LE TRIOMPHE DE LA
Paille, sur le Papier.

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Sortant du Palais Royal.

Auec le pour, & le contre de l’vn, & de l’autre.

IL semble qu’il n’y ait rien de plus foible
ny de moindre valeur que la Paille, & le
Papier ; toutesfois ce sont ces deux choses
qui partagent aujoud’huy la France, & qui
par consequent doiuent estre bien fortes, &
bien considerables, ô pauure France que tu
es en piteux estat, puis que tes enfants se
coupent la gorge pour de la Paille, & pour
du Papier : mais examinons vn peu la nature,
& les qualitez de I’vn, & de l’autre pour
sçauoir qui le doit emporter dans vne querelle
de cette importance.

Si nous en croyons les Philosophes la matiere
de toutes les choses sublunaires est la
mesme, il n’y a que les formes qui les distinguent :
ses formes sont ou naturelles ou artificielles,
les vnes, & les autres mettent de la
difference dans les suiets ou elles se rẽcontrẽt.
La Paille, & le Papier ne sont donc differents
que par leur forme, voyons donc

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qu’elle est la plus noble de ces deux choses
pour qui les François sont si badins que de
s’entretuer.

 

Ceux qui tiennent pour le Papier disent
qu’a la verité sa forme est artificielle, mais
que tout le monde aduoüe que l’art triomphe
souuent de la nature, & que l’inuentiõ
du papier est le dernier effort de l’industrie
des hommes ; qu’au lieu des escorces, & du
bois sur quoy les anciens escriuoient auec
assez de peine nous escriuons aujourd’huy
auec facilité sur le Papier, qui se peut vanter
de contribuer a l’immortalité des grands
hommes, puisqu’il conserue la memoire de
leurs belles actions dans les escrits des Historiens,
des Orateurs, & des Poëtes. Sans
le Papier nous n’aurions pas la milliesme
partie des volumes que nous auõs, puisque
l’Imprimerie qui est le chef dœuure de l’art
seroit piesque inutile sans vn sujet si propre
a receuoir, & a garder les Caracteres, voila
pour l’excellence qui se trouue dans l’vsage
ordinaire du Papier, mais pour celuy de le
porte au Chapeau, ils disent qu’il a l’auan
[2 mots ill. ] les bons & fidelles sujets
[1 ligne ill. ]

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marque l’innocẽce de ceux qui le portent, cõme
la iaunisse de la Paille la rebelliõ des autres.

 

Les Partisans de la Paille disent au contraire
que le Papier ne se fait que de vieux, & sales
haillons, qu’il sert autant au mauuais qu’aux
bons escriuains, aux Satires qu’aux Panegyriques,
aux faussetez qu’aux veritables escrits, &
que tant s’en faut qu’il soit loüable à cause de
la facilité, & de la commodité de l Imprimerie
qu’au contraire c’estoit le plus grand malheur
qui pourra arriuer aumõde que d’escrire à si bõ
marché, & de n’auoir besoin que d’vn peu d’ãcre
& de papier pour mettre en lumier des badineries
si ridicule, que sans le papier nous ne
serions pas accablez de ces miserables papiers
volants ou il y a vn si prodigieux nõbre de sotises,
& que la chose du monde qui deuroit estre
la plus rare, est la plus cõmune : voila pour l’vsage
ordinaire, que pour celuy de le porter au
Chapeau ce n’est point de l’institution Royalle,
qu’en fin c’est du papier à la Mazarine, & qui ne
vaut rien qu’a faite des torche culs.

Ils disent à la loüãge de la Paille que sans elle
nous ne mangerions, que du gland à la mode
de messieurs nos premiers peres, & que nous

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serions de la Religion des Druydes qui reueroient
les chesnes cõme les arbres qui auoient
autrefois nourry les hommes. La Paille, disent
ils n’a pas seulement porté le bled dans ses espris,
mais encore tout battuë & pourrie qu’elle
est elle en fait naistre d’autre, par le fumier
qui engraisse les terres les plus maigres, & rend
fecondes les plus steriles, le grain nourrit les
hommes, la Paille quãd elle est denuée nourrit
les Bœufs, les Cheuaux, & les autres bestes dõt
l’homme ne se sçauroit passer, tout le monde
sçait qu’en Espagne les foins ne sont point en
vsage, & que la Paille est l’ordinaire nourriture
de ces animaux, de la paille on fait des Chapeaux
de Nattes, des chaises, des Paniers, &
l’on en couure de gros Flaçons de verre, pour
deffendre la fragilité de leur matiere : enfin la
Paille ne nous donne pas seulement à manger
elle nous sert encor pour dormir, & l’ont ne repose
iamais bien dans les lits qui ne sont pas
garnis de paillasse : pour la couleur celle de la
Paille estant semblable à celle de l’or, elle ne
sçauroit passer que pour excellente & connu,
l’or est le plus pur de tous les metaux, la iaunisse
de la Paille marque la pureté de ceux qui la

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portent, il y en a mesme qui pour cõble d’honneur
adioustent que nostre Seigneur nasquit
dans vne cresche ou vray semblablement il y
auoit de la Paille & non pas du Papier.

 

Voila les raisons pour & contre deux choses
qui ont cela de commun qu’elles le sont extremement,
& qu’elles sont toutes deux egalement
propres à allumer le feu comme nous
le voyons par vne triste, & deplorable experience,
on dit ordinairemẽt que le feu depaille
ne dure gueres, celuy de papier dure encore
moins ; mais par vn prodige funeste à cette
Monarchie, il ont la meme de durer l’vn &
l’autre plus qu’vn feu de gros bois, si Dieu n’y
iette de l’eau, car les hommes ne font qui ietter
de l’huyle.

Pour conclusion quoy que la Paille, & le
Papier soiẽt de malheureuses marques de nos
diuisions la Paille est neantmoins preferable
au papier par les raisons que nous auons deduites,
& principalement parce que c’est la
marque du party contraire au Mazarin contre
lequel les veritables François ont pris les Armes,
que s’il se trouue de la malice, & de la
fourberie dans les deux partis, toutesfois le

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Princes ont cet auantage que s’il y peut auoir
des malicieux, & des fourbes dans le leur, il ne
sçauroit y auoir de bien dans celuy de Mazarin.
Ceux donc qui s’attroupent dans le Palais
Royal pour establir le signal du Papier
au lieu de celuy de la Paille ne peuuent
passer que pour des broüillons, & pour des
seditieux que les Partisans de la Paille doiuent
battre autant que l’a esté celle qu’ils portent
à leur Chapeau.

 

FIN.