Anonyme [1649], L’ENTREVEVE DE SON ALTESSE ROYALE, DE MONSIEVR LE PRINCE, ET DE MR. DE BEAVFORT, Et leur magnifique Entrée dans le Palais d’Orleans. Ensemble leur entretien touchant les Affaires du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1260. Cote locale : B_9_12.
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L’ENTREVEVE
DE
SON ALTESSE
ROYALE,
DE MONSIEVR LE PRINCE,
ET DE MR. DE BEAVFORT,
Et leur magnifique Entrée dans
le Palais d’Orleans.

Ensemble leur entretien touchant les Affaires
du Temps.

A PARIS.

M. DC. XLIX.

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Avssi-tost que le Courrrier est venu aduertir
S. A. R. de la venuë de Monsieur
le Prince, elle a tesmoigné tant de joye
aller au deuant auec toute sa suitte. Il n’eût pas
plûtost disné, qu’il monta à cheual accompagné
de quantité de Seigneurs & Gentils-hommes,
qui temoignoient tous également sur
leurs visages la réjoüissance de cette heureuse
arriuée, vne prodigieuse quantité de carosses y
estoient accourus pour auoir part à cette Entreueuë,
& toute la pleine au dessous de Villejuif
estoit couuerte de monde, qui attendoit
auec impatience que Monsieur le Prince vint
à paroistre, qu’on disoit n’estre pas beaucoup
loing.

S. A. Royale s’estant auancée iusqu’au pied
de la montagne, enuoya quelques-vns des siens
pour aller reconnoistre la Marche de ce Prince ;
& pour la venir auertir aussi-tost qu’ils l’auroient
découuert.

Ils ne furent pas long-temps perdus de veuë,
qu’on les vit reuenir à toute bride, faisant connoistre
par ce prompt retour qu’il estoit desia
fort proche ; Aussi l’on vit presque en mesme

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temps paroistre vn gros de Caualerie, qui fit juger
indubitablement que c’estoit luy, c’est pourquoy
pour abbreger encor le chemin, afin de contenter
plus viste l’impatience qui tenoit tout le
monde de le voir, S. A. R. qui le desiroit autant
que personne, s’auança autant qu’il pût, & ils
ne se reconnurent pas plustost, que S. A. R.
remarqua Monsieur le Prince, & Monsieur le
Duc de Beaufort, au milieu de cette trouppe.

 

Ces deux Princes de leur costé ayant veu
S. A. R. au milieu des siens, mirent promptement
pied à terre, & marcherent à pied droit
où ils voyoient son A. R. qui de son costé estant
aussi descendu de cheual, les vint embrasser l’vn
apres l’autre, pendant qu’ils luy rendoient leurs
respects par des reuerences continuelles.

Alors S. A. R. ayant pris la parole. Vous
soyez les bien venus, mes chers Cousins, nous
vous attendions auec beaucoup d’impatience,
& nous repartit Monsieur le Prince, nous ne
pouuions estre plus long-temps sans venir
rendre nos deuoirs à V. A. & luy rendre vn
compte exact de tout ce que nous auons fait
pour son seruice. Il est vray, continua Monsieur
de Beaufort, qu’il ne manquoit plus que cela

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à vostre satisfaction & l’honneur que nous receuons
auiourd’huy de V. A. R. nous rend tout à fait glorieux,
en suitte toute la trouppe qui estoit la venuë
pour voir ses guerriers se mit à les caresser & les salüer
par mille compliments, ausquels Monsieur le
Prince ne manquoit pas de repartir en peu de mots,
aussi bien que Monsieur de Beaufort qui à son ordinaire
n’obmettoit rien de cette ciuilité qui luy est
comme naturelle.

 

Enfin s’estant rejoints à S. A. R. ils commencerent
vn discours auec plus de familiarité, laissant à
part le serieux ; Cousin dit-elle à Monsieur le Prince,
ne ririez vous pas de la lettre de Monsieur de l’Hospital,
qui borne vostre victoire au nombre de quatre
cent hommes, cela est bien aysé à dire repartit
Monsieur le Prince, à vn homme qui n’en à rien
veu, il peut bien n’en croire rien du tout, sans pour
cela qu’il y en ait moins, m’a foy dit Monsieur de
Beaufort, cela est bien aysé à dire : mais que cela ne
se fait pas si facilement, vn de la suitte dit tout haut
que c’estoit vn Mazarin & que tous ceux de ce party
ne font autre chose qu’abuser le peuple.

S. A. R. ayant pris Monsieur de Chauigny par le
bras, tenez dit-il à Monsieur le Prince, mon Cousin,
ie vous donne cet homme pour vn franc Mazarin,
ie le connois assez, repartit Monsieur le Prince,
& ie luy suis bien seruiteur.

Mais mon Cousin, interrompit S. A. R. que diriez
vous de la reponse plaisante qu’a fait le Premier President

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aux deputez du Parlement, qui estoient allez
pour faire de tres humbles remontrances à leurs
Maiestez le pense repartit Monsieur le Prince, qu’il
aura apris à parler de puis aussi bien que le sieur
d’Hocquincour qui nous menaçoit de tout perdre.

 

Qu’en dite vous mon Cousin dit S. A. R. à Monsieur
de Beaufort, ie dis Monsieur que nous leur
ferons bien faire ce qu’ils ne veulent pas & que nous
apprendrons bien à tous les Mazarins à parler comme
il faut : car m’a foy ils ne vallent rien à la guerre,
ils ne sont propres qu’à fourber.

Alors Monsieur le Prince prenant vn autre discours,
& regardant son Altesse Royale, pardonnez
moy, luy dit-il, Monsieur, si ie vous dis que i’apprehende
que vous ne vous soyez porté mal depuis que
ie n’ay eu l’honneur de vous voir, car ie vous trouue
vn peu changé. Mais vous, repartit S. A. Royale,
vous me paroissez si maigre & si hallé que vous n’estes
presque pas connoissable, vn homme repartit,
Monsieur le Prince qui n’a point dormy de puis huit
iours peut bien estre tel que vous dites, voyez s’il
vous plaist Monsieur, si Monsieur de Beaufort n’est
pas bien changé & hallé, pour le moins autant
que moy il est impossible dit Monsieur de Beaufort,
d’estre autrement a la guerre : mais nous irons chez
prud homme nous rajuster vn peu, & nous faire lauer.

Mon Dieu mon Cousin, dit S. A. R à Monsieur
le Prince que vostre escharpe est sale ; Monsieur luy

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respondit il, c’est que ie l’ay apportée de Bordeaux.

 

Apres ce petit entretient ils remonterent à cheual,
& au milieu de leurs troupes deuisant tousiours,
& faisant, mille galanteries, ils arriuerent au Fauxbourg
Saint Marcel, où le peuple accouroit à
la soule pour crier viue le Roy & Messieurs les Princes,
& point de Mazarin, de là à trauers de la foule du
monde ils sont venus descendre au Palais d’Orleans,
enuironnez d’vne merueilleuse escorte de braues, entre
lesquels estoient Monsieur de la Roche-Foucault,
Monsieur le Prince de Tarente, Monsieur du
Coudray-Montpensier, Monsieur de Guittault,
Monsieur de Chauagnac & plusieurs autres Seigneurs
& Gentils-hommes, apres quoy suiuoit vn
grand cortege de carosses ; apres celuy de S. A. R.
où estoit Monsieur de Chauigny auec quelques autres
Seigneurs, tous remplis d’vne ioye merueilleuse
de voir ces Princes triomphants en si bonne intelligence,
qu’ils font esperer par leur bonne vnion,
vne paix generalle pour le soulagement du peuple,
qui est rauy de voir ttiompher ses liberateurs, esperant
de là, de voir bien tost l’authorité Royale deliurée
de la tyrannie Mazarine, & le repos & tranquillité
parfaite de cette Monarchie.

FIN.

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