Anonyme [1649], L’ENTREVEVË DV SVLTAN HIBRAIM EMPEREVR DES TVRCS ET DV ROY D’ANGLETERRE, AVX CHAMPS ELYSEES. , françaisRéférence RIM : M0_1261. Cote locale : C_4_7.
L’ENTREVEVË DV SVLTAN HIBRAIM EMPEREVR DES TVRCS ET DV ROY D’ANGLETERRE, AVX CHAMPS ELYSEES. A PARIS, M. DC. XLIX.
L’ENTREVEVE DV SVLTAN Hibraim Empereur des Turcs, & du ROY d’Angleterre aux champs Elisées. Le Roy.
OV courrez-vous donc Empereur, Vous qui fustes nostre terreur, Qui nous faisiez tousiours la guerre Soit sur la mer ou sur la terre, Que faites vous parmy ces lieux, Deuiez vous pas monter aux Cieux, Auec Mahomet le prophete ? La promesse qu’il vous a faite A t’elle si mal reüssi Qu’il vous faille tenir icy ?
Le Sultan.
Maugré soit de la prophetie, De Mahomet & de sa vie, Il a fait de meschantes loix Qui font souuent perir les Roys, Mon col en porte assez la marque Bien que ie sois de vous la Parque ; Mais vous, apprenez moy comment On a remis si proprement Vostre teste en sa mesme place, Sans quoy ie voye aucune trace,
Le Roy.
Est-il possible que l’on sçache Desia cette action si lasche ? Qui vous a dit si promptement Ce méchant traict d’vn Parlement Dont la main fourbe & parricide C’est soüillé d’vn tel homicide ?
Le Sultan.
Ie confesse qu’il a mal fait, Mais n’est-ce pas vn mesme effet Qui m’a mis dans ces noires ombres, Lieux melancoliques & sombres Où tout obiet est déplaisant, Où le Soleil n’est pas luisant, Où les Estoiles & la Lune Sont d’vne couleur toute brune, Où les ames ont des tourmens Chauds, froids, & sans allegemens.
Le Roy.
Vous ne deuez vous plaindre encore De ce grand feu qui vous deuore, Car il y a fort peu de iours Qu’vn demon vous tient dans ces fours Où la flame qu’il vous appreste Passe bien dessus vostre teste, Car c’est pour vne eternité Que ce feu vous est apresté.
Le Sultan.
Roy, vous vous moquez de ma peine, La vostre est-elle plus humaine, Respondez moy donc vistement, Quel doit estre vostre tourment ?
Le Roy.
Mon tourment n’est pas de la sorte, Car vne chose me conforte C’est que i’ay conneu Iesus Christ, Non au mesme point qu’il l’a dit, Mais pourtant ay ie eu la croyance Qu’il auoit beaucoup de puissance, Et qu’en estant resussité Il m’auoit d’icy racheté, C’est pourquoy tu vois que mon ame N’a pas vne si grande flame, Et si i’auons crû quelque peu De me pouuoir purger au feu D’vn plus doux & saint Purgatoire, Ce que ie n’ay point voulu croire, Bien asseurement que ma mort Auroit peu rabonnir mon sort, Et que ma honte & mon supplice Auroient sçeu tout purger mon vice, Comme il faut apres le trespas Que l’esprit se purge icy bas. Mais qui sont ces ames dolentes Qui paroissent tant excellentes, Et dont les souspirs redoublez Monstrent que leurs cœurs sont troublez ?
Le Sultan.
Mahommet, qui plus il soupire Et plus son tourment deuient pire, Est dans cet endroit qui gemit D’auoir tout perdu son credit, Et son Moyne accablé l’accuse De n’estre mort que par sa ruse, Apres l’auoir bien secondé Se rendant par ce procedé Le maistre de ces loix infames Qui perdent tous les iours tant d’ames, Et qui font chez vous le mépris De tous les peuples circoncis.
Le Roy.
Mais changeons vn peu ces pensées, Car iamais nos fumées passées N’a moindrirons nostre soucy Pendant que nous serons icy, Dites moy quelle fut la cause D’vne si deplorable chose Quand le Muet noir vous sangla Du licol qui vous estrangla.
Le Sultan.
Le dépit qui poussa ma mere Me causa ce piteux affaire, Car vne femme ale pouuoir De tout faire & de tout sçauoir Quand elle conçoit vne rage Mesme contre vn fils qui l’outrage La mienne m’a causé la mort,
Le Roy.
La mienne n’est pas trop commune Parmy les peuples d’Occident, Et n’eust esté qu’vn impudent, Vn traistre, vn meschant, vn infame, Vn Scelerat qui n’a point d’ame, Vn perfide, vn dissimulé Qui m’a meschamment decelé M’a reduit à perdre la vie Par la plus estrange infamie Où iamais vn Roy s’est trouué Iamais ie n’aurois éprouué La main de ce bourreau barbare, Donc l’acte chez nous est si rare Qu’il n’y a point de nations Qui ne blasment ses actions. Et afin que tout l’Enfer sçache Quel est ce meschant & ce lasche, Et pour respandre icy son renom Ie vous veux apprendre son nom. Farfaix, est ce traistre homicide De son Prince, & qui fut le guide, Secondé de Cromvvel aussi Du dessein qui m’a mis icy, Le Parlement par sa menée A ma teste à mort condamnée Et deuant ma propre maison Executa sa trahison,
Le Sultan.
A quoy sert de vous attrister, Il n’est plus temps de lamenter Et il vous fait prendre patience. Roy, quittez-moy tout ce soucy, Nous en auons assez icy. Ie vay m’enfoncer dans la flame, Adieu, tu ne vois plus mon ame.
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Anonyme [1649], L’ENTREVEVË DV SVLTAN HIBRAIM EMPEREVR DES TVRCS ET DV ROY D’ANGLETERRE, AVX CHAMPS ELYSEES. , françaisRéférence RIM : M0_1261. Cote locale : C_4_7.