Anonyme [1652], LE TABLEAV DES MISERES DE LA FRANCE. EN VERS HEROIQVES. , françaisRéférence RIM : M0_3745. Cote locale : B_20_1.
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LE
TABLEAV
DES MISERES
DE LA
FRANCE.

EN VERS HEROIQVES.

A PARIS,
Chez IACOB CHEVALIER, prés Saint Iean
de Latran.

M. DC. LII.

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LE
TABLEAV
DES MISERES
DE LA
FRANCE,

EN VERS HEROIQVES.

SONNETS SVR CE SVIET.

 


FRANCE qui n’es plus rien que l’ombre de toy-mesme
Squelette decharné qui n’as plus que la peau,
Cadaure infortuné prest d’entrer au tombeau,
Et qui vois de ton front tomber le Diadesme.

 

 


A te voir aujourd’huy si deffaite & si blesme,
On croit qu’vn Estranger qui se rend ton bourreau,
Par vn indigne affront te tient sous le cousteau,
Et mesure sa rage à ta foiblesse extréme.

 

 


Mais France s’il est vray que tu feis autrefois
Trembler tout l’Vniuer par tes fameux exploits
Tente en ce desespoir vn effort magnanime,

 

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Et renuersant le Prestre, & la Coupe & l’Autel,
Fay que ton ennemy deuienne ta victime,
Et qu’il tombe à tes pieds frappé d’vn coup mortel.

 

SVR LE MESME SVIET.

SONNET.

 


CHAMPS iadis si feconds changez en Cimetieres
Maisons dont le débris irrite les Passans,
Soldats non plus Soldats, mais Lyons rauissans,
Dont la fureur détruit des Prouinces entiers.

 

 


Triste abandonnement de nos villes frontieres
D’estouffer nos malheurs, bataillons impuissans,
Et toy fier appareil de nos maux renaissans
Qui remplis nos Vallons & couures nos Riuieres.

 

 


Objets d’horreur, d’effroy, de honte & de conrroux,
En ce cruel estat, que nous figurez-vous ?
Dures extremitez ou la France est reduitte

 

 


Nos vœux & nos efforts sont icy superflus
Puisqu’elle n’a Conseil, Prudence ny Conduite :
Nostre salut consiste à n’en n’esperer plus,

 

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SVR LE MESME SVIET.

SONNET.

 


VOY ce Ciel foudroyant, voy cette terre ardante,
France au sac destinée, & voy de tous costez
Les visages affreux des noires Deitez
Dont l’homicide main la Coupe te presente.

 

 


Voy Bollonne en ton sein de fureur escumante
Puis vien dire aux Tyrans qui troublent nos Citez :
Vous ne m’effrayez pas, mais des Dieux irritez,
Et du Ciel ennemy le courroux m’épouuante.

 

 


Quoy le Ciel ! quoy les Dieux ! s’arment dans ce dessein ?
Vous donc qui leur prestez & le fer & la main,
Pour faire que sa peine & vôtre gloire éclatte.

 

 


Lors que vous l’accablez de supplices nouueaux
De quelque tiltre vain que vostre orgueil se flatte
Vous estes ses appuis bien moins que ses bourreaux.

 

AVTRE.

 


FRANCE pense aux rigueurs de cette paix fatale
Que ton premier Ministre entretint dans ton sein
Quand ce Presomptueux eut formé le dessein
De causer de Madrit la ruyne totale.

 

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Pense en suitte aux effects de la guerre brutale
Que depuis tant de mois Iules nous fait en vain,
Et voy qu’en l’vne & l’autre vn destin inhumain
Rend ton malheur pareil & nostre perte égalle.

 

 


Inuincibles Tyrans, eternels ennemis,
Qui nous persecutez reuoltez & soúmis
Nostre malheur enfin braue vostre colere

 

 


Apres tant de malheurs & tant de maux soufferts,
Il nous importe peu dans vn choix necessaire
De perir par le fer, ou mourir dans les fers.

 

Sur le sujet des Fleurs de Lys representées
en vne des Figures de Metaphraste
Paracelse, au milieu d’vn
Buisson d’épines, ainsi qu’elles y paroissent
aujourd’huy.

SONNET.

 


CELESTES Fleurs de Lys que ie plains vostre sort
De vous voir maintenant au milieu des épines,
Dieux leur abjection vous chocque & vous fait tort,
Puisque vous estes Dieux & qu’elles sont diuines.

 

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Quel agent du Destin les maltraitte si fort,
Et dans tous nos climats cause tant de ruynes ?
Mais sans plus y risuer, ce criminel effort,
Est l’effet qu’ont produit nos guerres intestines.

 

 


Pourtant consolez-vous, ô precieuses fleurs
Vous reprendrez enfin vos aymables couleurs,
Et verrez de beaux iours apres des nuicts si sombres

 

 


Nous sommes seuls à plaindre au malheur qui vous suit
Puisque dessus nos yeux la mort espand ses ombres
Pour les tenir couuert ; d’vne eternelle nuict.

 

Sur le sujet des disgraces que Paris
esprouue maintenant.

SONNET.

 


TOY que iadis le Ciel voyoit d’vn œil si doux
Noble Idole des sens, delices de la terre,
Beau Paris, quel démon, de ton bon-heur ialoux,
Le confond maintenant dans les maux de la guerre ?

 

 


Que dis-je, c’est ton Roy, dont l’aueugle courroux
Fait bruire autour de toy mille éclats de tonnerre :
Et ce Prince qui souffre en t’addressant ses coup ;
Sçait que ton riche sein tous ses thresors enserre.

 

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Ne crain point de perir par ses actes guerriers
Ta perte destruiroit son Thrône & ses Lauriers,
Et seroit de l’Estat la ruyne derniere,

 

 


Enfin ton mauuais sort en ces mots est dépeint,
Puisque comme vn Soleil tu brilles de lumiere,
Tu peux souffrir Eclypse, & non te veoir esteint.

 

Sur le mal heur du Temps.

SONNET.

 


Est-CE vaincre, ou ceder ? est-ce mourir ou viure ?
Qu’esprouuer tant d’ennuis, tant de troubles diuers
Que de voir deuant nous tant d’abysmes ouuerts,
Et de voir chaque iour tant de perils nous suiure.

 

 


De voir que la douleur d’Absynthe nous enyure
Qu’elle adiouste cent maux à nos tourmens soufferts
Et qu’à nous voir languir dans la honte des fers,
D vn si cruel estat aucun ne nous de liure.

 

 


Peuples, c’est trop gemir sous la Loy du respect,
S’il faut trembler encor, ne tremblons qu’a l’aspect,
Et l’application du ioug qu’on nous impose.

 

 


Et puisque c’est mourir que viure si soubmis,
Apprenez que c’est viure, & pouuoir ce qu’on ose,
Que mourir pour brauer de si grand : ennemis.

 

FIN.

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