Anonyme [1649], L’ESPERANCE DE LA PAIX, ET DE L’ABONDANCE DES VIVRES A PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_1276. Cote locale : C_7_79.
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L’ESPERANCE
DE LA
PAIX,
ET DE
L’ABONDANCE
DES VIVRES
A PARIS.

IL n’est rien de si beau que la paix,
c’est elle qui fait fleurir les Cités, qui
r’amene l’abondance dans les villes,
qui fait redouter les Royaumes bien
vnis : Mais comme le Soleil n’aist d’vne couche
obscure qu’apres la tempeste vient le beau temps,
qu’vn contraire semble engendrer son contraire.
Il semble que de la guerre vient la paix, &
que bien souuent de l’abondance n’aissent les desordres
& les diuisions, sans qu’on s’en puisse imaginer
la cause, bien souuent elle vient aux hommes

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comme pour chastiment que Dieu leur enuoye
quelquefois pour esprouuer leur patience,
quelquefois pour leur faire faire difference du
bien & du mal. Mais tousiours pour les aduertir
de tourner les yeux vers le Ciel pour implorer les
benedictions de Dieu qu’il départ à ceux qu’il aime.
Enfin nous voyons que la prouidence de
Dieu qui nous conserue depuis deux mois de desordre,
n’auoit leué son bras que pour nous aduertir
qu’il falloit auoir recours à luy en nos tribulations :
C’est luy qui de son Trône flechit les
cœurs des Roys & des Reynes : c’est luy qui d’autre
fois tira l’eau d’vn rocher qui fendit les eaux
de la mer Rouge qui deffit l’armée de Pharaon, &
qui nourrit dans le desert son peuple esleu du pain
des Anges de cette manne admirable qui tomboit
sur leurs testes comme sur nos toicts la rosée.
Enfin nous auons esperance en ce temps que ses
bras ne sont point plus cours qu’au temps de nos
freres, nous auons veu cette grande ville entourée
de multitude de gens de guerre pour nous affamer,
nous auons veu vne grande Reyne animée
sans succés contre vn monde d’innocens des Princes
liez à la protection d’vn estranger employez
à venger vne offence imaginaire. Toutefois cõme
si tout d’vn coup Dieu auoit dissipé ce nuage au
mesme temps qu’on venoit nous declarer la guerre
par vn Heros, le Parlement par sa prudence admirable

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auroit tiré du miel du plus parfait poison
qui fut iamais, il auroit enuoyé dire à la Reyne
qu’il n’auoit de souueraineté que celle qu’ils empruntoient
du Roy, & qu’ils exerçoient sous son
authorité, qui n’auoient que des vœux, des sousmissions
& des prieres, pour tout ce qui portoit
son caractere, cela fut dit auec tant de graces &
de bonheur par Messieurs les Gens du Roy, qui
tout incontinent il a semblé que le charme fut
deffait, on a consideré comme en vn songe lors
qu’on s’esueille le desordre où on se rencontroit,
la Reyne à la compassion de tant de sang respandu
mal à propos de voir la plus grande ville du
mõde exposée à vne cherreté de viures, elle qui est
la pepiniere de tous les braues de la guerre, le veritable
patrimoine de nos Roys, & la distribution
des honneurs, la mere nourriciere des Vertus, des
Arts & des Sciences. Et en vn mot Paris la Reine
des Cités de toute la terre, elle a consideré qu’il
estoit honteux à la France de voir deux freres Generaux
d’Armées l’vn contre l’autre de voir des
parricides, des fratricides, & autres detestables & dãnables
actions en vsage, & qu’il n’estoit pas iuste
que la pureté de nos Fleurs-de-Lys fussent rougie
du sang des suiets du Roy, & qu’il n’auoiẽt que de
bonne & de sincere intentions. Enfin elle a tesmoigné
qu’elle vouloit appaiser nos troubles, &
rendre le calme à cet Estat apres vne si horrible

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tempeste. Elle a ordonné vne Conference, Messieurs
de la Cour de Parlement l’ont acceptées
auec ioye & reconnoissance d’obligation de
vouloir les entendre à leurs propositions, ils
ont deputé Monsieur le premier President, Messieurs
de Mesmes, le Coigneux, & de Nesmonts,
Messieurs de Longüeil & Menardeau,
Conseillers de la grand’Chambre : Messieurs
de la Nauue, le Cocq, Bitaut, Violles, Pallüau,
le Fevre, Conseillers des Requestes : & Monsieur
Brisonnet Maistre des Requestes ; personne de
probité & integrité reconnuë, qui mesnageront
auec intelligence & esprit les affaires de toute la
France, ils feront connoistre à la Reyne les bonnes
& sinceres intentions du peuple & de la ville
de Paris : Ils suppliront Sa Majesté de vouloir r’amener
le Roy à Paris, de reigler les finances & la
police du Royaume en telle sorte que toutes les
anciennes Ordonnances soient renouuellées, &
que la cause du mal soit absolument ostée : Que
la paix vniuerselle qui nous est offerte soit acceptée,
& que nous voyons apres tant de fer & de
malheurs cet âge d’or tant desiré, & que nos peres
ont d’autrefois receu sous le regne glorieux
d’Henry le Grand de tres-heureuse & incomparable
memoire. Par la nous verrons l’abondance
regner en toutes choses, la Couronne restablie
dans tous les endroits du Royaume, le regne

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des Partisans & Intendans renuersé, les Officiers
executer leurs charges auec honneur, tout le
monde viura content, & heureux le Roy adoré
de ses suiets, la Reyne hautement loüée en son
administration, & benie de toutes les nations du
monde. Il me semble que ie voy desia les preparatifs
de nos feux de ioye, que nous allons
chanter des actions de graces & de loüanges dans
ce sainct Temple consacré à la saincte Mere de
Dieu, que les Cieux sont aduertis pour receuoir
b/> nos vœux, & que l’air est parfumé de nos encens.
Enfin toutes choses nous presagent vne agreable
tranquillité, & nous asseure que nostre repos
est prochain, que nos armes qui n’ont esté leuée
que pour nous empescher de l’opression seront
bien tost misses en repos pour long temps, & que
le fer ne sera plus occupé qu’à cultiuer la terre qui
nous rendra pareille abondance de biens qu’elle
rendoit en cet âge pur & innocent de nos peres.
Enfin les promenades & les occupations innocentes
vont encore estre de la mode & du temps :
On ne se tuera plus au Palais pour apprendre des
nouuelles de nos malheurs, on aura à choisir, comme
à l’ordinaire, ses conuersations & ses diuertissemens :
Nous verrons tous nos Prince de retour
en cette ville sans aucune animosité ny rancune,
chacun possedera ses honneurs & ses qualitez sans
aucune ialousie : La Reyne, toute bonne comme

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elle est, reconnoistra ses bons seruiteurs, le Roy
sera craint, aymé & obey, il s’vnira auec tous les
Princes Chrestiens pour aller arborer nos Fleurs-de-Lys
dans la Palestine, nous le verrons comme
vn autre sainct Louys couronné en Hierusalem,
& se mettre en possession de tous ses Royaumes
qu’ont possedé ses glorieux Predecesseurs.

 

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