Anonyme [1652], L’ORACLE DE LA FRANCE, PARLANT Au Roy de l’estat present de toutes les Villes de son Royaume. , françaisRéférence RIM : M0_2601. Cote locale : B_14_19.
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L’ORACLE
DE LA FRANCE,
PARLANT
Au Roy de l’estat present de toutes les Villes
de son Royaume.

SIRE,

Comme Oracle & Messager des Cieux, ie
viens à vous de la part de celuy qui estant le
Souuerain des Roys, le Monarque supresme
des Monarques & principautez du monde,
qui Enthrosne en sa clemence & bien-veillance,
& les Desthrosne en son ire & fureur
quand il luy plaist, vous annoncer deux sortes
de Nouuelles du tout contraires, bonnes
& mauuaises, elles seront bonnes si les prenez
& receuez auec le niueau & regle de la
verité ; mais elles seront mauuaises si vous

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les receuez sous le voyle de vos passions, &
de vos volontez absoluës, sans prester l’oreille
à la raison qui n’a pour guide que la Iustice
& la verité.

 

Sçachez, SIRE, aujourd’huy vne fois
pour toutes, veu qu’il en est temps, & que
le mal est a la porte de vostre Cabinet, voire
bien fort alumé aux quatre coins, mais helas !
au milieu de cét Empire François qui gemist,
qui fait entendre les lamentations & iustes
regrets : iusqu’aux limites Estrangeres, pour
le desordre qui menace de ruyne & desolation
prochaine, & vostre personne & vostre
Royaume. Reueillez-vous, SIRE, ne dormez
plus : Ie vous viens esueiller : ie vous
aduertis, il n’y aura plus de temps desormais,
le feu est allumé & l’embrazement est prochain.

Pourquoy est-ce, SIRE, que Dieu vous
a faict naistre en la tres-Illustre & incomparable
lignée des tres-Chrestiens Roys de
France : mais encore Fils de Louys le Iuste,
petit Fils de Henry le grand, la merueille des
Rois du monde pour ses rares vertus Heroïques
& Royales ; Pourquoy estes-vous Roy
sur le redouté Empire François ? Et qu’en

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l’aage de quatre à cinq ans Dieu vous a-il
mis le Sceptre en la main droite, la Couronne
sur la teste, la main de Iustice en la gauche,
& l’espée Royalle au costé ? pourquoy
est-ce qu’orné de telles pieces & marques
de Souuerain Empire, paroissez-vous au millieu
de nous mortel, n’ayant neantmoins
rien qui ne soit immortel ; estant l’Oingt de
Dieu vous ne receuez comparaison que de
vous mesmes. Qui est le Roy dans le grand
Globe & circuit du monde qui soit Sacré
d’huyle, enuoyé des Cieux ? qui soit appellé
tres-Chrestien & fils Aisné de l’Eglise, sinon
vous ? mettez-vous donc a nonchaloir tels
benefices & telles graces que Dieu n’a départies
qu’à vous ? Considerez ces choses,
SIRE, & connoissez auec l’œil de la Raison
que vous estes Roy de la belle France, fille
bien aymée des Cieux ? Royaume premier sur
toutes Nations. Royaume fleurissant & beny
de Dieu, particulierement d’vn soin paternel
qu’il luy a eslargy en tres-grande abondance,
miracles & merueilles depuis du moins treize
cens ans : Dieu donne-il les Royaumes
aux Roys pour en abuser, pour se donner du
bon-temps, pour remettre les affaires de son

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Estat és mains des Estrangers qui sont Ennemis
des François, qui abusant de l’aage & de
l’authorité du Roy le traisnent finalement en
ruyne : il n’est besoin icy d’en rechercher les
Exemples. L’histoire Sacrée & les prophanes
en produisent de gros & infinis Cahyers à la
honte pour la posterité des Roys, & de leurs
Royaumes desolez, & venus en décadance.

 

Manassez en la Sacrée Page, Ioas, Osias
jeunes & mal Conseillez, quelles magies d’ignominies
n’ont ils laissé ; Salomon n’en dira
il rien, mais helas, son ieune & temeraire fils
Roboam, comment a t’il esté despoüillé des
dix lignées, ne luy en restant que deux ? il auoit
receu le conseil des flatteurs, des pipeurs,
des flagorneurs, & jeunes gens pernicieux,
qui méprisant les sages Conseillers que
son Pere luy auoit laissés & recommandés, il
s’est rendu ennemy de son Peuple, l’a mesprisé,
l’a foulé & opressé : le Peuple aussi se
voyant ainsi outrageusement traicté, l’a abandonné,
& s’est reuolté de son obeyssance,
& luy a fait la guerre.

Vous estes dans la mesme barque, Sire, si
de bonne heure vous n’y prenez garde, vous
deuiez retenir aupres de vous le sage & bon

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conseil que feu le Roy vostre Pere vous auoit
laissé, & remarquez que ce grand Empereur
Frederic a fait heureusement éclatter par
tout l’Vniuers l’effet de son nom, Riche de
foy, monstrant que tout son bon-heur ne consistoit
qu’en vne tranquille paix, durant laquelle
les Princes & Roys dominent en asseurance,
sont aymez, benis & honorez par leurs
Sujets ; les Sujets aussi fleurissent en tous
biens.

 

C’est vne chose tres-dangereuse qu’vne
amitié desguisée ; vous auez aupres de vous,
& au dessus de vous, en vostre cabinet, & par
tout où vous allez Mazarin, & autres de sa cabale,
qui sont ennemis capitaux, Monstres
abayans, enchanteurs dissimulez & cauteleux,
qui ne portent point sans cause le musc quant
& eux : pourquoy cela ? me direz-vous, c’est
pour couurir la puanteur de leurs execrables
vices ; ha ! que si le musc exterieur pouuoit
estre l’interieur de leurs meschancetez, quel
bien pour toy, ô France, de voir ton Roy
desenchanté, descharmé, les yeux ouuerts
pour voir & échapper le mal qui le menasse.

Laissez-vous donc, Sire, conduire à la verité ;
donnez-luy la palme, vous serez victorieux

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par icelle comme ce grand Roy, duquel
il est parlé au troisiesme Liure du voyant Esdras,
chapitre quatriesme ; cettuy-cy ne voulut
iamais auoir que gens vertueux pres de lui,
ayant tousiours cecy en bouche, Vinum Rex
mulier cedunt simul omnia vero : Le vin, le
Roy, la femme sont tres-forts ; mais verité est
encore plus forte, c’est à icelle que vous deués
vous tenir, & chasser ces Mazarins enchanteurs
& trompeurs, qui ont plus d’inuentions,
de tours, de ruses, & de finesses que iamais
eut le Magicien Prothée : voyez-vous pas que
leurs meschantes pratiques les ont tellement
guindez au dessus des plus belles fortunes de
la France, qu’il vous sera peut-estre impossible
de les en déposseder, & par ce moyen ont
abusé & abusent de iour en iour de vostre
bonté, & de celle des François. Le ieune serpent
est venimeux, mais non pas tant que lors
qu’il est deuenu grand & fort, & qu’il a les
dents fortes & mortelles.

 

Mazarin est entré en Renard & cauteleux,
il a plumé la poule à son aise, ayant gaigné le
Poulailler, & apres s’estant veu en sa pleine
possession de vostre personne, & de vos biens
particuliers, mais aussi de toute la France : il

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a comme trompeur qu’il est, enuahy & possedé
en peu de temps ce que de grands Princes
& Seigneurs, & Gentils-hommes ont autrefois
acquis auec longueur de temps, & trauaux
inombrables par bons & loüables seruices
à la Couronne, qui leur donnera à iamais
le guerdon honnorable de leurs fidelles labeurs,
& Mazarin qui est vn Estranger auec les
siens ont esté indignement esleuez en la maison
des Enfans legitimes : qu’ont-ils fait, ils
ont pillé, & pillent encore, & pilleront iusqu’au
reste, le tout si vous n’arrestez le cours
de leur ardeur desmesurée & insupportable.

 

Mais quelle honte, Sire, quel deshonneur
non seulement à vous, mais quel vitupere &
ignominie à la France & à tous vos bons Sujets
qui soûpirent & gemissent de voir que
vous estant Roy Souuerain sans pair & compagnon,
vous soûmettiez vostre puissance &
vostre authorité, de nul autre communicable,
à des Mazarins qui sont de vrais serpenteaux,
des harpies, des affamez, des gueux, des
estrangers : Que vous permettiez qu’vn Cardinal
Mazarin loge chez vous, & soit si impudent
& temeraire que de vous enuoyer demander
si vous voulez aller dans sa chambre ;

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qu’est-ce à dire cela ? quelle mocquerie ? permettrez-vous
long-temps que ce bouffon, ce
hapelourdier, qui se mocque de vous, & des
Grands de vostre Royaume ; ce que les gens
de bien sous iustes & equitables demandes,
requierent de vostre Majesté, ce pipeur l’obtienne
incontinent & sans refus.

 

Si ce mal-heur continuë, adieu vostre France,
adieu vostre Estat, adieu vostre Couronne,
ce que Dieu ne vueille, car l’audace des Mazarins,
ou plustost leur fiere & desesperée ambition
leur a donné telles aisles, & si fortes,
qu’ayans vn tel pouuoir & authorité dans vostre
Royaume, & aupres de vous, ils voudront
bien-tost départir le Royaume, comme il y a
quelque temps que fut le Royaume de Boheme
en l’Empire ; l’vn voudra auoir la Couronne,
l’autre le Sceptre, l’autre l’Espée, l’vn
l’Or & l’autre l’Argent de vos Coffres & Finances ;
l’autre les Terres & Gouuernemens
de vos Prouinces, & l’autre l’authorité Souueraine
de commander par tout absolument. Et
qu’auriez-vous apres tout cela, que deuiendra
vostre authorité ? que deuiendront vos
Places & vos Finances ? que ne peuuent pas
dire les Princes de vostre Sang, & autres, qui

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sont le Bras fort & Deffenseur de vostre Estat,
quelle contenance doiuent-ils tenir, voyant
des affamez, au lieu de manger le pain de leur
table, disposer haut & bas, sans respect des
biens de la maison, & se voyans ainsi priuez
de leurs droicts, honneurs, préeminences, prerogatiues,
que doiuent ils faire apres cela ;
vous le iugerez, Sire, aisément, & verrez que
ces choses leurs ont esté des portes ouuertes
& mescontentement de iuste colere, les ont
obligé de prendre les armes contre le Cardinal
Mazarin, affin de le deposseder de ce qu’il
occuppe iniustement, & l’esloigner de France
comme estant la cause de son mal-heur, &
mettre par ce moyen vous & eux, & tout le
Peuple en repos ; car il est vray que la plupart
des fauoris des Roys causent souuent leur
ruïne totalle.

 

Les Exemples de cecy tant Enciens que
Modernes, n’en rendent que trop de tesmoignages :
i’en prendray vn seulement qui est
du tout funeste & lamentable en la personne
d’vn de vos predecesseurs, qui a esté le vingt-neufiesme
Roy des François, & leur dernier
Empereur ; ç’a esté Charles le Gros qui pour
auoir mieux aymé l’Estranger que ses propres

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suiets, ne tenant conte d’eux, ny de l’administration
des affaires de son Royaume, se
vit comme en instant la bute de tout malheur
& d’infamie immortelle, & exemplaire
a ses Successeurs.

 

Il fut de gradé du Royaume & de l’Empire,
& se trouua seul sans vne pauure maisonnette
pour faire sa demeure : dechassé ignominieusement
de son Palais & demeure Royale, &
confiné honteusement à vn pauure village de
Suaube en Allemagne, où il acheua ses iours
en extresme disette sans secours d’aucun : sans
estre regretté de personne : bref, ô misere !
sans pain, sans honneur & moyens : ô histoire
espouuentable pour les Roys ! Voyant, Sire,
& entendant tel exemple, permettrez-vous
encore long-temps que le Cardinal Mazarin
vous traisne, & emporte par tout ou son plaisir
le porte : ha ! qu’il sçait bien que son cas
est sale par deça ; c’est pourquoy il vous fait
esloigner de Paris, au grand preiudice & regret
de vos bons & fidelles seruiteurs, qui languissent
se voyant priuez de l’agreable presence
de vostre Majesté, & par les meschantes
menées ; brigues & meschants raports de ces
homme pernicieux, & sous le masque faux

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d’vne dissimulée amitié enuers vous, s’est bien
fait payer de ses iournées par les Escheuins,
Maires & gouuerneurs des Villes à vostre desceu,
Sire, Exigeant secrettement des sommes
enormes pour assouuir sa damnable auarice,
en aigrissans par ce moyen les cœurs &
courages de vos subjets, qui s’estant veus pincez
si viuement par cette sangsuës alterée, laquelle
s’est enyuré de leur sang, cela les a obligez
a vn grand mescontentement, & leur
murmure est merueilleux, tous se plaignent,
on entend aujourd’huy que plaintes que propos
rudes & picquants : Vostre peuple s’est
émeu & est en mauuaise & sinistre opinion de
voir que vous auez abandonné vostre ville de
Paris, & auez laissez vos sujets à l’abandon,
sous la fausse suggession & mauuais raport du
Cardinal Mazarin : car ce meschant & pernicieux
hõme empesche que nous ayons temps
& lieu ny occasion de vous dresser nos plaintes,
ny ayant que luy qui tient vostre oreille,
vostre volontê & vostre authorité en sa main,
& ne pouuez par ce moyen estre aduerty de
ses desloyales pratiques, ny du mal-heur de
vostre Peuple, la desolation est prochaine, &

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l’embrazement est prochain, car le Cardinal
Mazarin y a porte le bois, le feu, & les soufflets.

 

Sçachez, SIRE, que la trop grande familierité
causa la ruyne totalle à ce grand
conquesteur de Terres & Prouinces : Cesar
premier Empereur des Romains, on l’aduertissoit
de tous costez ; Prenez garde, vous déclarez
trop ouuertement vos secrets & vos entreprises
à vos deux nepueux Cassius & Brutus,
ils vous trahirons, & en serez marry à la fin : Il
n’adiousta iamais foy aux sages remonstrances
de ses bons Conseillers.

Qu’en aduint-il sa ruïne & dommage, ils le
tuerent en son siege, de vingt-deux playes
mortelles, lors que moins il y pensoit. Il ne
faut pas mespriser les serieux aduertissemens
dés hõmes sages & fidelles, & ne faire comme
ce fol Roy Architas qui estans aduerty de
la conspiration qui luy estoit brassée, il dit
se mettant à table pour souper à demain les
affaires, à demain, mais il ne le vid pas le
landemain, car au milieu de son souper il
fut poignardé, c’estoit bien remettre à demain
les affaires, le dormir & la nonchalence

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sont dangereux, principalement a vn
Roy qui doit tousiours despendre plus en
raison qu’en sa volonté propre. Ce qui vous
doit plus esveiller & émouuoir Sire, c’est
que non pas vn deux ou trois cents vous
aduertissent des meschantes menées &
pratique du Cardinal Mazarin, mais toute
la France crie misericorde : Sire, tout se
perd, vous vous perdez & nous (vox populi
vox dei) la voix du Peuple c’est la voix de
Dieu, les estrangers mesmes, & les Princes
estrangers s’en estonnent, ils sont esbahis
qu’vn homme inconu & chetif mercenaire
ayt gaigné tel credit auprés vous, & se soit
agrandis au dessus des Princes & des
Grands à vostre perte.

 

Mais ie parle à toy, ô desolée France,
voyant ton mal-heur, quel desastre ? ó
pauure France, que tu voyes ce mal-heureux
ingrat, ce pernicieux homme te rauir le
plus beau de ta ioye, t’enleuer ton Roy, &
tu ne sçais ce qu’il en fera, le faire courir
apres ses volontez, bref le perdre si Dieu n’a
pitié de toy ! ô grande douleur de le voir
accompagner & fortifier des fatelites Mazarins

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qui t’anime, & ton ieune Roy pour
vous perdre & destruire, Dilationem pœnas,
dit le Prouerbe, inuitamur ad maiore mala,
en differant le supplice des meschans on est
porté à des maux nouueaux & plus grands ;
ha ! Sire, que tres-bien disoit vostre sage
Ayeul S. Louys, que le Roy qui peut punir le
méchant, il est aussi coupable que luy si il ne
le chastie, vous deuez mettre en effet vne
telle & si belle s’entence, puis qu’on vous
monstre a descouuert les méchancetez d’vn
C. M. quod leges siné moribus, disent les Iurisconsultes,
que seruent les Loix sans les
mœurs, qu’est-ce qu’vne Ville sans Loix, vn
Roy sans le Peuple & main de Iustice, comment
Sire, vous reconnoistra-on pour vray
Roy, pour Pere & Protecteur de vostre Peuple,
si tout le premier vous ne portez le flambeau
de vertu pour esclairer vostre Peuple,
si vous endurez auprés vous les meschans &
pernicieux, qui vous honora ? si vous auez
auprés de vous des flatteurs, des trompeurs,
des flagorneurs, qui croira que vous auez
le droict & l’equité que les marques essentielles
d’vn bon Roy, si vous endurez d’auange

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les Mazarins qui sont des Apoloniens, des
destructeurs de vostre renommée, de vos
biens & du total de la France, estimez-vous
qu’on die que nous auons vn Roy benin, &
debonnaire, vn protecteur & deffenseur de
nos biens, enfans & viës, voycy vn mauuais
coup de Roys, Sire, qui se seruent de flateurs
de traistres & ennemis de l’Estat, où dit
l’encien Prouerbe, que ceux qui demeurent
en leurs Cours sont forcenez, & desirent
viure mal heureux, imitez plustost vostre
Sage, & de vos predecesseur Clouis qui a
regné quinze ans Payen & quinze ans Chrestien,
& ayant reconnu la verité il la deffendit
tousiours auec l’Espée & se fit renommer
en iustice, pieté, clemence, & force, & dechassa
tous mauuais Conseillers & gens malins
reconnus tels, imitez aussi ces braues
Roys, Iosias, Ogias, Salomon, Dauid &
autres Roys rescommendez en l’Escriture
Saincte, vous flerirez par iustice qui est la
basse & le fondement de toutes vertus lors
que vous chasserez d’aupres vous les meschans
qui sous couleurs de feinte, vous trompent
& deçoiuent, ce sont des monstres inhumains

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qui infestent par tout ou ils passent. Ie
vous prie Sire, pourquoy est-ce que Ciceron
au premier de ses Tustulanes appelles Rhadamante
iuge d’en-fere inexorable, parce
qu’il faict les iugemens sans corruption : on
vous dit, on le crie, on publie par tout, & de
voix & d’escris on ne s’en peut plus taire,
que le Cardinal Mazarin & ses supost vous
pillent, vous enchantent, vous perdent, &
vostre pauure France, vostre pauure Peuple
oppressé par eux ; crie, gemist & se plaint :
vous dresse ses complaintes, serez-vous inexorable
a ses iustes prieres, mais bien plustost
soyez inexorable aux Mazarins, chastiez-les
en vostre iuste colere & iustice, sans leur bailler
plus si longues resnes vsez enuers eux de
vostre iustice, laquelle doit estre comme la
mort qui ne pardonne a petit ny a grand, à
foible, ny fort, a riche, ny pauure ? bref a nul
mais, Sire, helas : finalement, oubliez-vous
vostre bonne Ville de paris, laquelle vous
est tres fidelle, aura-elle vostre mal-grace par
la tromperie des Mazarins, aussi n’aduienne
Sire, que vous ostiez le pain de la main de
vos enfans pour le donner aux chiens, ennemis

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mercenaires estrangers ; & quoy a vostre
France luy serez-vous rigoureux, vostre Paris
qui est la meilleurs Ville du monde, sera-elle
iniustement haye de vous son Roy &
Pere, Paris dis je Ville Capitalle de vostre
Royaume, le Throsne sacré de la venerable
iustice, où les dieux tutelaires d icelles prononcent
leur iustes Arrest, mais plustost
Oracles, France qui est heureuse en manne
nouuelle, qui entourée despies & de raisins
nourrit les siens de ses biens & ses voysins
plus esloignez, Paris encore Throsne Sacré
ta redouté de nos bons Roys tres Chrestiens
viendra-il en vostre haine par l’enuie du Cardinal
Mazarin, homme estranger & inconneu,
non car vous estes Louys Auguste de Dieu
donné qui connoistrez ce pipeur & le connoissant
vous le chastires selon ses demerites
& forfaict pour exemples & memoire a tous
autres pernicieux, que comme luy voudroit
troubler vostre repos, & celuy de tous vos
bons sujets, qu’il puisse donc Sire, a vostre
Maiesté mettre vostre Royaume en repos, &
donner la Paix à vostre Peuple qui vous la
demende si honnestement, & pour lequel

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ie vous prie auec tant de ferueur descoutér
ses instantes supplications, & accorder vne
si juste & si legitime demande, & vous ne
pouuez Sire, par vn meilleur moyen mettre la
France en repos que d’en chasser son perfide
ennemy qui aussi pareillement est le vostre,
car pour esloigner le Cardinal Mazarin, vous :
en auez tant esté prié de la part des Princes,
de vostre Parlement, de vostre Peuple, & moy
qui vous en prie de la part de Dieu, faicte
que i’aye quelque pouuoir sur vostre Majesté,
ne me refusez pas dans ma suplication &
humble requeste.

 

C’est l’Ambassade donc i’ay eu charge de
faire par deuers vostre Maiesté, executé-lez
Sire, si desirez l’honneur de Dieu qui vous
a faict Roy, le bien de vostre Peuple la joye
& contentement des gens de bien en l’extirpation
de cét ennemy iuré de la France, les
voix de vostre bon Peuple, vous rendrons
recommandable & aymé d’vn chacun, &
finalement comble de benedictions temporelles,
spirituelles & eternelles, vous iouïrez
des biens du Ciel en la compagnie des Esprits
bien-heureux à iamais, auant que me

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départir de vostre presence. Sire, ie fay pour
vous cette priere à celuy qui m’a enuoyé, disant,

 

Dieu Souuerain Monarque de toutes choses,
qui tenez les cœurs des Roys en vos
mains, affermissez l’Empire de ce ieune Roy,
que vous auez choisi pour gouuerner vostre
Fille la France : Regardez-le tousiours de
vostre œil debonnaire, rendez ses entreprises
heureuses, chassez de luy le trouble de nostre
repos, mettez-le auec les Princes & le peuple
dans vne bonne & durable paix, afin que
nous puissions viure sous son regne dans vne
parfaite vnion & concorde.

Lecteur, ie t’aduise qu’apres auoir acheué
ma pieces & que l’impression en estoit
faite : il m’est venu nouuelle que le Cardinal
Mazarin s’en alloit, ce bruit est desia,
respandu dans Paris ; mais ie t’en veux asseurer
au vray, sçache donc que sa Majesté a
enfin consenty à cét Esloignement, & qu’elle
a esté vaincuë à tant de iustes Supplications :
Mais plutost ie veux croire que Dieu luy a
touché le cœur pour luy faire accorder en vn
moment, ce que par tant de temps il auoit

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refusé, & lors que par vn celeste bon-heur, il
se verra deliuré & nous aussi de ce miserable
Cardinal, qui a causez des maux inombrables
à la France. Tout reprendra sa premiere
vigueur, toutes choses seront restablies
dans leurs fonction ordinaire & Paris
repossedera son Roy ; c’est ce qu’en bref nous
esperons dans peu ; nous, aussi nos Princes
dans vn éclat pompeux aupres de sa Majesté ;
ils reuiendront reprendre les places qu’vn injuste
Vsurpateur auoit pris sur eux : Il faut
donc croire qu’vne heureuse Paix nous va tirer
de nos langueurs, & que cette Fille d’Enfer,
cruelle & meurtriere guerre prendra fin,
puisque celuy qui l’auoit allumée, & qui l’entretenoit,
nous va quitter au grand bien de
toute la France. I’espere bien-tost, mon cher
Lecteur, de dire la route qu’il doit tenir, mais
pour commencer ta ioye, ie t’ay voulu asseurer
de sa sortie qui sera dans peu de iours.

 

FIN.

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