Anonyme [1649 [?]], L’ENVOY A PARIS D’VN HERAVLD D’ARMES DE LA PART DV ROY, ET CE QVI S’EST PASSÉ EN SVITE. , françaisRéférence RIM : M0_1262. Cote locale : A_1_17.
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L’ENVOY A PARIS D’VN
HERAVLD D’ARMES
DE LA PART DV ROY,
ET CE QVI S’EST
PASSÉ EN SVITE.

Leurs Majestez averties que les Parisiens avoyent
si bien fermé toutes les avenuës aux paquets
qui leur arrivoient de la Cour, qu’ils n’avoyent
pas esté informez des derniéres Déclarations
du Roy, ni des autres resultats du Conseil, &
sçachant que l’ignorance peut causer la faute,
se résolurent l’onziéme de ce mois de Février,
de leur oster tout prétexte d’excuse, envoyant à
Paris vn Hérauld d’armes pour les en informer,
ainsi qu’il s’est souvent pratiqué, non en pareilles rencontres, car il ne
s’en est point veu & ne s’en trouvera paravanture jamais de semblables,
mais lors qu’on ne se peut autrement faire entendre : & le lendemain
12, Leurs Majestez le dépeschérent de S. Germain à Paris, avec
l’instruction suivante.

Instruction au sieur de Loyaque, Herauld d’armes de France, du tiltre
de Navarre, s’en allant à Paris de la part du Roy.

Arrivant à Paris, il demandera d’estre mené au Palais, à la seance
que continuë de tenir la Cour de Parlement : où estant introduit,
il lui parlera aux termes qui suivent.

A vous, Présidens & Conseillers, le Roy mon Maistre & le vostre
m’a envoyé ici, de l’avis de la Reine Régente sa Mére, pour vous
signifier & mettre en main la Déclaration qu’il a fait expédier, portant
supression de toutes vos charges, en cas que dans huitaine vous
ne sortiez de sa ville de Paris, voulant bien conserver neantmoins les
Offices de ceux qui se rendront pres de lui dans ledit temps.

Et d’autant que Sa Majesté a apris que ladite Déclaration, quoy

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qu’expédiée des le vingt-troisiéme du mois passé, n’est pas venuë à la
connoissance de la pluspart de vous, par les diligences qu’on a faites
pour l’empescher, Sa Majesté, outre les huit jours qui doivent estre
comptez du jour de sa date, & qui sont expirez, vous en donne encor
quatre pour y obeyr, qui ne courront que d’aujourd’huy, que je vous
en fais la signification de sa part.

 

Et comme Sa Majesté est sensiblement touchée des miséres & des
souffrances de son pauvre peuple de Paris, & qu’elle ne veut rien obmettre
de son costé pour les en délivrer, Sa Majesté m’a commandé
de l’avis de la Reine Régente Sa Mere, de vous déclarer qu’afin qu’aucun
de vous n’ait excuse, ni mesme le moindre prétexte aparent de demeurer
plus long-temps dans la desobeïssance, Elle donne pleine &
entiere seurté pour la personne, & pour les charges & biens de tous
ceux qui sortiront de Patis, sans exception d’aucun : Et Sa Majesté
promet en foy & parole de Roy, qu’il ne sera touché ni fait aucun tort
à leurs personnes ni à leursdits biẽs & charges, obeïssant dans le temps
qu’elle vous prescrit.

Que si apres vn si grand effet de clémence & de bonté vous vous opiniastrez
encor dans la desobeïssance à vostre Maistre & Souverain : j’ay
charge de vous dire que vous n’en devrez plus attendre à l’avenir,
d’autant moins que vous serez la seule cause des souffrances du peuple
de Paris, & des autres maux qui en arriveront.

Ayant achevé, il leur baillera la Déclaration du Roy, & la présente
instruction pour leur servir de seureté de la fidelle execution de tout ce
qu’il leur aura dit de la part de Sadite Majesté. A S. Germain en Laye, le
12 Février 1649. Signé, LOVIS, & plus bas, DE GVENEGAVD.

De là il ira à l’Hostel de Ville : où estant introduit, il leur dira.

A toy Prevost des Marchands, Eschevins, Conseillers, Quarteniers
& peuple de Paris, Le Roy mon Maistre & le vostre, m’a
envoyé vers vous pour vous porter cette Déclaration que j’ay charge
de vous lire : Et apres qu’il l’aura leuë, il leur dira que le plus fort motif
qu’ait eu le Roy, pour l’envoyer porter des marques de sa bonté au
Parlement, & au Prince de Conty, & autres Princes & adherans, ainsi
qu’ils verront par les Déclarations, a esté celuy de donner le repos à sa
bonnë ville de Paris, retirer les habitans du mauvais pas où ils se sont
laissez entraisner, & les délivrer des malheurs qui leur sont inévitables
s’ils persistent plus long-temps dans leur aveuglement : & qu’ils
peuvent bien connoistre si l’affection de Sa Majesté pour eux & sa
tendresse est extraordinaire, puisqu’elle prend plus de soin de leur en
donner des preuves lors mesme que Dieu favorise plus ouvertement

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la justice de ses armes par les bons succez qu’il leur a donnez depuis
peu. A S. Germain en Laye, le 12 Février 1649. Signé, LOVIS, & plus
bas, DE GVENEGAVD.

 

De là il demandera d’estre mené au Prince de Conty, & y estant,
luy parlera en ces termes.

A toy Armand de Bourbon, le Roy mon Maistre & le tien, m’a envoye
icy de l’avis de la Reine Regente Sa Mere pour te signifier &
mettre en main la Déclaratiõ qui te déclare, & les Princes, Ducs, Pairs,
Seigneurs, & tous autres tes adhérans, criminels de léze - Majesté à
faute de se rendre pres de sa personne dans trois jours : Et d’autant que
peut estre ladite Déclaration n’est pas venuë à ta connoissance ni des
autres tes adhérans, Sa Majesté de l’avis de la Reine Regente sa Mere,
m’a commandé de te dire qu’elle te donne encor & à tous les autres tes
adhérans, quatre jours qui ne courront que d’aujourd’huy, pour se rendre
pres d’elle : Et afin que ni toy ni eux n’ayez aucune excuse de demeurer
plus long temps dans la desobeïssance, Sa Majesté de l’avis de
la Reine Regente sa Mére, m’a commandé de te dire qu’elle te donne
pleine & entiere seureté pour ta personne, pour tes charges, biens &
gouvernemens ; comme aussi qu’elle acorde la mesme grace & seureté
aux Princes, Ducs, Pairs, Seigneurs & autres tes adhérans, en cas que
toy & eux se rendent dans ledit temps aupres d’elle. A faute dequoy &
ledit temps passé, j’ay commandement de te dire, que toy & tes adhérans
auront encouru les peines portées par ladite Déclaration, sans
espérance de pouvoir obtenir autre delay.

FAIT à S Germain en Laye, le douziéme jour de Février 1649
Signé, LOVIS : Et plus bas, DE GVENEGAVD.

Mais ces bonnes volontez du Roy demeurérent sans effet : Car ce Hérauld
estant le mesme jour parti de ce lieu de S. Germain avec deux
Trompettes du Roy, pour exécuter les ordres qu’il avoit receus, arrivérent
bien sur les 7 à 8 heures du matin pres la porte de S. Honoré,
l’vne des seize de cette ville-là, mais ils furent arrestez par la sentinelle :
De sorte que les Trompettes ayant fait vne chamade, le Herauld demãda
à parler à celuy qui commandoit à cette porte. Auquel ayant fait
entendre ses ordres, apres le delay pris par le Capitaine de la compagnie
qui gardoit cette porte, pour en aller dõner avis à l’Hostel de Ville,
au Parlement & au Prince de Conty : on rendit response audit Herauld
sur les 3 heures apres midi de la part du Parlement, que par respect
ils n’avoyent osé le recevoir ni escouter, veu que cela n’apartient
qu’à des Souverains (bien que l’ancien stile de ces mots, Le Roy mon

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Maistre & le tien,ne se puisse adresser à vn Souverain, mais seulement à
vn sujet :) adjoustans qu’ils avoyent député pour faire entendre les submissions
de leur Compagnie à Leurs Majestez, s’il leur plaisoit de leur
envoyer passeport. Sur quoy le Hérauld ayant répondu qu’il n’avoit
autre charge que d’exécuter ses ordres susdits, & ayant sommé ceux qui
parloyent à luy de l’introduire dans la ville à cette fin, sinon recevoir
ses paquets pour les donner à ceux à qui ils s’adressoyent, il en fut
refusé : pour lequel refus ledit Hérauld fit faire sa seconde chamade à
la barriére de la mesme porte, à laquelle vn autre Capitaine qui avoit
relevé le précédent, ayãt aussi fait vn secõd refus : on vint dire au Herault
de la part de la Maison de Ville & du Prince de Conti, qu’ils ne pouvoyent
faire autre responseque celle que ledit Parlement lui avoit fait
faire, ni recevoir lesdits paquets.

 

En suite de quoy sur le nouveau refus de l’introduire en la ville
& de recevoir les paquets, la nuit estant fort avancée & les gardes
s’estans retirez, le Hérauld differa jusques au lendemain à faire
sonner sa troisiéme chamade : apres laquelle il exposa à haute voix sa
commission, & nul ne se voulant charger de ses paquets, il fut contraint
de les laisser sur la barriere, enjoignãt au Capitaine y cõmandant de les
distribuer à ceux à qui ils estoyẽt adressez : il se retira, ayãt laissé parmi
la foule deux personnes inconnuës aux autres, pour luy dire ce que deviendroyent
lesdits paquets : qui luy ont depuis raporté qu’incontinent
apres son depart ils avoyent esté pris par les mesmes soldats de la garde
qui estoyent rentrez dans la ville ayant refermé les portes sur eux.

Nonobstant tous lesquels refus, la bonté du Roy fut telle, qu’on leur
envoya des passeports pour escouter icy leurs Députez : lesquels ayans
esté favorablement receus, lors qu’ils en faisoyent le raport en leur
Compagnie, les mal intentionnés y firent entrer vn Envoyé de l’Archiduc
pour y faire des propositions au préjudice du service du Roy &
de l’Estat : ce qu’autresfois le Parlement de la Ligue ne voulut jamais
permettre à trois Ambassadeurs d’Espagne. Sur lesquelles propositions
ayant esté résolu de députer vers Sa Majesté : Sa bonté a encor esté si
grande, que sans s’arrester à la faute d’avoir refusé l’entrée à vn Herauld
de sa part, & receu vn Envoyé de la part de ses ennemis, Elle
les a de nouveau gratifiez d’vn passeport pour les entendre : en conséquence
duquel ils couchérent hier à Ruel, & sont icy attendus aujourd’huy.

Voyez (peut dire à tout le monde Sa Majesté Tres-Chrestienne
apres la Divine) & jugez qui a le tort de moy ou de mon peuple.

A S. Germain en Laye, le 25 Février 1649.

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