Anonyme [1652], LE TORCHE-BARBE DE MAZARIN ET DV MARESCHAL DE TVRENNE, A l’arriuée de l’Armée du Duc de Lorrainne, & leurs esperance perduës. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_3787. Cote locale : B_13_26.
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LE
TORCHE-BARBE
DE
MAZARIN
ET DV MARESCHAL
DE TVRENNE,
A l’arriuée de l’Armée du Duc de
Lorrainne, & leurs esperance
perduës.

EN VERS BVRLESQVES.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LE TORCHE BARBE DE MAZARIN
& du Mareschal de Turenne : Sur
leurs esperance perduës.

En Vers Burlesques.

 


MA Muse a si bien pris son Vol,
Que sans s’estre rompu le Col,
Elle m’a apporté Nouvelle
D’vn quidam que Iulles on appelle,
L’on sçait bien que s’est Mazarin
Qui a vn esprit de Lutin :
Mais plutost celuy d’vn Diable,
Plus hideux, & plus formidable,
Que n’est le Diable Belzebut
Que Mazarin auec luy fut.
Mais Lecteur, par trop ie t’amuse,
Ie te veux dire que ma Muse
Dedans ses Vers m’a rapporté,
Que Turenne est supplanté ?
C’est dequoy il s’en desespere
Et est tenté de se deffaire,
De se voir ainsi débusqué

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Aussi de tout chacun mocqué,
Il voudroit desia estre au diable,
Voyans estre de tous la fable
La risée & l’entretien,
Tant du jeune que de l’encien,
Qui le tiennent au cû & aux chauses
Bref l’on le berne, & l’on le gausse,
De voir que sa pretention,
Sera mise en destruction,
Car ce Coquin à la grand coste
Auoit bien conté sans son hoste,
Car à present il est tombé
Et venu luy-mesme a iubé,
Par vn beau bransle de sortie,
Car il a perdu la partie
Il s’imaginoit la gaigner :
Mais il en a beau Rechigner.
Il a eu mauuaise chance,
Sortant contre son esperance :
Car il croyoit dedans Paris
Entrer malgré grands & petits,
Et de faire vne boucherie,
Et le viol, & la pillerie,
Se faisant craindre & redouter,
Et nous faire a ses pieds ietter
Nous faisant aller a courbette,
Et nous commander a baquiette.

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Voyla ce qu’il se proposoit,
Ainsi qu’vn Fol il esperoit.
Car celuy qui se détermine,
Mettre son prochain en ruyne,
Soudain il void qu’en vn moment,
Il arriue vn grand changement,
Car il a falu sans remise,
Qu’il aye ployé ses chemise,
Craignãt qu’on ne luy ioüast vn tour
Luy a fallu quitter la Cour,
Contre son gré & son attente
Dequoy il se fasche & l’amente,
En se voyunt ainsi frustré
Il est plus honteux qu’vn Chastré,
Car luy a fallu faire gille,
Sans entrer dedans nostre Ville.
Et où iamais il n’entrera
Où le Diable l’emportera,
Plutost que dans Paris il rendre
Car l’on creueroit son gros ventre,
Encor bien qu’il auoit espoir
Dans peu temps venir nous voir,
Et chez nous faire vn habitacle,
Mais le voyla mis en basacle :
Car il n’y r’entrera iamais,
D’y venir se seroit vn Niais,
Car dans Paris l’on se propose

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D’en faire vne Methamorphose,
Si sa vie il veut conseruer,
Il deuroit bien loingt se sauuer
Nous tourner le cû en arrierre,
Et pour son mieux ne tarder guerre :
Car nous aymons certainement
Mieux les talons que son deuant.
Et que fut-il en Ethiopie
Auecque cent pieds de roupie ;
Et alors qu’en France est venu.
Que ne s’est il le col rompû ?
Mais ie dis encore vne fois
Que le Maraut est bien cageois,
Se voir creué de l’esperance
Qu’il auoit de vaincre la France,
Pour l’a perdre en dernier ressort
Mais il se trouue le moins fort :
Car ma fortune est renuersée,
Et toute ma ioye est passée,
Ie suis a present bien camus
>Faudra dire mon Oremus,
Auec vne piteuse Notte,
Bref, c’est ce qui me déconforte
De moy qui m’estoit veu si grand,
Ie n’auray plus qu’vn petit rang,
Cela me met en Resuerie,
De voir ma puissance amoindrie,

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De tous i’auray vn sobriquet
C’est pour abbaisser mon caquet,
Dequoy ce m’est vne grand honte
Le feu au visage m’en monte ?
C’est pour l’affront que ie reçois
Deuant tout le Peuple François,
Qui voyoit ma chance tournée,
En benieront tous la iournée,
Que ie seray d’auec eux party
Et voudrois que fusse sorty
De la France y a dix années :
Car elle ne seroit pas ruïnée,
Ainsi comme elle est a present
Par mon mauuais Gouuernement,
Car enfin c’estoit mon enuie
Tout perdre au peril de ma vie,
Ie n’ay voulu rien espargner
Affin que ie peusse gaigner ?
Mais a ce coup tout m’est contraire
I’ay beau en pleurer & en braire,
Iamais ie n’en viendray a bout
Fraudra que i’abandonne tout.
Bref, ma cheute sera bien lourde,
Et s’il faut que ie me resoude,
Où de bon gré où malgré moy
De n’estre plus aupres le Roy,

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Car pour moy ie me persuade
Que tout me fait mauuaise œillade,
Et tant les sages que les foux ;
Ie croy qu’ils m’aiment comme choux,
Et que les Cochons m’eussent au ventre
Ou ils me voudrois tous voir pendre,
Car en vn mot c’est leur soûhait
Que le Boureau m’eusse deffait,
Où bien que ce fusse moy-mesme,
Voylà, comme les François m’ayme.
Il est vray que si i’auois peu,
Bien plus de mal ils auroient eu,
Qu’ils n’en n’ont pas souffers encore,
Et voylà pourquoy il m’aborre,
Et maudisse l’heure & le iour
Qu’en France ie fis mon sejour.

 

FIN.

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