Anonyme [1649], L’AMBASSADEVR DES ESTATS DE CATALOGNE, ENVOYÉ PAR DOM IOSEPH DE MARGVERITE. A la Reine Regente Mere du Roy, touchant les affaires de cette Prouince. Et la Paix particuliere & generalle. , françaisRéférence RIM : M0_71. Cote locale : A_3_36.
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ARTICLE 6.

Que ceux qui feront mourir Dom Ioseph de
Marguerite, le Gouuerneur de Barcelonne ; & celuy
de Perpignan, auront pour chacun d’iceux,
cinquante mille pistolles. Le contenu de ces articles,
fit vne certaine impression dans les Esprits
de la Populace, & mesme de plusieurs personnes
de condition, que le peuple fut sur le point de se
reuolter en beaucoup de lieux : si bien que ie fits
conuoquer l’Assemblée de la Noblesse dans Barcelonne,
& en suitte i’enuoyay des lettres aux Prieurs,
Chanoines & Curez des Parroisses, pour
les prier à exhorter le peuple d’estre tousiours fidelle
à la Couronne de France, & de n’adiouster
point de foy aux paroles de nos ennemis, qui certainement
tiendront leurs promesses en apparence,
& non pas en effect, la diligence que i’ay apporté
à remettre les Esprits du Peuple, n’a pas esté
inutille, Ie suis venu au but de mon dessein, ayant
fait cognoistre clairement aux plus apparens intimidez,
que nous ne pourrions iamais tomber en

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ruine que par vne reuolte, maintenant nous apprehendons
d’vn autre costé, la raison en est, Que
l’Espagnol a mis vne armée en campagne par terre,
de dix mille hommes de pied, & de quatre mil
cheuaux, qui sont aupres de Sarragosse, ayant
equippé sur mer, huict Galeres quatorze Vaisseaux,
& seize Galliasses, qui sont sur le courant
de Tortone, ce qui m’a obligé d’escrire à Vostre
Majesté, pour la supplier & conjurer de nous vouloir
enuoyer des hommes & de l’argent, afin de
pouuoir empescher que l’ennemy ne fasse point de
progrets sur cette terre, les menaces dont il vse
enuers nous de mettre tout à feu & à sang, estonnent
tellement vos pauures sujects de cette contrée,
qu’il faudroit vn autre Hieremie, pour descrire
leurs Lamentations, & ce qui augmente plus
leur douleur, & nous donne plus de suiect de
crainte, sont les nouuelles que nous apprenons
tous les iours de la des-vnion des Princes, & de la
mauuaise intelligence qui est, principalement entre
le Cardinal Mazarin, & vos Bougeois de Paris.

 

Pour plusieurs raisons grandes Reine, Vostre
Majesté est obligée de donner congé à ce Ministre
d’Estat, ie veuy qu’il ayt la sagesse de Caton, la
valeur de Pompée, la conduite d’Annibal, le
bon-heur de Scipion, & qu’il possede encore toutes
les autres qualitez des plus grands Personnages
de l’Italie : par ce que son humeur est Italienne,

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il est impossible qu’il puisse agreer aux François,
dont vous deuez non seulement preferer les
interests : mais encore les desirs aux siens & aux
vostres particuliers par ce qu’ils desirent son esloignement
auec passion, vostre bonté leur doit accorder
ceste grace, qui regarde le bien public & le
seruice du Roy, si vous considerez que la valeur de
vos Mareschaux de France se consomme au lieu de
s’allumer aupres du feu de son ambition, que la
gloire des Princes s’obscurcit par le trop grand esclat
de sa vanité, que les plus grndes dignitez de
ce Royaume perdent de leur Iustre par la seule demande
qu’il fait d’estre declaré Duc & Pair de Frãce,
& que l’autorité du Roy est diminuée par l’accroissement
de sa vaine gloire. sans doute V. M. acquiescera
à la iuste demande de vostre Peuple, qui
n’ont pas moins que nous d’auersion pour les Italiens,
à peine le Cardinal Mazarin. son frere, fut
arriué en Cathalogne pour estre nostre Vice-Roy,
que les Enfans, Hommes & Femmes commencerent
à mediter sa perte. Ce qui obligea le Roy de
le faire retirer.

 

Les François ont vne semblable animosité conte
vostre Ministre, vostre prudence afin de preuenir
les malheurs qui en pourroient arriuer luy doit
persuader, & l’obliger pour son plus grand bien de
sortir hors de c’est Empire, ainsi vostre Auguste
Parlement & vostre Peuple seront contants, les

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passages seront ouuerts, le negoce libre, le Roy
reuindra dans Paris, & en suitte vous ferez vne
paix generale, laquelle nous souhaittons auec la
mesme ambition que nous desirons viure souz les
loix de vostre Couronne. Ce iuste motif est cause
que nous vous auons député exprez c’est Ambassadeur,
pour vous supplier & conjurer au nom de
tous vos suiects de vostre Prouince, de vouloir
tousiours maintenir nos interests & de ne nous remettre
point souz la domination de l’Espagne, le
droict des gens, & le droict ciuil forceroient vostre
Maiesté à condescendre à nostre equitable desir,
quand mesme vostre singuliere bonté, n’auroit
pas dessein de nous l’accorder. Depuis le regne de
la Reine Blanche, les Catalans sont nés subjets du
Roy de France, si bien que nous n’auons point fait
de tort au Roy d’Espagne, quand nous auons secoüé
le joug de sa seruitude pour nous réünir à
vostre Empire, auec l’esperance que nous auons
que le Roy qui a mesure qu’il croistra en aage, accroistra
aussi nostre felicité, nous conseruera tousiours
comme ses tres-fidels subjets ; & aussi de
vostre Majesté à qui nous demandons pour toute
recompence de nos peines, la sortie de Mazarin
hors de la France.

 

FIN.

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