Anonyme [1652], L’AVANT COVRRIER DE LA COVR, OV LE GVIDON FRANÇOIS, Disant les Veritez. , françaisRéférence RIM : M0_440. Cote locale : B_19_53.
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L’AVANT
COVRRIER
DE LA COVR,
OV LE GVIDON FRANCOIS,
Disant les Veritez.

IE suis Auant Courrier, deputé de la
Diuinité, pour publier dans le Ciel,
tesmoigner à la Mer, & iustifier à la Terre,
les Enormitez qu’elle, la Mer & Ciel
produisent.

Le Ciel pour sa trop grande misericorde,
me faict déclarer aux Humains, que
la grande familiarité engendre le mespris.

La Mer me fait publier qu’elle s’est iusques
aujourd’huy renduë par trop de calme
enuers ceux qui luy font à present
bourrasque.

Et la Terre me faict dénoncer qu’elle

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ne peut d’auantage soustenir les Autheurs
des maux qu’elle souffre perpetuellement
en la personne de ses Habitans.

 

Mais pour quoy mon Message, de faire
plainte de la Terre, de la Mer, & du Ciel,
enuers ceux qui dépendent d’eux, chacun
en droit foy ?

Pourquoy le Ciel (me dira quelqu’vn
se plaint il de sa trop grande misericorde
enuers tes hommes, sur lesquels il peut
darder son foudre ?

Pourquoy la Mer qui peut engloutir
dans ses Ondes ceux qui flottent sur son
dos, permet elle de faire voguer les Ennemis
de la France ?

Pourquoy la Terre fait elle doleance
de ceux qu’elle soustient, puis que les
Hommes n’ont [1 mot ill.] & nourriture
que d’elle, sans faire ouuerture de son
centre pour faire passage aux Enfers à ces
nouueaux venus ?

A ces trois poincts, mon Ambassade
permet de dire que pour le Ciel, la misericorde
y est excessiue.

Que la Mer submerge plustost les
Vaisseaux remplis & bien guidez, que

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non pas vne Gondolle despourueuë de
Nautonniers.

 

Que la Terre souffre toutes les iniures
du Temps, & porte en soy le bon & mauuais
fruict.

Bon fruict en la personne de mon Roy
sur le Visage duquel on y voit les fleurs
printanniers de son aage, auec l’esperance
que la France a tousiours eu, & à de sa future
valeur.

Mauuais fruict en la personne du Cerbere
infernal Mazarin, qui rend du tout
impossible de Traicter auec sa Majesté, s’il
ne plaist au Cerbere infernal Mazarin.

La Gondolle du petit vient à port,
mais ce grand Vaisseau Mazarin perira,
pour auoir trop couroucé Neptune.

La Misericorde du Ciel est excessiue
enuers ce Charlatan & ses farceurs, attendant
leur moderation, mais son bras est
prest d’eslancer sa fureur.

Fureur qui commence a naistre auec
les boutefeux, & tous les artifices que
les humains peuuent imaginer : l’enfer
en tremble, la mer s’agite, & le

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Ciel s’en courrouce de telle façon, que
son œil darde ailleurs qu’il n’auoit accoustumé
de faire sur l’Oing de son fils
Aisné.

 

Quel est le Theatre, quels sont les Acteurs
& les Auditeurs, qui peuuent voir
vne Tragedie plus sanglante que celle qui
se prepare ? Que des coquins de Mazarins
ruynent la France, rendant les enfans de
la Maison Royalle, vassaux & le pauure
Païsant qui a esté miné & ruiné à leur
sujet.

Quelle cruauté de ne pas pouuoir dire
à l’oreille du Roy le sujet de la perte de
son Estat & de son Royaume, ayant tousjours
vne testes Cerberienne Mazarines à
ses oreilles, qu’il croit tout ce que le
moindre dit ?

Quel desespoir à des fidelles & anciens
seruiteurs de la Couronne, de voir marcher
deuant eux des personnes qui ont
esté trouuez indignes d’estre leurs Laquais,
de ne pas pouuoir parler à eux :
quand on les attend, ils vont par vne autre
porte au Conseil.

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Mais comment le Conseil a il receu telles
les canailles à l’ouuerture des affaires secrettes
& de l’Estat de la France ?

Quand à moy bien que Courrier, &
que ie ne dois passer outre à ce qui est de
mon message, ie suis contrainct de dire la
verité, comme seruiteur de mon Dieu &
de mon Roy, que le Ciel regarde [1 mot ill.] ;
joinct que le Guidon François, duquel ie
suis porteur, decide les affaires de la France,
& sans offencer S. Iean, ie diray que
ce discours n’est pas digne de dénoüer
la courroye de ses soulier.

FIN.

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