ce n’est pas
de nostre suiet, nostre intention est de iuger,
si ce que Mazarin à fait n’a point passé
les regles ordinaires de la nature, ou s’il
a employé quelque art diabolique, pour
venir à bout de ses entreprises. Il y en a
eu d’autres deuant luy qui en ont esté soupçonnez,
desquels il le peut auoir appris,
ioint qu’il est certain qu’il a enuoyé expres
en Allemagne pour consulter les
meilleurs Maistres en ce mestier-là,
car il s’y en trouue dauantage, & de
plus subtils que non pas en France, où
les sortes d’exercice, Dieu mercy, ne
sont pas en regne. Il s’en est trouué qui
ont voulu dire que la mort du Roy deffunct
estoit prouenuë par sort, aussi il
n’y a point d’apparence qu’vn si grand
Monarque eut vn corps si infect & si
sale, que de produire des vers aussi gros
& aussi longs deux fois que les doigts,
& prodigieusement velus, auecque des
testes qui leuoient plustost du monstre,
que d’aucune autre figure qui eust iamais
esté veuë. Ce que les Medecins ont iugé
eux mesmes, comme ie l’ay ouy dire à vn

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des plus fameux de ceux qui furent appellez
à vne consultation que l’on fit sur cette
maladie inouye & espouuantable. Disons
donc que le Mazarin sans doute s’est
seruy de quelqu’vne de ces sortes de magies,
pour arrester l’esprit des plus grands
à le vouloir soustenir, qui sans cela n’ont
aucune raison apparente de le supporter
à la perte de tant de milliers de personnes,
& de tous les biens de la terre, qui
nous donnent vn extreme regret de les
voir perir, estant si beaux par tout le
Royaume, & en si grande abondance.
Qui a iamais veu qu’vn miserable suiet
ait eu la puissance d’enleuer vn Roy de
son Louure, & le promener par tout son
Royaume, pour y voir des tragedies horribles
par la ruine des peuples, & estre
luy-mesme l’executeur de tous ces desordres ;
que des particuliers se ruinent
de bon gré & de guet à pent, pour escorter
ce meschant en tous ses desseins
temeraires, & que ceux mesmes qui ont
agy contre luy par vn pouuoir souuerain,
se retiennent eux-mesmes la bride, & ne
veulent point passer outre. N’est-il pas

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asseuré que toutes ces choses-là ne se font
que par Characteres & Magies, & par incantations.
Mais courage pauures François
desolez, courage encore vne fois, il
est bien aisé de iuger que voicy le temps
qui approche, auquel ce malheureux verra
finir tout d’vn coup le temps de ses pactions,
& que Dieu ne permettra point
dauantage qu’il puisse exercer ses meschancetez,
en ouurant l’esprit de ceux
qu’il a tenu si long-temps dans l’erreur,
& les remettant de leur esblouyssement.
Ie prie Dieu que cela puisse bien-tost arriuer,
nous luy en rendrons graces de
bon cœur, & receurons ce bien-fait,
non point comme des mes-connoissans,
mais comme de bons & de veritables
Chrestiens.

 

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