Anonyme [1649], L’APPARITION MERVEILLEVSE DE L’ANGE GARDIEN A LA REYNE REGENTE. , françaisRéférence RIM : M0_142. Cote locale : A_3_2.
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L’APPARITION MERVEILLEVSE
DE L’ANGE GARDIEN
A LA REYNE REGENTE.

 


Tandis qu’vne nuict bien obscure
Tenoit enfermé le Soleil,
Que le silence & le sommeil
Regnoient dans toute la Nature,

 

 


Anne seule (en vn secret lieu)
Ouurant son cœur deuot à Dieu,
Receut vne ambassade estrange :

 

 


Et dans le malheur de nos iours,
Elle vid, par bonheur, vn Ange
Qui luy tint le suiuant discours ;

 

GRANDE Princesse, quelque estonnement que vous
ayez de me voir en l’estat où ie suis ; vous ne deuez pas
me trouuer suspect à vostre vertu, encor que vous soyez
dans la solitude : Si ie vous prens ainsi esloignée de la foule
importune de vostre Cour, c’est pour auoir la liberté de vous dire des
secrets que vous deuez sçauoir, & que i’ay ordre de vous communiquer
pour vostre salut. Ce souuerain Estre d’où dépendent le vostre
& le mien, d’esprit que ie suis m’a fait deuenir visible, pour vous faire
voir des choses qui vous importent extremement, & qu’on vous a
tousiours déguisées ; & ie n’ay pris ce corps de lumiere que pour éclairer
vostre ame, & la tirer des profondes tenebres où elle est malheureusement
plongée. Le mesme qui m’a donné la conduite de vostre
personne, m’a donné le droict d’examiner vos actions ; & cét auguste
employ que ie tiens de sa diuine faueur, ne m’oblige pas moins à veiller

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à vos mœurs qu’a vostre conseruation mesme : C’est à quoy ie
prens garde depuis vostre naissance ; & le premier moment de vostre
vie a esté celuy de ma commission, dont ie me suis si heureusement
seruy, que vos deportemens plus qu’humains ont esté long-temps
des sujets d’admiration au Ciel, d’estonnement à l’Enfer, & de
loüange à toute la Terre. Si l’Espagne eut le plaisir de voir éclorre
& épanoüir en vostre Royale personne les fleurs de tant d’auantages
que vous donnerent en naissant la Nature & la Grace ; la France a eu
depuis le bonheur d’en gouster les fruicts. Si Madrid a veu vos vertus
dans leur accroissement, comme dans leur naissance ; Paris les a
veües dans leur perfection, la charité & la deuotion monterent dans
le throsne auec vous, & trouuerent leur plus grande éleuation dans
la vostre ; le Ciel aussi les recompensa de son amour enuers vous, &
de sa protection contre vos ennemis : mais pour vous combler tout à
la fois de ses faueurs, il vous donna miraculeusement vn fils pour
donner vn Roy aux François, apres la mort du Pere. Il vous en a depuis
fait la Tutrice, pour le conduire dans sa minorité, & pour rendre
à sa personne les mesmes offices que ie rends à la vostre : De sorte
que ie puis dire auec asseurance, qu’on vous a admirée en tous les
estats de vostre vie, & en qualité d’Infante, & en qualité de Reyne,
comme mariée & comme veufve, comme Mere & comme Regente.
Quelle satisfaction pensez-vous que i’auois alors, chere Princesse,
de vous voir si bien dans l’esprit de Dieu, & dans le cœur des hommes ?
Mais, helas ! quel déplaisir ay-je maintenant de vous voir si
mal & auec le Ciel & auec la Terre ? d’oüir tous les iours les prieres
qu’on vous fait, & pour qui vous n’auez point d’oreilles ? On esperoit
de vostre Regence (& vous l’auiez promis au commencement) que
la Paix seroit par toute l’Europe ; ie vous en ay souuent inspiré la pensée
de la part de Dieu, & vous y auez souuent consenty ; mais il s’est
trouué malheureusement des Ministres d’Estat qui ont empesché
vos bons desseins : Il s’est trouué des Demons incarnez qui ne prennent
autre conseil que de ceux de l’Enfer, lesquels vous ont tousiours
persuadé la guerre. Ce sont les mesmes, qui malgré la douceur
de vostre naturel, vous ont conseillé vn dessein du tout barbare,
ie veux dire d’affamer Paris, & de faire par ce moyen ruiner la France.
Ce sont eux, qui pour couurir leur malice, & pour vous oster
tout scrupule, ont sceu faire vne Anti-Sorbonne & vne Theologie à
leur mode ; qui se sont seruis de l’Eglise pour destruire les loix de son

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Espoux ; qui ont renuersé la Morale pour establir leur Politique ; &
qui ont enfin fait passer dans vostre esprit d’enormes crimes pour des
actions vertueuses, ou du moins indifferentes. C’est pour cela en partie
que ie suis venu à vous d’vne façon extraordinaire ; le mesme Dieu
qui a pris autrefois vn corps pour vous rachepter, m’a fait prendre
celuy-cy pour vous instruire ; il m’a fallu faire vne merueille en moy,
pour faire vn miracle en vous mesme, pour vous oster la creance d’vn
faux enseignement, & pour vous persuader par des paroles, ce que
ie n’ay sceu par tant d’inspirations que ie vous ay données. Ie seray en
mesme temps vostre Docteur, & la caution de ma doctrine ; & i’espere
que vous quitterez enfin les aduis des meschans hommes, pour suiure
les sentimens d’vn bon Ange. Ne vous estonnez pas, grande Reyne,
de l’asseurance de ma langue, ny de la liberté de mes discours, ie parle
de la part d’vn Dieu armé de foudres, qui fait trembler les Rois &
les Couronnes ; qui fait, quand il luy plaist, parler les muets pour le
salut des ames, & qui vous aime trop pour laisser plus long-temps la
vostre dans la damnable erreur où elle se trouue. Ie fais ma commission
en faisant vostre bien ; & si vous estes la Regente d’vn Roy foible
& mineur, ie suis le Regent d’vne Reyne qui peut faillir dans sa
charge, sans que ie le puisse iamais dans la mienne. Ie suis confirmé
en grace, & vous la pouuez perdre tous les iours & par les foiblesses de
vostre nature, & par les mauuais conseils de ces faux Docteurs, qui
vous parlent trop librement, & que vous escoutez auec trop de franchise.
Ce sont des Syraines qui ne vous charment par la douceur de
leur chant, que pour faire faire naufrage à vostre vertu. Ce sont des
flateurs sous des manteaux d’Apostres, qui perdent malicieusement
vostre conscience, pour establir plus auantageusement leur fortune.
Ce sont des empoisonneurs spirituels, qui infectent vostre ame d’vn
subtil venin, d’autant plus dangereux qu’il est agreable, & qu’il n’a
point d’autre antidote que la Grace & la Penitence. Songez-y, mais
songez-y soigneusement, grande Princesse ; il y va de vostre salut, il
y va d’vne gloire dont la perte est bien plus grande que celle des Sceptres
& des Couronnes. Quelque belle figure que prenne le diable,
il est tousiours le mesme : & de quelque façon que se déguisent
ses enfans, c’est à dire les vices, ils ne sçauroient iamais démentir
leur pere, ny changer de nature. Quelle apparence y a-t’il que des
injustices & des cruautez horribles passent pour des actions de vertu ?
que des homicides soient permis ? que des violemens soient

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honnestes ? & que des sacrileges mesmes trouuent non seulement des
protecteurs, mais encore des panegyristes ? C’est icy où le zele m’emporte
pour l’interest de mon Maistre. Se peut-il que vous souffriez
l’impieté de ces prophanes, qui osent dépoüiller les Autels consacrez
au mesme Dieu que vous adorez sur la Terre, & qui ébranle les Cieux
auec ses tonnerres ? Ne sçauez-vous pas qu’il punit autrefois auec
vne extreme seuerité ceux qui n’auoient fait que toucher à l’Arche
d’Alliance ? Qu’il changea vn Monarque triomphant en vne beste sauge,
pour auoir pillé le Temple de Ierusalem ? Qu’il fit escrire par
vne miraculeuse main l’Arrest de mort contre vn autre grand Prince,
pour auoir beu dans les vases qui estoient dédiez à son seruice ?
Et vous, deuote Princesse, qui estes son image en Terre, endurez-vous
que de lasches François ou plustost de nouueaux Turcs volent
impunément les Eglises, & qu’ils jettent leurs mains polluës sur des
Calices mesmes où le vin est tous les iours changé au Sang de Iesus-Christ
par la bouche des Prestres ? C’est à vous d’empescher tant de
crimes, & vous respondrez vn iour des pechez d’autruy seulement
pour les auoir soufferts. C’est à vous de faire punir tant de violences
commises contre Dieu, & contre les hommes. C’est à vous d’opposer
vostre bonté à tant de meurtres, vostre clemence à tant d’inhumanitez,
vostre justice à tant de voleries, vostre continence à tant de violemens,
& en fin vostre authorité souueraine à tous les pernicieux
effets de cette guerre. Et si autrefois le sang répandu d’vn seul innocent
crioit à Dieu vengeance ; n’entendez vous pas le sang de tant
d’innocens malheureux que l’on ruine, ou que l’on massacre ? mais
n’entendez-vous pas tant d’oppressez qui vous demandent justice ?
tant de filles forcées qui vous demandent leur honneur rauy ? tant
d’orphelins qui vous demandent leurs peres ?tant de veufues qui vous
demandent leurs maris ? tant de meres qui vous demandent leurs enfans ?
tant de pauures affamez qui vous demãdent du pain ? tant de personnes
mourantes qui vous demandent la vie ? & tous les François ensemble
qui vous demãdent la paix ? Quel esprit vous a conseillé cette
guerre ? & quel si grand crime a peû meriter vn si grand supplice ?
Qu’ont fait els Parisiens pour deuoir estre punis par la famine ? ont-ils,
comme autrefois, fait des reuoltes contre leur Prince ? ont-ils excité
d’injustes seditions dans leur grande Ville ? ont-ils refusé de contribuer
de leurs moyens pour la rançons de leurs Rois prisonniers ? Et
qu’ont fait tant d’hommes de bien qu’il y a dans le Parlement, pour

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attirer vostre vẽgeance, & pour meriter vostre colere ? S’ils sont criminels,
c’est d’auoir trauaillé à sauuer le bien de l’Estat, les finances du
Roy, & la gloire de vostre Regence : S’ils sont criminels, c’est d’auoir
trop souffert des Partisans (ou plustost des Harpies) qui ont injustement
épuisé la France ; & qui comme d’insatiables sangsuës, ont
cruellement succé tout le sang du Peuple : S’ils sont criminels, c’est
d’auoir soûpiré tous les iours, depuis la funeste nuict de l’enleuement
du Roy, d’auoir consolé tant de bons François qui pleuroient l’éloignement
de leur Prince, & d’auoir fait chercher du pain par les
champs pour substanter tant de miserables qui languissoient de faim
dans la ville : S’ils sont criminels, c’est d’auoir esté trop bons, & de
n’auoir pas voulu se defendre de ceux qui les opprimoient injustement.
Et apres tant d’actions si loüables, vous en voulez faire de malheureuses
victimes, les immoler à la haine de leurs ennemis, & punir
des innocens pour des coupables. Apres cela vous demandez des testes ;
mais que ne demandez-vous des cœurs ? & que ne vous faites
vous aimer aussi-tost comme craindre ? C’est par l’amour que toure
la Nature se conserue, & que les plus grands Estats s’entretiennent :
Ce sont les seules chaisnes capables d’attacher les subjets à leur
Prince ; & il luy est bien-aisé de regner dans les villes deslors qu’il
regne dans les ames des peuples. C’est là l’excellente maxime que ie
vous apporte du Ciel, & que vous deuez pratiquer parmy les hommes.
Quittez, quittez, grande Reyne, ces mauuais Conseillers, qui
ne vous inspirent que des cruautez & des carnages : Empeschez le
funeste dessein qu’ils ont de ruiner Paris, & de faire perir vn si grand
peuple. Voulez-vous faire vn horrible Monstre d’vn si agreable
Royaume ? Et que deuiendront les membres d’vn si beau corps,
quand vous en aurez abbatu la teste ? Voulez vous allumer à Paris le
feu d’vne guerre ciuile, qui embrazera peu à peu toute la France ?
Voulez-vous qu’on ruine entierement les subjets du Roy vostre Fils ?
qu’apres auoir receu de ses Ayeuls vne si florissante Monarchie, &
qu’apres en auoir estendu les limites par tant de grandes conquestes,
il ne soit en fin Roy, si ce n’est de gueux & de miserables ? Voulez-vous
voir sousleuer des peuples les vns contre les autres par tout le Royaume ?
& répandre le peu de sang qui reste encore des Frãçois, pour affoiblir
la France au dernier poinct, & l’abandonner en cét estat à l’ambition
& à la haine de ses ennemis ? Voulez-vous voir rẽplir les maisons

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d’horreur, & les champs de carnage ? changer tant de riches villes en
de grands Hospitaux ? & tant de belles Prouinces en de vastes Cimetieres ?
Si vous aimez la guerre, faites-vous la à vous mesme : combatez
vn dessein qui perd vos plus fideles subjets ; combatez ceux
qui vous l’ont donné, & combatez le mauuais Demon qui le fomente
tousiours dans leur esprit afin qu’ils le fomentent dans le vostre.
Si vous aimez la guerre, que ne la faites-vous aux impies qui infectent
la France, aux heretiques qui oppriment l’Angleterre, & aux Infideles
qui occupent injustement la Terre Saincte, & le paÑ—s des Venitiens
vos alliez. Ce sera alors que le Dieu des armées sera pour vous
quand vous serez pour luy ; & ce sera alors que d’vne diabolique passion
de vengeance vous tirerez vn dessein tout diuin, & vne vertu
toute Chrestienne. Mais si l’interest de Dieu ny du Roy ne vous touche
pas assez, laissez vous du moins toucher au vostre mesme. Vous
perdez par cette guerre le repos de vostre ame, en perdant celuy de
vos subjets. Vous y perdez l’honneur de vostre Regence, en perdant
l’Estat de vostre Mineur : mais ce qui est encor plus déplorables, vous
y perdez la grace de Dieu, & vous vous mettez en danger d’y perdre
mesme la gloire des Bienheureux. Songez-y bien, chere Princesse :
Songez, quelque grande que vous soyez & d’authorité & de naissance,
que toutes vos grandeurs ne vous exempteront pas du tombeau :
Songez que la Mort n’espargne non plus les puissantes Reynes
que les simples Bergeres ; & que les Sceptres & les Couronnes ne luy
coustent pas plus à briser que les Houlettes. Mais songez qu’apres
cette mort, vous irez comparoistre deuant le suprême Tribunal du
Roy des Roys, d’vn Iuge qu’on ne peut corrompre, & qui n’épargne
personne : Que vous luy rendrez compte de tous les crimes qu’on
commet pendant cette guerre ; Que tant-d’innocens injustement
opprimez seront tous vos accusateurs ; Et que moy-mesme, apres
vous auoir seruy d’Ange Gardien en ce monde, ie seruiray alors de
témoin contre vous mesme. Preuenez ce malheur, chere Princesse,
en suiuant les conseils que ie vous donne ; il y va de mon interest aussi
bien que du vostre ; ie dois m’acquitter de la commission qui m’a esté
donnée ; & c’est à moy à vous conduire iusques dans le Ciel par des
moyens qui puissent operer vostre salut. Ne rendez pas mes soins ny
mes aduis inutiles, craignez mesme en ce monde de tomber entre les
mains du Roy du Ciel, & qu’vn Roy Prophete appelle Terrible aux
Rois de la terre. Considerez, de grace, qu’vn Pharaon fut chastié

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de tant de fleaux, pour auoir refusé la liberté au peuple d’lsraël, comme
vous faites maintenant au vostre. Considerez qu’vn Saül, qui
auoit esté esleu par la main du Tout-puissant, perdit la vie auec la
Couronne, pour n’auoir pas suiuy les ordres d’vn Prophete. Que
son successeur Dauid, que Dieu mesme trouua selon son cœur, receut
vne horrible peste dans son Royaume, pour vn peu de vanité
qu’il eut de faire nombrer son armée : Et que Roboam, son petit fils,
perdit dix Tribus de douze qu’il en auoit, pour auoir suiuy les sentimens
de mauuais Conseillers. Prenez garde, chere Princesse, de
n’auoir vn pareil chastiement pour vne pareille faute : mais prenez
encor garde à Adam ce premier fauory de Dieu, mais ce premier
malheureux des hõmes, qui pour vne põme, pour vne desobeïssance,
perdit tous les aduantages de sa nature, la possession du Paradis terrestre,
& l’empire absolu qu’il auoit sur ses passions, & sur toutes les
creatures. Prenez garde que les Anges mesmes (autrefois mes compagnons,
& maintenant mes ennemis, ces Esprits bienheureux qui
brilloient là-haut auec tant d’éclat & de pompe) furent precipitez
du Ciel dans les Enfers pour vn seul peché de superbe. Tremblez,
grande Reyne, apres ces considerations : Tremblez parmy tant d’horribles
crimes dont la guerre est la source, & que vous deuez faire cesser
par vos defenses : Faites la paix, mais faites-la stable, & s’il se peut,
eternelle : Faites-la au contentement de vos bons subjets, & à la confusion
des mauuais Ministres : Faites-la malgré tous les empeschemens
de ceux qui s’y opposent, & surmontez genereusement toutes
les difficultez qui peuuent la retarder : Faites-la pour Paris, mais faites
la en mesme temps pour toute la France & pour l’Espagne : Accordez,
par vne bonne paix, ces deux Nations que vous auez autrefois
vnies par vostre mariage : Vous y auez grand interest, puis que
vous sortez de l’vne, & que vous regnez dans l’autre ; & que toutes
deux vous aiment & vous honorent extremement, comme la plus aimable
& la plus vertueuse Reyne du monde. Faites la paix generale
pour le soulagemẽt general de tant de miserables : Imitez vne grande
Princesse qui estoit sortie du mesme païs où vous estes née, qui estoit
comme vous, Mere & Regente d’vn Loüis & d’vn Roy de France.
Vous estes Reyne, & ie vous donne pour modele vne Reyne, qui
n’inspiroit au Roy son fils que l’amour de Dieu, l’affection de son
peuple, & le soulagement de ses subjets, qui par ses bonnes instructions
en fit vn grand Sainct aussi-bien qu’vn grand Prince ; qui apres

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auoir reprimé les ambitieux, & les perturbateurs du repos public,
establit vne si ferme paix dans son Royaume, qu’elle seule le gouuerna
pendant sa vie ; & donna le moyen au Roy d’aller faire la guerre
aux Infideles. Faites-en de mesme, grande Princesse, faites que la
posterité puisse dire qu’vne Anne d’Austriche ne fut pas moins vtile
à la France, qu’vne Blanche de Castille, Faites cette paix qui est depuis
si long-temps desirée : Faites-la, puis que c’est vous seule qui la
pouuez faire ; tant d’affligez vous la demandent par leurs sanglots,
toute la France par ses larmes, l’Espagne par ses soûpirs, le Païs-bas
par ses miseres, l’Allemagne par ses souffrances, toute l’Europe par
ses prieres, toute la Terte par ses vœux, & le Ciel mesme vous la demande
par ma bouche. Acquerez cette gloire d’auoir calmé tant d’orages
que la guerre apporte, d’auoir épargné tant de sang qu’elle
fait répandre, & d’auoir empesché tant de meurtres, & tant d’autres
crimes qui s’y commettent : Ayez la gloire d’auoir rendu la tranquillité
à tant de Villes, l’abondance à tant de Prouinces, & vn
bonheur general à tant de Peuples : Ayez la gloire d’auoir fait ce
qu’aucun autre Prince ne pouuoit faire en ce monde, & ce sera pour
en auoir en l’autre vne plus grande, où nous viurons tous deux eternellement
auec celuy qui m’a creé Ange, & qui vous a faite Reyne.

 

 


Apres que cét Ange visible
Eut ce grand discours acheué,
Anne deuint presque insensible,
Et tomba dessus le pavé.

 

 


Puis du fonds d’vne ame dolente,
Arrachant vne voix tremblante,
Elle en forma ces mots, apres de grands efforts ;
Ie feray ce que Dieu desire.
Ce fut tout ce qu’elle peût dire,
Et l’Esprit disparut en défaisant son corps.

A PARIS, Par ROBERT SARA, ruë de la Harpe,
au Bras d'Hercule. 1649. Auec Permission.

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