Anonyme [1649], L’ESTAT DE LA MARCHE ET LE LIEV OV EST A PRESENT L’ARMÉE DE L’ARCHIDVC LEOPOLD, COMMANDÉE PAR le Marquis de Noirmonstier, & le Comte de Fuensaldaigne, auec ce qui s’y est passé de memorable. , françaisRéférence RIM : M0_1290. Cote locale : A_3_27.
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L’ESTAT
DE LA MARCHE
ET LE LIEV
OV EST A PRESENT L’ARMÉE
DE
L’ARCHIDVC
LEOPOLD,

COMMANDÉE PAR
le Marquis de Noirmonstier, & le
Comte de Fuensaldaigne, auec
ce qui s’y est passé de memorable.

A PARIS,
Chez la vefue d’ANTOINE COVLON,
ruë d’Escosse, aux trois Cramailleres.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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L’ESTAT DE LA
Marche, & le lieu où est à present
l’Armée de l’Archiduc
Leopold, commandée par le
Marquis de Noirmonstier, &
le Comte de Fuensaldaigne :
auec ce qui s’y est passé de plus
memorable.

ENCORE que les presens qui
partent de la main d’vn Ennemy
doiuent porter ombrage à
celuy qui les reçoit ; & que tenir ses faueurs
pour suspectes, soit vne maxime
approuuée de tous les siecles : Il faut toutefois
auoüer que les avant vne fois receuës,
nous ne pouuons sans ingratitude
& lascheré luy en desnier la reconnoissance.
Ie sçay bien que cette lorte

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de bienfaits est souuent interessée, &
qu’vn Ennemy se couurant du pretexte
de nostre bien, a le sien propre pour
principal objet : Mais, quoy qu’il en soit,
quoy que le plaisir qu’il nous fait, luy soit
plus profitable qu’à nous-mesmes, si tost
que nous en acceptons l’offre, & que
nous ressentons l’effet, nous nous
engageons à le reconnoistre. Ie suis
François & de naissance & d’inclination,
c'est à dire, du nombre de ceux qui ne
peuuent vouloir du bien aux Ennemis
de la France. Mais tout François
que ie suis, i’auouë que ce que ie viens
de dire n’est qu’en faueur de ceux qui
de tout temps ont pris à tasche de ruiner
ma patrie. Non, ie ne rougis point
de dire que l’Espagne, qui n’a laissé passer
aucun siecle depuis le commencement
de sa Monarchie, qu’elle n’ait signalé
par ses guerres contre nous, oblige
auiourd’huy la France à luy vouloir
du bien, & la loüer de sa generosité.

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Hé ; quoy ? cette Ambitieuse, qui vouloit
cy-deuant tout voir au dessous
d’elle, & ne pouuoit souffrir la moindre
iniure : l’Espagne, qui depuis quelques
années tiroit ses auantages de nos
dissentions, apres s’estre veuë reduite en
nos dernieres guerres aux termes de son
plus grand abbaissement, dépose aujourd’huy
ses ressentimens, & cette fierté
qui la rendoit insupportable ; & loin de
se seruir de l’occasion, qui luy est offert
par nos discords intestins, pour en quelque
façon reparer sa honte & ses pertes ;
elle semble se dépoüiller de ses interests
propres pour espouser les nostres. Nos
frontieres desgarnies d’hommes & de
munitions, semblent l’inuiter à s’en emparer,
elle les laisse en repos ; la paix luy
est offerte auec des conditions auantageuses,
elle la refuse, & nous informe
des pernicieux desseins d’vn infidele Ministre ;
nos genereux defenseurs & nostre
auguste Senat, veulent chasser le

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Perturbateur & cet Ennemy de l’Estat,
elle nous offre & nous souldoye ses
troupes, pour acheuer cette loüable entreprise.
Certes, ie ne sçaurois considerer
le procedé de cette genereuse ennemie,
que ie ne l’estime digne de loüange :
Car de dire Aliquis later error equo, ce
n’est plus mon sentiment, & ie crois
qu’elle n’a pour but que sõ bien & le nostre,
depuis que i’ay esté le tesmoin de ce
que ie vay reciter : Estant à Guise le 19. de
ce mois, la curiosité me porta à voir l’armée
de l’Archiduc Leopold, qui n’en
estoit eloignée que de trois petites
lieuës, le bonheur voulut que i’y arriuay
le iour que s’en faisoit la reueuë en presence
de Monsieur le Marquis de Noirmontier,
qui l’auoit iointe dés le seize du
mesme mois : là ie m’enquis à quelques
Officiers, & mesme aux soldats, du dessein
qui les amenoit en France, & ie
connus par leur response la sincerité de
leurs intentions : car tous me dirent que

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leur dessein n’estoit que d’y venir chercher
la Paix ; qu’ils n’auoient aucun desir
d’y combatre, que contre celuy qui depuis
long temps en estoit l’empeschement,
& que l’Archiduc & leur Plenipotentiaire
n’auoient voulu accepter celle
qu’il leur auoit depuis peu offerte, preiugeant
bien que leur estant trop auantageuse,
elle ne pourroit estre de durée,
& que le traistre (c’est le nom dont ils
baptisent le Cardinal Mazarin) ne cherchoit
à venir à bout de ses pernicieux
desseins, que pour nous engager dans
vne plus cruelle guerre que la precedente.
Cette response me surprit grandement,
& la posterité aura peine de croire
que les Espagnols ayent eu tant de charité
pour les François, si elle n’est informée
que le Cardinal Mazarin en fut le
sujet.

 

Cette Armée a pour General le Comte
de Fuensaldaigne coniointemẽt auec
Monsieur le Marquis de Noirmonstier :

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Elle est composée de quatre mille Cheuaux,
& deux à trois mille fantassins. Le
poste qu’elle occupe est proche de Vadancour,
sur la riuiere d’Oyse. L’arriere-garde,
qui demeure sur la frontiere, est
commandée par l’Archiduc Leopold
en personne, & est composée de six mille
fantassins & trois mille Cheuaux. C’est
chose digne de remarque, qu’il se commet
moins de desordre parmy lesdites
trouppes que dans la ville la mieux policée ;
& que nos ennemis exercent chez
nous vne discipline militaire ; non seulement
plus exacte, que nos trouppes
mesmes, mais plus austere que celle qui
rendit les Romains si recommandables.

 

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