Anonyme [1649], DISCOVRS D’ESTAT ET DE RELIGION, Sur les affaires du Temps present. A LA REINE. , françaisRéférence RIM : M0_1106. Cote locale : C_7_36.
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DISCOVRS D’ESTAT
ET DE RELIGION,
Sur les affaires du Temps present.

A LA REINE.

MADAME,

Nous ne pensons iamais qu’à ce qui nous flatte, quand la prosperité
nous aueugle, & le charme que nous y trouuons nous diuertit
de tous autres objets. Nous ne prenons plaisir qu’à regarder les
fleuues de delices qui coulent deuant nos yeux, & nous ne voulons
pas presumer que la source en puisse tarir. Chacun se persuade que
les temps n’ont point de vicissitudes pour luy, & que la fortune qui
a trompé les autres, ne luy sçauroit estre infidele. La faueur se rit
des exẽples, & les plus sanglans tournent tousiours dans son esprit,
à la confusion de ceux que le malheur a surpris en mesme point.
Quand l’authorité est montée sur son trosne, elle voit tout sous ses
pieds, & s’imagine que tous les cœurs l’adorent, ou degré, ou de
force, comme les langues des Flatteurs qui l’enuironnent. Vostre
Majesté en a tant fait d’experience, MADAME, que nous ne
sçaurions croire qu’elle ait esté preuenuë en cette rencontre par
faute de connoissance, & que sa vertu se soit dementie elle-mesme
à credit, pour nous frustrer de nos esperances. Nous auons trop veu
de marques de sa pieté, pour estimer que de si belles fleurs ayent

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pu faire germer des fruits si amers, & qu’vn si noble edifice se soit
renuersé sur de si solides fondemens, sans vne cause étrangere. Ce
sont peut-estre nos pechez, MADAME, qui nous ont attiré ce
changement, pour nous apprendre que la prudence humaine n’est
que folie deuant Dieu, & que nous ne deuons establir de confiance
qu’en luy. Nous voyons clairement que ses verges ne nous sont pas
moins necessaires que sa consolation, & que personne ne se peut dire
fort qu’apres l’espreuue. Nous faisons beaucoup de vœux dans
la tempeste, qui s’éuanoüissent au port, & laissons ordinairement
des impressions de nous dans nostre affliction, qui se conuertissent
en reproches aussi-tost qu’elle a changé de face. Nostre esprit est si
foible, qu’il ne sert que de ioüet aux vents, & nous rendons souuent
nostre Sentence plus solennelle par la condẽnation d’autruy. Nous
ne sçaurions nous plaindre de la droicture des intentions de vostre
Majesté, ny regarder les commencemens de vostre Regence, sans y
voir reluire de grandes benedictions : & nous ne pouuons comprendre
pourquoy elles sont si visiblement décheuës, sinon que nous en
ayons plustost voulu attribuer la cause à la conduitte des hommes
qu’à Dieu. Les moindres manquemens de cette nature enuers luy
en attirent d’autres, & les Rois doiuent prendre garde sur tout à
ne se laisser pas surprendre. Il est plus jaloux de leur deuoir en ce
point, que de tout le reste des hommes : parce qu’il ne leur a mis le
Sceptre en main, que pour luy rendre les premiers hommages, & le
faire reconnoistre à leur exemple entre les peuples. Souuenez-vous
MADAME, de ce qui vous fut dit en 1646. dans vne celebre
harangue, que vous auiez triomphé iusques-là de vos ennemis, parce
que Dieu auoit pris vostre cause en main : & que si vous abandonniez
la sienne, vos ennemis triompheroient de vous. Les impies
d’vn Estat sont comme vn air corrompu, qui attire la peste, & la negligence
de ceux qui ont droict de le purifier, est vn peché qui
se respand par tout. Les innocens y sont punis pour les coupables,
par l’attachement que Dieu a mis entre les Rois & les Peuples.
Mais quand les Peuples ont esté punis pour le peché des Rois, il ne
manque iamais de chastier les Rois, pour venger le sang des Peuples ;
Ses jugemens sont des abysmes que nous ne sçaurions comprendre,
& sa Iustice y regne éternellement. Nous ne croyions pas
que vos paroles eussent voulu trahir vos pensées en cette occasion,

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ny que vous ne luy eussiez offert de l’encens qu’en apparence, pour
éluder en vostre cœur le chastiment d’vne impieté, qui pourroit
arrester son ire. Mais nous trouuons que toutes nos affaires se sont
decreditées depuis à veuë d’œil, & que les auantages que nous
auions acquis, sont retournez de succez en succez du costé de nos
ennemis. Nous refusasmes deslors la Paix, que nous pouuions donner
heureusemẽt à toute la Chrestienté, & la retenir glorieuse pour
nous. Les armes du Roy souffrirent incontinent apres vn affront
deuant Lerida, entre des mains qui auoient toûjours esté victorieuses.
Nous n’essayasmes de le reparer que pour en receuoir vn plus
grand, & comme si nous eussions esté frappez d’aueuglement, nous
nous arrestasmes à des spectacles profanes de farces d’Enfer, & de
machines qui suoient du sang du Peuple, cependant que nous
voyons le frere d’vn Empereur arriuer aux Pais-bas, pour releuer
les affaires de la maison d’Autriche : nous luy dõnasmes le tẽps d’attaquer
Armentieres, qu’il emporta à la face du Roy. Nous ne peusmes
empescher qu’il ne choisist encore Landrecies : & sembloit que
vos Majestez ne se fussent acheminées sur la frontiere, que pour
assister à ses triomphes. Les Hollandois, qui nous auoient tãt d’obligatiõ,
se sont separez de nos interests. Le Duc de Bauieres a trouué
nos Conseils si foibles, qu’il s’en est joüé, & les Suedois nostre corde
si mal tenduë, qu’ils sont enfin sur le poinct de briser l’arc auec
nous. L’entreprise de Naples a esté si precipitée, ou si mal digerée,
qu’elle n’a seruy qu’à rendre le Roy d’Espagne plus redoutable en
Italie à nos Alliez. Cette Campagne a si tristement commencé, que
nous auons perdu Courtray, qui tenoit toute la Flandre en eschec,
à la teste de la plus puissante armée que nous eussions encore mis sur
pied, & qui n’a pu déployer le bras pour le secourir, en vertu de la
Citadelle qui nous y faisoit iour, non plus que si elle eust esté charmée.
La prise d’Ipre n’a fait qu’en colorer le dueil, & nostre dessein
sur Ostende, si funeste à nos meilleurs Soldats, que le rengreger.
Toutes ces suittes de disgraces, MADAME, monstrent bien qu’il
y a quelque secret dans nos affaires qui nous assiege, & qui destourne
depuis deux ans le cours de nos prosperitez. Nous ne le pouuons
attribuer qu’à Dieu, qui les retire, & qui les élargit quand il luy
plaist, comme le Dieu des batailles ; & qui pese tous nos mouuemens
à la balance. Si nous voulons examiner ces succez par le détail

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de la prudence humaine, nous y trouuerons des defauts qui ne
sont pas excusables, & sans les decider par les euenements que la
simple apparence nous découuroit assez quelle voye nous y deuions
tenir de rejetter la Paix dans vn temps, où nous auions desia
veu, que les sources de l’Estat, épuisées ne laissoient plus de resource
au Roy pour continüer la guerre, qu’en la faisant à ses propres
Sujets. Cela ne se peut expliquer, que par la ialousie d’vn Ministre
qui croit ne pouuoir regner que par la confusion : & de passer outre,
apres auoir tant de fois esprouué, que la necessité qui n’a point de
loix, portoit les peuples de toutes parts par les Prouinces aux souleuemens :
Nous ne pouuons taire qu’il falloit que le Ministre y
prefera ses interests particuliers à ceux du Royaume ; de sorte que
nous pouuons dire qu’il n’a point fait de difficulté de nous dépoüiller
de nos Alliances pour se maintenir, & que par l’ignorance
ou infidelité, il nous a reduits enfin à n’auoir point de recours qu’à
nous mesmes. Apres cela, MADAME, nous croyons que vous
ne trouuerez pas mauuais, que nous nous releuions de nostre assoupissement
& que ceux qui sont les plus interessez au seruice du
Roy, & au bien de l’Estat, s’entremettent de vous en donner aduis :
beaucoup d’yeux ont plus de lumiere qu’vn seul, & le deuoir naturel
des Sujets enuers leur Prince, est tousiours moins suspect que le
seruice d’vn Estranger, qui ne sçait pas à peine parler sa langue, s’il
ne s’est pu tenir d’auoüer tant de fois, qu’il ne sçauoit pas les maximes
de l’Estat. Il n’y a personne qui ne l’estimast in capable de le
gouuerner au dedans, quand sa conduite ne l’auroit pas tesmoigne,
& s’il s’est montré si foible au dehors, qu’il n’a sceu maintenir les
principales Alliances auec tant de fortes considerations. Nous n’en
pouuons dire autre chose, sinon qu’il y a grandes differences entre
les talents d’vn Postillõ d’intrigues, & le gouuernement d’vne puissante
Monarchie. Nous sçauons bien que son faste n’a pu ébloüir
que des yeux debiles, & qu’en diuertissant la force de nos armes à
Orbitello, Piombino & Portolongone, au lieu de les employer dans
cette conioncture en Catalogne ; ce ne pouuoit estre que pour
éluder nos progrez, ou se faire redouter en Italie, au lieu d’y faire
redouter la France, nous ne trouuons point de raisons, pourquoy il
ait affecté de faire de son frere vn Vice-Roy de si basse estoffe, &
d’vn petit Religieux trauesty depuis trois iours, vn General d’armée,

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que pour le r’enuier sur nos Princes, dont il veut estouffer le lustre,
& monstrer contre son dessein, qu’il n’est pas moins ridicule en
sa vanité qu’en son administration. Si nous passons sous silence les
preuues qu’il en a renduës en la dispensation de tant de millions leuez
par auance, qui n’ont pû suffire qu’à payer vne demie Monstre
par an à nos Armées : & les sommes immenses de comptans, dont il
a si mal cultiué nos intelligences. Considerez, MADAME, que
ce n’a esté que pour vostre respect que nous auons toleré son Ministere
au preiudice de nos Loix, & que deslors que nous nous sommes
apperceus qu’il abusoit de l’authorité que vostre Maiesté luy
auoit mise en main, nous auõs creu qu’il y alloit de nostre deuoir de
vous en informer. Nous sommes contraints d’aduoüer, MADAME,
qu’au lieu d’vne Reyne Mere & Regente, nous ne trouuons plus
qu’vn Ministre estranger, qui s’est estably insensiblement en Regent
luy-mesme, & qui dispose à masque leué de toute la fortune de l’Estat :
Nous voyons qu’il ne respecte pas seulement vostre qualité,
ny la reputation de vostre Regence, qui luy deuroit estre si chere,
& qu’il foule aux pieds, comme si son ingratitude auoit pris à tasche
de vous faire la premiere iniure. Vous sçauez bien, MADAME,
que cette Monarchie est l’Ouurage de plusieurs siecles, & de
plusieurs Roys : & que sa dignité ne peut souffrir qu’elle soit abandonnée
à vne Idole de faueur, qui n’en cognoist pas les fondemens.
Vostre Maiesté ne trouuera pas raisonnable, que tant de Princes, de
Prelats, de Noblesse, de Corps celebres de grandes Villes, & de
Peuples, se laissent conduire pieds & poings liez à vn aueugle qui ne
void pas les precipices ; ny de mauuaise grace, qu’ils vous priẽt tous
ensemble, d’ouurir les yeux, pour ne vous laisser vous-mesme enuelopper
dans les tenebres auec le Roy, le Royaume, & la famille
Royale. Les extremitez où il a reduit le vaisseau de l’authorité Souueraine,
de ne pouuoir voguer qu’entre des escueils, sont de dangereuse
consequence : & il n’y a pas d’apparence, que le mesme Pilote
qui l’y a engagé par faute de cognoistre la route, l’en puisse desgager,
apres auoir perdu son estoille. Nous n’ignorons pas, MADAME,
que vous ne receuiez auec plus de plaisir, que nous n’y pouuons
apporter de zele, toutes les ouuertures que nous pourrions
faire pour y pouruoir : & que vous ne marquiés pour vn insigne desordre
de ses sentimens dans la Religion, le bannissement & la prison
des Predicateurs, qui ne preschent pas à sa mode, ou qui recommandent

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des prieres publiques qui ne luy plaisent pas. Mais nous
supplions vostre Maiesté de regarder sur tout, si ce n’est point luy qui
a le premier fauorisé la cause des impies, dont nous sont prouenus
tant de malheurs : & de vous souuenir, que Dieu ne sçauroit benir le
conseil de ceux qui combattent contre sa gloire.

 

CONTINVATION.

MADAME, Les reflexions que nous auons faites le mois
passé sur les affaires de l’Estat, n’ont point changé deuant
Dieu qui en auoit tous les succez presens, & qui a resolu de toute
eternité ce qu’il en veut determiner auiourd’huy. Tous nos momẽs
sont comptez deuant luy comme les heures du iour, & il ne luy en
échappe pas vn auquel il ne donne le poids. Il est vray qu’il ploye à
tous nos mouuemens, bien que ses conseils demeurent tousiours.
Mais ses voyes sont si differentes de celles des hommes, qu’il nous
menace bien souuent par la prosperité : il sonde nos cœurs & nos
reins de tous costez, pour nous faire esprouuer à nous-mesmes : &
nous releue ou nous endurcit, selon que nous nous en rendons dignes
ou coupables. Quand nous conuertissons les graces que nous
receuons de sa misericorde en ingratitude, il les conuertit en peché,
& tous nos triomphes en fumée. Nous auons dequoy le benir auec
vostre Maiesté, MADAME, de l’heureux succez de nos armes en
Flandres, & nous ne sçaurions considerer la conioncture du temps
& des affaires, sans y admirer de nouueau les miracles visibles de sa
protection. C’est aux grandes occasions qu’il declare sa puissance,
& aux coups de besoin qu’il subuient à ceux qui n’auoient plus de
resource qu’en luy. Vous nous permettrez de dire, MADAME, que
les petits ne sont pas moins à luy que les grands, & de remarquer
par le soin qu’il a pris de leur salut en cette extremité, que cette victoire
est veritablement la bataille du peuple ; car s’il eust fallu que
nous l’eussions perduë, auec tant de confusions intestines, à quelle
desolation eust-il esté reduit dans l’estenduë de trois Prouinces entieres,
& peut-estre dauantage : ou quel remede present y eussiez-vous
pû apporter ? Vostre Maiesté sçait bien, que ce sont les peuples
qui font les Roys, & non pas les Roys les peuples ; & que Dieu les
a donnez les vns aux autres, pour se maintenir respectiuement par
l’obeïssance & la charité, sous l’ordre que sa Prouidence leur a prescrit.
Vous tenez la place du Roy, comme sa Mere, dans vostre Regence :
& vous deuez tenir lieu de Pere pour luy dans vostre administration.

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Les interests du Roy & des peuples sont inseparables
comme l’ame & le corps, dont l’vn ne peut estre blessé que l’autre
ne souffre. Ce que vous ferez pour le peuple, vous le ferez pour vostre
fils. Si vous nourrissez son cœur en l’amour de ses Suiets, vous
edifiez sa Couronne ; & si vous la mettez en proye aux langues des
flatteurs qui vous enuironnẽt, vous en destruisez les fondemens. Le
plus inuiolable rempart du Roy est le cœur de ses Suicts, qui se fortifie
de l’amour de leur Souuerain. Sainct Louys qui les gouuernoit
en Agneau, les defendoit en Lion. La iustice est cette chaisne qui les
lie encore plus estroitement. Et il est impossible que le Prince ne regne
heureusement, qui balãce toutes ses actions entre ce qu’il veut
& ce qu’il doit : parce que la moderation est le premier tesmoignage
de la force de son esprit, & que le iugement qu’il ne veut pas
abandonner à la passion, y marque l’esprit de Dieu.

 

Nous nous fussions étonnez, MADAME, que vous eussiez reputé
criminels des Capitaines des Gardes du Corps du Roy, apres
de si lõgues espreuues de leur fidelité : & de voir qu’vn nouueau Ministre
donne des recompenses de leurs dépouïlles sous vostre authorité,
si nous n’estimiõs que vous auez esté surprise à ce changement,
& que ce n’est pas vostre intention de cõmettre vn gage si precieux
en dépost à des Partisans alienez. Car si les premiers n’ont esté chassez
que sous pretexte de ne vous auoir pas obey dans vne rencontre,
où le respect de leurs compagnons, & de l’ordre de leur seruice, leur
pouuoit fournir d’excuse : de quelle eau se pourront lauer ceux qui
vous ont refusé la mesme obeïssance, & qui n’ont accepté cette charge,
que par le commandement d’vn Estrãger ? Ce manque de respect
tiendroit lieu de soupçon entre les mains d’vn Ange, à bien dire. Et
quand vostre Maiesté commanderoit à tous les Astres, elle ne sçauroit
retenir sur ce point la deffiãce & la peur de tant de millions d’ames
qui y sont interessées. La France ne peut voir son Roy mineur,
despoüillé de ses anciẽs seruiteurs, sãs fremir : & le voir à la direction
d’vn homme nay suiet d’Espagne, qui commande ainsi dans les Gardes,
& qui double en mesme temps les siennes, sans en apprehender
de sinistres éuenemens. Sõ orgueil nous ébrãle l’esprit sur ces mauuais
presages, & nous ne sçauriõs nous souuenir qu’auec des transes
de dépit dans l’ame, que nous auons veu le Roy sur les degrez de la
Saincte Chapelle, découuert auec tous les Princes qui estoient autour
de luy, & ce pretendu Ministre aupres de sa personne, au milieu

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de cette Assemblée, à la face du Peuple, le chapeau sur la teste
comme vne statuë. Les dernieres douleurs augmentent toûjours les
premieres, MADAME, & le traict d’infidelité, qui nous a piqué au
vif dans le Te Deum de cette nouuelle victoire sur les ennemis de
l’Estat, nous mõstre bien que l’Estat n’en a point de plus dangereux
que luy. S’il n’a point fait de difficulté de conuertir les actions de
graces publiques en sacrileges, sous pretexte de maintenir l’authorité
Royale, quelle confiance pouuons nous prendre en ses déportemens ?
Et s’il ne trouue point d’autres moyens pour l’appuyer, que de
violer la foy publique contre les plus fideles seruiteurs du Roy ; que
peut-elle deuenir entre ses mains qu’vn fãtosme ? L’authorité Royale
est si legitime d’elle-mesme, qu’elle ne peut pecher, mais bien les
Ministres qui la dispensent, qui luy veulent faire changer de face. Et
ceux-là sont les veritables adorateurs, qui vous remonstrent, que sa
force consiste en son innocence & en sa justice, sans esquelles elle
ne peut subsister. C’est par là que celuy qui a fondé les Empires, les
garde, & non pas par des maximes impies & d’impies, qui ne cessent
de les esbranler, iusqu’à ce qu’ils les ayent renuersez. Vostre Maiesté
le voit auiourd’huy, MADAME ; & qu’ils s’en est peu fallu, que
ses conseils ne vous ayent rendu ce Te Deum plus funeste qu’à nos
ennemis. Si nous considerõs le succez par les fondemens que nous
auons establis sur la Religion en nostre premier Discours, nous y
voyons comme les interests des innocens y ont esté démeslez d’auec
ceux du coupable ; & que l’affront qu’il leur auoit preparé en
faueur de ce triomphe, s’est renuersé sur luy pour leur en laisser le
fruit. Vous y voyez la fatalité de son iniustice dans les decrets des
iugemens d’enhaut, & iusques à quel peril il auoit engagé l’honneur
de vostre Regence, si Dieu ne s’y fust visiblement opposé. Mais
enfin nous esperons, MADAME, que ce sera de cette reflexion
que vostre Malesté tirera desormais les lumieres necessaires à sa
conduite, & non pas de ces faux luisans, qui ne nous esclairent que
pour nous conduire dans les precipices.

 

A PARIS, De l’Imprimerie d’ARNOVLD COTINET, ruë
des Carmes au petit IESVS.

M. DC. XLIX.

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