Anonyme [1650], L’ENTREE MAGNIFIQVE ET TRIOMPHANTE DE MARDY-GRAS DANS TOVTES LES villes de son Royaume. AVEC LES RESIOUYSSANCES de toutes les Harangeres de Paris: Et les Arrests donnez tant contre tous les Critiques, Rabats-joyes, Mauplaisans, & trouble-festes. Ensemble les Priuileges octroyez à tous bons Frippelippes, Patelin, Rabelistes, & Enfans sans soucy. , françaisRéférence RIM : M0_1228. Cote locale : C_7_69.
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L’ENTREE
MAGNIFIQVE ET
TRIOMPHANTE DE
MARDY-GRAS
DANS TOVTES LES
villes de son Royaume.

AVEC LES RESIOUYSSANCES
de toutes les Harangeres de Paris : Et les Arrests
donnez tant contre tous les Critiques,
Rabats-joyes, Mauplaisans,
& trouble-festes.

Ensemble les Priuileges octroyez à tous bons Frippelippes,
Patelin, Rabelistes, & Enfans sans soucy.

A PARIS,

M. DC. L.

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LE SEIGNEVR
MARDY-GRAS,
Salut,

TANT pour rendre nôtre entrée celebre, que pour
voir la puissance de nôtre Monarchie, Nous voulons
de pleine authorité ; que toutes les ordonnances cy-mentionnées
soient tres-estoitement obseruées, auec
defenses expresses à toute personne de quelque qualité
& conditions qu’elles soient, d’y contreuenir, sur peine de la vie : car
tel est nôtre plaisir.

1. En premier lieu, defendons à tous Riotteux, Capricieux, Fantasques,
Raba-joye, Critiques, Terriques, Plurats, Melancoliques,
Insupportables, Mauplesans, & autre peste du genre humain, de se
trouuer Dimanche, Lundy & Mardy prochain vingt-sept, vingt-huict,
& premier de Mars prochain venant, dans aucunes de nos
villes, sur peine de la vie, comme perturbateurs du repos public.

2. Commandons pareillement à tous vieillars qui auront passé la
soixante & huictiéme année, de se retirer dans les maisons les plus
écartées de la ville, sur peine de douze mille liures, de dépit, de desplaisir,
& de colere, que nous ordonnons à leurs gardes ces trois iours
de nôtre triomphe.

3. Tout pauure infirme, & incommodez de maladies, eu égard à
leurs infortunes, voulons seulement qu’ils soient portez aux greniers
de leurs maisons, donnant à leur garde vne legion de rats & de souris,
les declarans pareillement retranchez de nôtre Monarchie.

4. Tous grate-papiers, plaideurs, & formeurs d’incidens, leurs
commandons de fermer boutique, sur peine de treize cens liures de
froidures que nous leurs deliurerons.

5. Ordonnons que tous beuueurs d’eau boüillie, de tisannes, bierres,
& autre boisson de pareille nature, sortent de nôtre Prouince,
sur peine de mille liures de colliques, cruditez & ventuositez.

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6. Tous froidureux, crieux, roupieux, & mau-plaisans, leurs commandons
de prendre les armes, bouteilles, verres, & autres munitions,
& de se trouuer à nos portes pour nous receuoir majestueusement
& canoniquement, sur peine d’estre punis de telles punitions
que nous aduiserons.

7. Voulons que ses demons de sciences, ergoteurs de Filosophes,
brûlent leurs cayers ces trois iours de nôtre triomphe, sur peine de
vingt mille liures de folie qu’ils nous fourniront ce Caresme, à ceux-là
modifiant la peine, veu que nous leur en laissons encore soixante
mille liures à la teste, qu’ils garderont le reste de leurs iours.

8. Ordonnons à tous petits Scolares, porteurs de porte-feüilles,
& appreneurs de ciuilitez & de contenances, de déchirer leurs liures
ces trois iours de nos magnificences, pour faire des petards & des
masques, sur peine d’vne douzaine de coups de fouets que nous leur
promettons en suite ce Caresme.

9. Voulons de plus que tous traisneurs de rapieres, querelleurs,
duelistes, ennemis de nôtre Estat, se retirent incontinent
la publication de cette hors de nôtre Royaume, sur peine de la
vie.

10. Enjoignons à tous diseurs de Patinostres, Predicateurs, Chantres
de Psaumes, faiseurs d’exhortations, de se retirer de nos Prouinces
dans trois iours francs, sur les peines que nous aduiserons.

11. Faisons tres-expresses defenses à tous jeusneurs, harangueurs
de chaises, faiseurs d’abstinences & de mort fications, de se trouuer
dans aucunes de nos villes pendant nos réjouïssances, sur peine de
douze liures d’inquietudes, & d’emberliquoqueries, qui leur sera
liuré par nostre executeur d’Arrest ces trois iours de nostre regne.

12. Defendons à toute petite Courtisanne, Damoiseau & autre de
leur sexe, de complimenter à l’accoustumé, sur peine de seize cens
liures de brocards & de moquerie.

13. Commandons à tous auaricieux de se retirer du Royaume, sur
peine d’onze cens liures de repentir, de remords de conscience, de
melancolie, & de tristesse, qu’ils auront durant tout ce Caresme.

14. Ordonnons à toutes personnes de quelque qualité qu’elles
soient, sans argent, sans credit, ou sans inuentions, qu’elles ayent
pour ces trois iours à se cacher dans les priuez des maisons de nos
bons pattelites, pour viure pendant nos réjouyssances à la fumée de
leurs étrons, à l’imitation du cameleon qui ne vit que du vent, sur

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peine d’estre exemplairement punis.

 

15. Commandons à tous ramonneurs, émouleurs, crieurs de
dantelles, d’esguilles de Paris & de Gazettes, de se retirer dans leurs
chambres, pour faire place à nos crieurs d’andoüilles, d’eau de vie,
& de bons pourreaux, sur peine de douze cens liures d’eau chaude,
que nous ordonnons à tous marmittons de leur jetter par les fenestres.

16. Commandons à tous faiseurs d’Almanachs, Astrologues, &
faiseurs d’Horoscopes, de se retirer chez Heraclite le pleurat, pour
ces trois iours, sur peine de mille liures de folie, & des resueries
qu’ils auront pour bonnet de nuict.

17. Ordonnons tres-expressement à tous poissonniers, vendeurs
de harans & de morruës & de sardinnes, de se trouuer dans aucunes
de nos villes, sur peine d’estre tres-exemplairement, & tres-griefuement
punis.

18. Mandons à tous culs camelotez, cuisses goffres, marchandes
de nopces, pois, seves, & largonnes, de vendre dés maintenant leurs
chaudrons pour auoir à boire, & pour dignement nous receuoir selon
nos intentions, sur peine d’estre foüettez par tous les carrefours
de nos vieilles ma querelles.

19. Bannissons hors de nos Prouinces pour ces trois iours tous
Medecins, Apoticaires, faiseurs de bierre, & autres, veu qu’il ne sera
pas de besoin de leurs potions & medicamens, puis que nos pillules
sont propres tant pour vomitoires, que sommitoires, & ferons des
purgations merueilleusement rares dans tout le corps humain ces
trois iours.

20. Voulons pareillement que bien viste se retirent tous amateurs
de pain bio, boaillies, crepes, largonnes, & autres legumages de pareille
nature, sur peine de trente mille liures de cruditez & de vantuositez
que nous leur fournirons pour le reste de leur entretien.

21. Mais nous enjoignons tres-expressement à tous bons Patissiers,
Cuisiniers, Hostes, Vendeurs d’andouilles & de saucisses, &
autres, de s’apprester suiuant nos ordres, & apres auoir fidellement
& ponctuellement obserué le tout cy dessus mentionné.

22. Dimanche vingt-huictiéme du present mois, sur les six heures
douze minuttes du matin, ie feray ma triomphante entrée dedans
vos villes, accompagné du sieur Bacchus, mon tres Cousin,
qui doit marquer les logis, ayant à ma solde Denys Landoüille,

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Iacques Saucisse, François Chapon, Pierre Cocq-d’Inde, Salomon
Paté, Filibert Aloyaux de bœuf, Hubert Mouton, Bastien la Grillade,
Corantin Sallade, & le bon pere Denys, accompagné de Cyprine,
tous nos bien-aimez Confreres, & dans tous ces trois iours
nous vous donnons mes bons patelittes, rabelistes, & esprits sans
soucy, joye, allegresse, paix & contentemens, nous exemptons de
toutes taillies, melancolies, & autre debte, pendant nostre regne, &
vous rendons libres de toute inquietude, turbulances, & autres fascheuses
incommoditez. Defendons à tous Sergens & Harpie de
Iustice de nous molester ces trois iours, & à tous crediteurs de vous
rien demander : car tel est nostre plaisir. Donné au Palais du Carnaual,
Seigneur de Mardy-Gras, ce premier de nostre auant-goust,
mil six cens cinquante, les milles six cens cinquante de son regne.
Ainsi signé, Mardy-Gras, Bacchus, & ses Confreres.

 

MARDY-GRAS.

BACCHVS.

Collationné tres-fidelement à l’original, leu, publié, & affiché par
moy Alliborum, Fripe-sauce, apres la prononciation de cette faite par le
Chancelier Chiflemus, en la grand’Chambre du bon tonneau, afin qu’on n’en
pretende cause d’ignorance. Aisi signé,

ALLIBORVM FRIPE-SAVCE.

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Monsieur le Procureur general des Escornifleurs ayant remonstré
ce matin à nos Chambres, que dans des iours si
celebres que ceux que nous allons posseder, il auroit semblé que par
mépris, ou ingratitude des bons offices que nous aurions toûjours
receu de Messieurs les Escornifleurs, nous n’aurions pas voulu leur
deliurer des Patentes, & Lettres touchant leurs Offices d’escornifleries,
particulierement dans vn temps où ils trouuẽt plus de voyes
d’vser de leurs droicts, & de leurs priuileges : sur quoy il auroit esté
leurs faueurs enuoyé au Lieutenant general de Bacchus ladite expeditions ;
où il leur est permis de iouyr sans estre inquieté de personne
de leurs precedans droicts : Sur quoy nous auons trouué bon
d’inserer & d’attacher aux presentes Ordonnances ladite permission,
dont la teneur est telle.

PRIVILEGES ET FRANCHISES
de Mardy-Gras.

POVR TOVS LES CAVALIERS DE LA
TABLE RONDE.

ATOVS passez, presens & à venir de la part du Lieutenant
general & Controlleurs du Prince Chiflemus Seigneur &
Intendant general pour le Seigneur Mardy-Gras dans son Royaume,
Sans-soucy, Primat souuerain des Escornifleurs, Comte de Haut
appetit, Marquis d’Alteration, Chancellier, Garde des bouteilles
Gouuerneur & Procureur general, Controlleur des viandes, Protecteur
des Officiers du Corps chancellant de l’Vniuersité vineuse,
establie pour l’erudition de la santé des aualeurs de vin sans corde,
dans le détroit de tout le monde, sous la petagogie ioyeuse de toutboira,
leur Intendant general de tous les sieges Bachiques, à nos
amez & feaux & bons amis les gens tenans nos Cabarets, Tauernes,
Hostelleries, lieux de bonne-chere, toutes autres semblables places
& seigneuries à nous appartenantes, Salut, en celuy qui Bacchant
fecit ire rectem. NOVS vous mandons & commandons tres expressement
par ces presentes, qu’aussi-tost, incontinent & sans aucun delay,
vous receuiez & introduisiez à table ouuerte & bien garnie,

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quoy que nous n’ayons pas fait mention d’eux en nosdites Ordonnances,
toutes les personnes cy nommées au present Priuilege,
Desquels nous auons fait preuue suiuant l’Autentique, si quæ lagena
§. bibentib §. de magna potatione, & interrogé sur les principaux
poincts qui concernent le faict de bien boire : Et apres auoir reconnu
qu’ils sont propres à tous ces doux exercices, voulons & entendons
que lesdits priuilegiez iouyssent des graces, franchises, libertez
& immunitez, dont les autres iouyssent, & leurs soient fait bonne
chere, sans qu’ils déboursent argent ny gages, ne qu’ils soient
inquietez ny molestez en aucune façon que ce soit : mais au contraire
que payez pour luy, ainsi que de raison. Faisons inhibitions &
defenses d’autrement les traitter, sur peines reseruées à nôtre generale
table d’écorniflerie, & demande arbitraire. En outre faisons
sçauoir à tous ceux de nôtre cabale, que pour recompenser
tant de leurs biens-faits & merites, que pource qu’ils sont portez
vaillamment à nôtre seruice, ils leurs soient permis de viure iusques
à la mort, en dépit de tous ceux qui y voudront mettre empeschement :
Car tel est nostre plaisir, le souhaittant & desirant ainsi.
Donné en nôtre Conseil entre deux treteaux, siege de raison, lieu
de concorde, l’an dernier apres midy, le premier du temps passé ; &
par commandement de Monseigneur le Lieutenant general.

 

Signé, L’ALTERÉ Greffier de Messeigneurs les Cheualiers
de la table ronde.

Et plus bas,

IAMAIS SAOVL.

Et sur le reply,

CHOV MARIONNIC
FRVCTVS VENTRIS.

Collationné à l’original par moy Secretaire & Garde-des-seaux
ordinaire de Messeigneurs les Cheualiers de la table ronde.

Ainsi signé, RVD-EN SOVPE LE VALEVREVX.

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LE GAILLARD MVSICIEN
ORDINAIRE DV ROY MARDY-GRAS,
Bacchus, & du Seigneur Chiflemus,
Salut.

A tous les Messieurs de la grande Musique du Pont-Neuf.

SCHACHANT que ce seroit faire vn extreme
tort à des iours si celebres que ceux qui s’approchent,
que de ne pas tesmoigner la joye que nous en
auons par des Airs dignes de nostre feste, i’ay voulu vous
faire à sçauoir, que suiuant les volontez de nos Princes,
vous ayez à apprester toute vôtre grande Musique du
Pont-Neuf, vos lanternes & guitteres, pour luy donner
des serennades, i’ay pour cét effect, & vostre plus grande
facilité, composé ces mots, que ie vous supplie de solfier
& d’entonner doctement suiuant vostre Musique ordinaire.

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CHANSON BACHIQVE
à l’honneur du Seigneur
Mardy-Gras.

Mets l’y toy-mesme.

 


I’Ay appris que Mars & Bellonne
Ont voulu rauir la couronne
A nostre Pere Mardy-Gras :
Mais par la vertu de ses charmes
Et la puissance de ses armes
Il les a tous deux mis à bas.

 

 


Dieux ! que c’est vne douce guerre
Celle qu’on fait à coups de verre,
Et à grands coups de ceruelas ;
Bacchus y tient cét empire
Du bon enfant qui ne respire
Qu’au seruice de Mardy-Gras.

 

 


Place, le voicy qui s’approche,
Que l’on mette tout à la broche
Pour le receuoir dignement
Que l’on apporte la bouteille,
Puis qu’elle fait dire merueille,
Que ie luy fasse compliment.

 

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O incomparable Monarque
C’est à ce coup que ie m’embarque
Dans ce vaisseau comme tu vois,
Dans peu de temps par mon courage !
O que ie feray de voyage
Pour publier par tout tes Lois.

 

 


O que de chasteaux en Espagne,
Que ie feray bien de campagne
Mais que i’aye pris de ce ius :
Et plus vaillant qu’vn Alexandre
Ie voudray faire condescendre
Tous les Rois à ton cher Bachus.

 

 


Voicy Camarade nos armes,
Qu’on se prepare aux allarmes
Qui se vont faire en ce lieu :
Et si nous tombons par terre
Ce ne sera qu’à coups de verre
Que nous liurerons pour ce Dieu.

 

 


Frappons, trinquons, trinquons tretou
Pour faire retentir nos coup.
Parmy les meilleurs compagnons
Faisons voir la belle victoire
Que nous remporterons à boire
Sur les plus vaillans champions.

 

FIN.

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